Depuis le début du génocide à Gaza, de nombreux rappeurs ont dénoncé les crimes d’Israël. Ce combat est ancien : dès les années 1990, à chaque nouvelle atrocité de la classe dirigeante israélienne, des rappeurs ont placé leur art au service de la cause palestinienne. Ce faisant, ils ont signé certains des textes les plus percutants de l’histoire du rap.
Le rap français se politise avec des groupes comme Assassin, NTM et IAM. En 1987 éclate la première Intifada. Le gouvernement israélien réagit par une répression brutale qui fait des centaines de victimes et des milliers de blessés. Les deux rappeurs d’IAM expriment leur indignation face à cette répression :
« Balles contre cailloux, canons à pierres, expulsés aux frontières, je ne puis me taire. Le David d’antan est devenu Goliath, moi j’aurais pu croire Israël, mais je ne le crois pas. »
En 1999, le groupe DAM est fondé par trois Palestiniens vivant en Israël. En 2001, en pleine seconde Intifada, ils sortent le morceau « Meen Erhabi ? » (« Qui est le terroriste ? »). Ecrit en arabe, ce texte puissant évoque les racines de la seconde Intifada et exprime la pensée de nombreux Palestiniens après des décennies d’oppression :
« Comment suis-je le terroriste alors que vous avez pris ma terre ? […] Vous nous tuez comme vous avez tué nos ancêtres. Vous êtes le témoin, l’avocat et le juge. Si vous êtes mon juge, je serai condamné à mort. […] Tu me fais taire et tu cries : “mais vous laissez les enfants jeter des pierres ? N’ont-ils pas des parents pour les garder à la maison ?” Pardon ? Vous avez dû oublier que vous avez enterré nos parents sous les décombres de nos maisons. Et maintenant, alors que mon agonie est si immense, vous me traitez de terroriste ! Vous opprimez, vous tuez, nous enterrons […] Et je continuerai à me défendre. Même si vous me traitez de terroriste. »
Le groupe DAM devient une référence dans le monde arabe et au-delà. Il sortira plusieurs albums avec des textes en arabe, en anglais – mais aussi en hébreu, dans le but de faire connaître la situation des Palestiniens aux travailleurs israéliens.
En 2009, sur fond d’intensification des opérations israéliennes en Palestine, Kery James sort le morceau « Avec le cœur et la raison » en réaction à cette nouvelle boucherie. Il y exprime des positions de principe très justes :
« Observe le drame de la colonisation, deux options, la lutte ou la résignation […]. Il y a bien un agresseur et une victime, un colonisateur et un résistant palestinien. […] Pendant que les grandes puissances les regardent crever, tous parlent de droits de l’homme mais n’empêchent pas le massacre. Les sanctions de l’ONU ne sont applicables qu’à l’Irak. On ne compte plus les orphelins, les balles qui se sont perdues dans les poitrines de gamins. Combien de nourrissons sous les décombres ? De familles entières décimées par les bombes ? D’assassinats dit “ciblés” foudroyants les civils ? D’emprisonnements arbitraires ? Dites-moi, pensez-vous que je devrais me taire ? ».
En juin 2014, Israël accuse le Hamas du meurtre de trois adolescents israéliens en Cisjordanie. L’armée israélienne lance une vaste opération dans la région. Le 16 juillet 2014, trois enfants jouaient au foot sur une plage lorsqu’ils furent tués par un tir de roquette israélien. Médine raconte ce drame dans son morceau culte « Gaza Soccer Beach » (2015) :
« Un vieux ballon sur une jeune poitrine, amorti du plastron dans le camp des apatrides. Quatre défenseurs sans entraîneur qui ne savent plus s’ils jouent à domicile ou à l’extérieur. […] Un premier tir non cadré fait valser la défense, doublé d’une frappe aérienne qui leur fauchera les jambes. […] Stop au sionisme, stop à l’oligarchie. […] Stop les colonies, stop le blocus de l’économie. Stop à l’hypocrisie, stop aux tirs de missiles de la bordure protectrice. […] Gaza soccer Beach, où les tirs se poursuivent même quand l’ONU siffle. […] On joue la coupe d’immonde sous l’œil des journalistes. »
Au printemps 2024, un mouvement de la jeunesse en soutien à la Palestine éclate sur les campus de plusieurs pays. Le rappeur américain Macklemore sort le morceau « Hind’s Hall » et dénonce le meurtre de Hind Rajab, une Palestinienne de six ans abattue par l’armée israélienne. Dans son texte, Macklemore dénonce la responsabilité de Biden dans le génocide :
« Bloquez la barricade jusqu’à ce que la Palestine soit libre ! […] Détruire chaque collège à Gaza et chaque mosquée, pousser tout le monde à Rafah et larguer des bombes. Le sang est sur tes mains, Biden. […] Pourtant, l’industrie de la musique est silencieuse, complice de leur plateforme de silence. Qu’est-il arrivé à l’artiste ? Qu’as-tu à dire ? »
Il dénonce une vérité fondamentale : les pressions politiques de l’industrie musicale sur les artistes. Mais certains refusent de se taire et font passer la politique – et leur art – au-dessus de leurs contrats, malgré des campagnes de calomnie virulentes, des annulations de concert et des poursuites judiciaires, comme dernièrement l’a aussi fait le groupe irlandais Kneecap.
En France, Médine milite contre la dissolution d’Urgence Palestine et reprend « Gaza Soccer Beach » dans ses concerts en diffusant les noms de milliers d’enfants palestiniens assassinés par Israël. En dénonçant les atrocités de l’impérialisme, tous ces rappeurs renouent avec les racines historiques de leur art. Que les rappeurs pro-palestiniens soient des milliers à prendre le micro.
Original: https://www.marxiste.org/le-rap-et-la-cause-palestinienne
International — de Ben Curry, marxist.com — 23. 12. 2025
Amérique du nord — de Revolutionary Communists of America — 19. 12. 2025
Amérique latine — de Efraïm Marquis, Genève — 17. 12. 2025