Don’t look Up souligne de manière humoristique le cynisme de la classe dirigeante, qui préfère sauver ses profits au lieu de sauver la planète. S’il expose le cul-de-sac du capitalisme, le film ignore le potentiel de la classe ouvrière à transformer la société
Attention! Cette critique contient d’importants divulgâcheurs.
Le film satirique Don’t Look Up (« Déni cosmique » en français) d’Adam McKay, offert sur Netflix, est l’un des films les plus controversés de l’année qui vient de se terminer.
La prémisse du film est très simple. Nous suivons une astronome, Kate (Jennifer Lawrence) et son professeur Mindy (Leonardo DiCaprio) qui ont découvert une énorme comète se dirigeant droit vers la Terre. Ils tentent d’avertir le monde qu’il y a 99,7% de chances que la planète soit détruite par l’impact. Il est évident que la comète est une métaphore des changements climatiques. La probabilité de 99,7% fait référence au pourcentage de scientifiques qui s’accordent à dire que les changements climatiques ont bel et bien lieu et que l’activité humaine en est responsable.
Cynisme
La présidente des États-Unis (Meryl Streep) est une caricature de Donald Trump, avec quelques éléments d’Hillary Clinton ajoutés.
Au départ, lorsque les astronomes tentent d’alerter la présidente d’une menace existentielle, elle réagit en calculant l’effet d’une éventuelle décision sur les prochaines élections de mi-mandat. Elle ignore la menace lorsqu’elle conclut qu’informer les gens de la présence de la comète pourrait nuire à sa campagne électorale de mi-mandat.
Frustrés, les astronomes s’adressent directement aux médias. Mais ils constatent que leur nouvelle est à peine mentionnée, car elle est coincée entre deux segments. Les animateurs télé leur disent qu’ils doivent rester légers et amusants. On leur demande si la comète est bien réelle, si tout ceci n’est pas un mensonge et si la planète est réellement en danger!
Ce n’est que lorsque la présidente chute dans les sondages qu’elle décide de passer à l’action.
Kate lui dit : « Je n’ai pas voté pour vous. Mais ce qui nous arrive est évidemment bien plus important que mes réserves. Alors, je vais m’investir à 100% dans cette mission, malgré toute la répugnance que j’éprouve pour. » En d’autres mots, elle affirme qu’il ne s’agit pas d’une question politique et qu’ils devraient mettre de côté leurs différences pour se rassembler.
Le profit
Mais au moment où des fusées sont lancées dans l’espace pour faire dévier la comète de sa trajectoire, la présidente change d’avis. Elle est convaincue par le PDG milliardaire de la société « BASH » que la comète est en fait l’occasion d’engranger d’énormes profits.
Le PDG de BASH, Peter Isherwell (Mark Rylance), est un mélange flagrant de Musk, Zuckerberg, Jobs et Bezos. Il propose d’exploiter les ressources minérales de la comète, qui valent des milliers de milliards de dollars. Lorsque son plan est divulgué, l’establishment lance une campagne cynique, expliquant que l’exploitation minière de la comète créera plus d’emplois.
Lorsque la comète devient visible dans le ciel nocturne, les astronomes lancent une campagne « Look up » (« Regardez le ciel ») pour convaincre la présidente de la détruire. Cette campagne s’inspire de la manière dont les libéraux abordent le militantisme, à savoir en sensibilisant et en demandant poliment au gouvernement de faire quelque chose, sans mobiliser les travailleurs ou les masses.
En réponse, la présidente organise une campagne « Don’t Look Up » (« Ne regardez pas le ciel »), dont les partisans sont clairement une caricature moqueuse des partisans de Trump.
Pendant ce temps, le projet d’Insherwell d’extraire des minéraux rares de la comète et de la briser en plusieurs morceaux inoffensifs échoue. En revanche, lui, la présidente et quelques centaines d’ultras riches ont un plan de secours pour fuir la Terre à bord d’un vaisseau spatial et s’installer sur une autre planète lointaine, laissant les gens ordinaires mourir.
Le pessimisme libéral
Don’t Look Up traite de la manière dont les capitalistes, qui disposent pourtant des ressources et de la technologie nécessaires pour résoudre la crise, privilégient leurs profits plutôt que de sauver la vie des 7,9 milliards d’êtres humains. À cet effet, le film est bon pour exposer les calculs cyniques de l’establishment.
Mais là où le film échoue, c’est qu’il ne propose aucune solution à la crise que traverse l’humanité. Cela est dû au fait que le film a été réalisé d’un point de vue libéral et non socialiste.
Bien sûr, ce n’est pas le seul film sur une comète qui menace notre planète — voir Deep Impact et Armageddon, par exemple. Cependant, il est extrêmement révélateur de voir à quel point ces films sont confiants dans leur capacité à sauver l’humanité, en comparaison avec Don’t Look Up.
Aujourd’hui, de telles illusions ont été réduites à néant par la réponse lamentable de la classe dirigeante à la crise climatique et à la pandémie. En effet, laisser la classe capitaliste résoudre ces crises ne peut que mener à la mort de millions de personnes.
Bien que les libéraux aient raison de ne pas faire confiance à l’aile conservatrice de la classe dirigeante pour résoudre ces crises, ils sont incapables de voir que la solution réside dans la classe ouvrière. Dans Don’t Look Up, la classe ouvrière est dépeinte de manière cynique comme moutonnière et stupide, comme une horde d’émeutiers saccageurs.
Par exemple, le film se moque de la façon dont certaines personnes pourraient être attirées par l’idée que l’exploitation de la comète créerait des emplois. C’est typique de l’échec de l’establishment libéral à comprendre comment Trump a pu gagner en popularité au sein d’une partie de la classe ouvrière avec ses promesses de revitalisation de l’économie américaine. Surtout si l’on considère que la solution de rechange était la figure de proue de l’establishment, Hillary Clinton.
La Révolution
Les libéraux ne peuvent pas saisir le potentiel révolutionnaire que possède la classe ouvrière. Même l’idée de révolution est tournée en dérision lorsque Mindy demande à Kate : « Vous voulez que je lance une manif, qu’on prenne des pancartes? Vous voulez renverser le gouvernement? » Mais oui! C’est exactement ce qu’il faut faire!
Si la planète entière est en jeu, avec près de 8 milliards de vies sur le point d’être perdues, juste pour une occasion de rendre les riches encore plus riches, alors c’est une suggestion très raisonnable que de prendre les choses en main.
Ce film est sorti à une époque où des millions de personnes dans le monde sont descendues dans la rue pour la planète, pour Black Lives Matter et contre l’austérité. Mais le potentiel de la classe ouvrière à prendre le pouvoir entre ses propres mains pour résoudre la crise est complètement ignoré tout au long du film.
À la fin du film, les protagonistes réalisent que tout est perdu, ils sont condamnés. Kate dit : « Je suis contente qu’on ait essayé. » Mais ont-ils vraiment essayé?
Demander poliment à l’establishment de renoncer à ses profits par le biais d’une campagne inoffensive ne pouvait que les mener nulle part. Et une fois que leur campagne échoue inévitablement, ils se résignent à leur sort, retournent dans leurs familles et se réfugient dans le confort de la religion!
Le film est profondément pessimiste et fataliste, un reflet de la vision des libéraux, qui ne voient qu’horreur dans la détérioration du capitalisme. Que ce soit sur la question du climat, de la pandémie, ou même du sexisme et du racisme, ils n’ont rien à dire. Ils sont aveugles au fait que le déclin du capitalisme signifie qu’une nouvelle société essaie de frayer son chemin pour voir le jour.
Nous devons façonner notre propre destin et prendre en main notre avenir. Pendant que les libéraux restent assis et pleurnichent, nous devons nous battre pour une société socialiste basée sur les besoins de la classe ouvrière.
Europe — de Emanuel Tomaselli, ICR Autriche — 16. 11. 2024
Amérique du nord — de la rédaction — 13. 11. 2024
Europe — de Jack Halinski-Fitzpatrick, marxist.com — 11. 11. 2024