Les bombardements israéliens sur Gaza ont déjà tué au moins 48 Palestiniens – dont 14 enfants – et blessé des centaines de personnes, tandis que six Israéliens ont été tués par des roquettes tirées depuis la bande de Gaza. Les médias internationaux ont une fois de plus présenté les bombardements comme des représailles légitimes à la décision du Hamas de tirer des roquettes sur Israël. Toutefois, comme d’habitude, ils donnent une vision totalement biaisée des causes réelles de cette escalade de la crise en Israël et en Palestine.
Si l’on en croit Jared Kushner – conseiller principal sur le Moyen-Orient et gendre de l’ancien président américain Donald Trump – ce que nous voyons en Israël et en Palestine n’a même pas lieu. Dans une démonstration typique d’arrogance, Kushner a écrit le mois dernier dans le Wall Street Journal : « Nous sommes témoins des derniers vestiges de ce que l’on appelait le conflit israélo-arabe. »
Nous assistons à une nouvelle escalade de la violence contre la population palestinienne par l’État israélien. C’est le résultat empoisonné des tentatives d’imposer une « paix » impérialiste menée tambour battant par l’impérialisme américain, sur la base de la suppression des droits de la majorité palestinienne. Cette politique a été poursuivie sans relâche par Trump : avec la reconnaissance par les États-Unis de Jérusalem comme capitale indivise d’Israël, la loi constitutionnelle de Netanyahou déclarant qu’Israël est un État juif, la revendication territoriale d’Israël sur le plateau du Golan, puis finalement la signature des soi-disant « accords d’Abraham ».
Le message claironné par ces accords s’adressait en réalité à la jeunesse et aux masses palestiniennes de Gaza, de Cisjordanie, d’Israël et de la diaspora palestinienne, forte de plusieurs millions de personnes : « Vous êtes seuls. Vos droits ne seront jamais reconnus, et il ne vous reste qu’une seule option : vous soumettre. »
Netanyahou a volontiers encaissé le chèque en blanc fourni par l’impérialisme américain en doublant le programme incessant de rapt de terres par l’État israélien. Il a soutenu la reconnaissance légale des revendications avancées par le mouvement raciste et nationaliste des colons juifs de droite, dans les zones palestiniennes densément peuplées de Cisjordanie et de Jérusalem-Est.
Deux poids, deux mesures ont été appliqués pour discriminer systématiquement la population palestinienne vivant en Israël, sans parler de celle vivant dans les territoires de l’Autorité palestinienne ou à Jérusalem-Est. Ici, l’État israélien est en fait une force d’occupation, qui exerce un contrôle étroit sur les routes, l’eau, les télécommunications, l’énergie et toutes sortes de fournitures, y compris désormais les vaccins pour la COVID-19.
Le dédale kafkaïen de lois et de règlements, conçus pour priver la population palestinienne de tout droit substantiel, et la répression violente de toute tentative de résistance au piétinement des droits fondamentaux de la personne, ont mis une partie de plus en plus importante de la population palestinienne au pied du mur.
Ces derniers mois, nous avons assisté à une vague croissante de luttes contre les expulsions, les démolitions, les expropriations de terres et les provocations anti-palestiniennes quotidiennes des colons et de l’extrême droite sioniste.
Le militantisme dont ont fait preuve les jeunes de Gaza l’année dernière, des milliers d’entre eux ayant défié les balles des tireurs d’élite israéliens pendant des semaines, doit servir d’avertissement : la répression n’aboutira à rien d’autre qu’à une résistance encore plus déterminée.
Intensification
Une fois de plus, Netanyahou a saisi l’occasion d’intensifier le conflit afin de surmonter les divisions internes qui menacent son emprise sur le pouvoir. Il reste à voir si ce pari produira l’effet désiré ou – comme c’est plus probable – s’il conduira à une crise politique et institutionnelle encore plus profonde, qui explosera à un moment donné au cœur de l’État israélien.
Le silence assourdissant de Joe Biden aux États-Unis en dit long sur la position de l’impérialisme américain. Toute tentative de mettre de la distance entre la nouvelle administration américaine et les politiques de Trump mettrait en danger ses relations avec Israël et les monarchies réactionnaires du Golfe, qui sont déjà alarmées par la tentative actuelle de ressusciter les négociations américaines avec l’Iran.
Comme d’habitude, la vérité est la première victime de la guerre. Le barrage de propagande blâmant le Hamas pour l’aggravation actuelle du conflit peut temporairement rallier l’establishment politique israélien autour de Netanyahou, mais il ne pourra pas cacher longtemps la réalité.
Depuis des semaines, les agressions contre les droits des Palestiniens se sont multipliées dans une série d’affaires très médiatisées. Dans le but de poursuivre le nettoyage ethnique de Jérusalem-Est de ses résidents palestiniens et de les remplacer par des colons juifs, l’armée et la police israéliennes ont utilisé la force pour voler les maisons d’une douzaine de familles palestiniennes pour le compte de colons juifs dans le quartier de Sheikh Jarrah.
Alors que les résidents palestiniens se voyaient refuser l’entrée du quartier, les colons armés pouvaient aller et venir à leur guise. La manifestation palestinienne, qui était au départ pacifique, a été réprimée par la force par l’État israélien. Des manifestants non armés et des passants, dont des enfants, ont été arrêtés. Des gaz lacrymogènes et des balles en acier recouvertes de caoutchouc ont été utilisés contre les manifestants. Alors que les Palestiniens ont été durement réprimés, les colons qui leur ont lancé des gaz lacrymogènes n’avaient rien à craindre de la police.
La décision de la police israélienne d’interdire aux Palestiniens de se rassembler devant la porte de Damas à Jérusalem-Est, lieu de rassemblement habituel des résidents palestiniens de la ville, en particulier pendant le ramadan, a constitué une nouvelle provocation. Aucune explication n’a été donnée. Les Palestiniens ont bien compris ce dont il s’agissait : d’une nouvelle tentative de leur enlever un lieu central de la ville. D’autres manifestations, pacifiques au départ, ont été accueillies avec une violence gratuite par l’État israélien.
Du sel sur la plaie
De l’huile a été jetée sur le feu lorsqu’une foule de fascistes et de racistes israéliens, organisée par l’organisation raciste Lahavan, a défilé dans la vieille ville et à Jérusalem-Est la semaine dernière. La foule brandissait des drapeaux israéliens et criait des slogans tels que « Mort aux Arabes! ». Certains parlaient bruyamment de tabasser des Arabes, et si ce n’était pas possible, de tabasser des gauchistes israéliens, demandant à plusieurs reprises aux passants s’ils étaient gauchistes. Avant la manifestation, des personnes de droite parlaient sur les médias sociaux de « brûler des Arabes aujourd’hui » et appelaient à utiliser des armes, comme le rapporte Ha’aretz.
Itamar Ben-Gvir, chef du parti fasciste Otzma Yehudit (« Pouvoir juif »), dans un acte de provocation, a déplacé son bureau dans le quartier palestinien de Sheikh Jarrah.
Le parti est le successeur du parti fasciste Kach, qui a été interdit dans les années 1990 en raison d’actes de terrorisme contre des Arabes. À plusieurs reprises, Ben-Gvir a exprimé sans ambiguïté qu’il s’oppose aux droits de citoyenneté des Palestiniens ainsi qu’à leur droit de vote ou de faire partie du parlement israélien. Le maire adjoint de Jérusalem, Arieh King, a été filmé en train de dire à un activiste palestinien qu’il était dommage qu’une balle l’ait touché à la jambe plutôt qu’entre les yeux.
Les actions de la police et de l’armée ont constitué une escalade consciente de l’agression de la part d’Israël. Les autorités israéliennes ont encore aggravé la situation en prenant d’assaut le Mont du Temple (Haram al-Sharif) et la mosquée d’Al Aqsa qui s’y trouve, le troisième lieu le plus sacré de l’Islam. Les forces israéliennes ont tiré des grenades lacrymogènes à l’intérieur de la mosquée et ont attaqué des musulmans palestiniens non armés qui étaient venus prier. Leur seul moyen de riposter contre les soldats israéliens lourdement armés et bien protégés a été de leur jeter des pierres.
Le Mont du Temple a toujours été le point central du conflit israélo-palestinien à Jérusalem, et les autorités israéliennes savaient très bien ce qu’elles faisaient lorsqu’elles ont laissé leurs troupes prendre d’assaut Al Aqsa pendant le Ramadan sans aucune raison valable. Elles savaient parfaitement que le Hamas réagirait, notamment en raison des connotations religieuses du geste.
Le Hamas a lancé un ultimatum à Israël pour qu’il libère le Mont du Temple des forces israéliennes avant lundi (10 mai) à 18 heures. À l’expiration de ce délai, des roquettes ont été tirées sur le sud d’Israël et sur Jérusalem. L’armée israélienne a répondu par des frappes aériennes contre Gaza.
Avant l’assaut contre Al Aqsa et la réponse du Hamas, il était de plus en plus clair pour le public, même à l’intérieur d’Israël, que l’expulsion des Palestiniens de leurs maisons et l’utilisation d’une grande violence policière contre leurs manifestations étaient une provocation consciente.
L’enfer de Gaza
Le nombre de morts dit tout ce qu’il y a à dire sur le rapport de force militaire totalement asymétrique. À l’heure où nous écrivons ces lignes, six civils israéliens sont morts à cause des roquettes du Hamas. Pendant ce temps, 48 Palestiniens, dont 14 enfants, ont été tués par les frappes aériennes israéliennes sur Gaza. Parmi les Israéliens qui sont morts, deux étaient des Palestiniens israéliens de la ville de Lod, pour lesquels la municipalité ne construit pas de bunkers.
L’armée israélienne prétend qu’elle n’attaquerait que les terroristes et les cibles du Hamas. Mais la vérité est que – même si l’on croyait ses prétentions – cela serait tout simplement impossible. Gaza est densément peuplée par deux millions de personnes vivant sur une bande de terre de 360 kilomètres carrés. Les civils n’ont nulle part où s’échapper. Alors que les citoyens israéliens peuvent se réfugier dans des bunkers et que les immeubles résidentiels modernes en Israël sont construits de manière à résister aux attaques de roquettes, les Palestiniens de Gaza ne disposent pas de telles protections, en raison du blocus économique imposé à la bande par Israël, qui comprend une interdiction des matériaux de construction. Alors que la plupart des roquettes tirées sur Israël sont arrêtées par le « Dôme de fer », le système de défense aérienne, les Gazaouis ne possèdent pas de telles défenses.
Tout cela s’ajoute à l’énorme souffrance des temps « normaux » : le blocus et la forte densité de population rendent impossible le développement d’une économie à Gaza. Le résultat est un taux de chômage de 50%. En raison du blocus économique, les choses les plus essentielles comme les soins de santé et une alimentation suffisante font défaut.
Des pierres contre des fusils
Les politiciens américains et européens ont réagi à l’escalade en condamnant « la violence des deux côtés ». C’est de l’hypocrisie pure et simple. Le conflit est complètement asymétrique. D’un côté, nous avons Israël, la plus grande puissance militaire du Moyen-Orient et un pays capitaliste développé. De l’autre côté, nous avons un peuple opprimé, sous occupation, sans État ni armée, dont les maisons sont confisquées ou bombardées.
Bien que les attaques à la roquette du Hamas soient certainement traumatisantes pour les civils israéliens, la plupart de ces roquettes sont des feux d’artifice primitifs, fabriqués par le Hamas lui-même, dont la portée et la puissance de détonation sont faibles. Leur principale utilité pour le Hamas est d’ordre propagandiste. Selon l’armée israélienne, 90% de ces roquettes sont arrêtées par le système de défense aérienne Dôme de fer.
Les roquettes du Hamas ne visent pas à nuire à Israël, ni à combattre l’occupation. Comme Netanyahou, le Hamas tente de récupérer les lambeaux de sa légitimité depuis longtemps usée, en se présentant comme le paladin de la lutte nationale palestinienne. En réalité, l’autorité du Hamas – ainsi que celle de la direction palestinienne corrompue d’Abbas et du Fatah – a été de plus en plus sapée par la mobilisation spontanée de la jeunesse palestinienne : la source de la résistance et de la lutte de masse tant au sein de l’Autorité palestinienne qu’en Israël.
Il faut combattre l’occupation par des manifestations et des grèves de masse!
En ce moment, beaucoup – y compris de nombreux Palestiniens – se tournent vers « la communauté internationale ». Ils espèrent que les Nations unies, les ONG de défense des droits de la personne, les États-Unis ou l’Union européenne pourront intervenir pour arrêter Israël. Mais cet espoir est une illusion.
Israël est le partenaire le plus fiable de l’impérialisme occidental au Moyen-Orient. Les États-Unis et l’Union européenne ont déjà montré qu’ils ne sacrifieront pas cette importante alliance en soutenant la moindre mesure favorisant la libération de la Palestine. L’ONU n’est rien de plus qu’un compromis entre différentes puissances impérialistes, incapable de faire plus que d’émettre des avertissements impuissants et des suppliques modérées aux deux parties. Les Palestiniens ne peuvent rien attendre d’elle, si ce n’est quelques mots vides et des larmes de crocodile.
Ni la collaboration de l’Autorité palestinienne, ni les roquettes du Hamas ne peuvent faire avancer la cause de la libération des Palestiniens, ne serait-ce que d’un millimètre. Les roquettes du Hamas, au contraire, ont aidé le premier ministre israélien Netanyahou à rallier la population israélienne à l’État sioniste et ont renforcé temporairement la position de son gouvernement de crise.
En outre, elles détournent l’attention du vol de terres et de maisons palestiniennes à Sheikh Jarrah, et des violences policières qui y sont liées. Elles servent à Israël à se présenter comme la victime devant le public international.
Cela sert également à détourner l’attention des seules méthodes de lutte efficaces : les méthodes de résistance de masse employées par la jeunesse palestinienne de Jérusalem-Est. La seule façon de combattre et finalement de renverser l’occupation est la mobilisation des masses palestiniennes. Ce sont les protestations de masse des Palestiniens qui ont forcé la police israélienne à se retirer de la porte de Damas et à permettre aux Palestiniens de s’y rassembler à nouveau. Ce sont les protestations massives des Palestiniens de Sheikh Jarrah qui ont forcé les autorités israéliennes à reporter l’expulsion des Palestiniens de leurs maisons.
Des manifestations et des grèves de masse doivent être organisées dans les territoires et les villes palestiniennes en Israël même. L’Autorité palestinienne a toujours essayé d’empêcher ces mobilisations de masse, précisément parce qu’elles sapaient l’autorité de la soi-disant « direction » palestinienne. Elles doivent donc trouver leur source dans les organisations de la base, sur le terrain.
La jeunesse et la classe ouvrière israéliennes doivent comprendre que l’occupation et l’oppression des Palestiniens ne sont pas dans leur intérêt. L’occupation est un outil utilisé par la classe dirigeante israélienne pour diviser les travailleurs de la région et les monter les uns contre les autres. Le sionisme et l’alarmisme à l’égard des Palestiniens sont utilisés par les capitalistes israéliens pour estomper les divisions entre les travailleurs et les capitalistes juifs, en suggérant qu’ils ont des intérêts communs, ce qui est totalement faux.
Friedrich Engels a écrit que « un peuple qui en opprime un autre ne peut s’émanciper. Le pouvoir nécessaire pour opprimer autrui se retourne toujours contre soi-même ».
Nous avons vu en juillet 2020 comment les jeunes et les travailleurs israéliens juifs et palestiniens sont descendus dans la rue pour protester contre la corruption de Netanyahu, le chômage et le coût élevé de la vie, conséquence de la crise économique. En réponse, le gouvernement de Netanyahou a déployé la même police des frontières et les mêmes unités spéciales Yasam qui attaquent et brutalisent maintenant les Palestiniens à Sheikh Jarrah et Al-Aqsa.
D’un côté, un nombre croissant de jeunes Palestiniens comprennent que la seule façon d’avancer est la lutte et la résistance de masse. Ils font preuve d’une détermination et d’une défiance croissantes. Ce faisant, ils exposent la corruption et les méthodes et perspectives stériles et contre-productives adoptées par les factions en conflit au sein du soi-disant leadership palestinien du Hamas et du Fatah.
Ce processus de radicalisation et de lutte de masse de la jeunesse et des travailleurs palestiniens dépasse maintenant Gaza et la Cisjordanie. Il explose en manifestations de masse à l’intérieur de la ligne verte (frontières israéliennes de 1948), en solidarité avec la lutte à Jérusalem-Est et contre le bombardement de Gaza. Des affrontements et des manifestations sont maintenant signalés à Afoula, Lod, Acre, en Galilée et dans d’autres régions.
Tant que l’oppression de la majorité palestinienne se poursuivra, les capitalistes israéliens pousseront la masse de la jeunesse et des travailleurs israéliens à soutenir les crimes de l’Etat israélien. Ils s’en serviront pour diviser la classe ouvrière selon des lignes nationales et religieuses, préservant ainsi leur pouvoir et leurs privilèges. La classe dirigeante israélienne doit à tout prix empêcher le développement de l’unité de classe parmi les exploités.
La seule voie à suivre pour la masse des travailleurs et des jeunes juifs et palestiniens en Israël et en Palestine est le renversement révolutionnaire de l’État capitaliste israélien et de l’occupation qui lui est associée, et l’établissement d’une fédération socialiste du Moyen-Orient.
Cela ne peut être réalisé que par l’internationalisme prolétarien et l’unité de classe. Mais pour réaliser l’unité de classe, la classe ouvrière et la jeunesse israéliennes doivent reconnaître le droit des masses palestiniennes à l’autodétermination nationale et soutenir leur lutte actuelle contre l’occupation.
Europe — de Emanuel Tomaselli, ICR Autriche — 16. 11. 2024
Amérique du nord — de la rédaction — 13. 11. 2024
Europe — de Jack Halinski-Fitzpatrick, marxist.com — 11. 11. 2024