Ces vingt dernières années, des sujets comme le réchauffement climatique, les ateliers de misère et la maltraitance animale font débat. Dans les années 90, il a été révélé que des entreprises pesant des milliards – comme Nike, Apple, Nestlé et Wal-Mart – forçaient leurs ouvriers à confectionner leurs produits dans des ateliers de misère, ce qui a choqué les consommateurs qui n’avaient jusque-là aucune idée des conditions de travail dans les pays du soi-disant « Tiers Monde ». De plus, la vérité a commencé à circuler concernant la pollution des usines et les changements climatiques causés par l’homme, qui pour la première fois n’étaient plus seulement la préoccupation de scientifiques.
En conséquence, certaines personnes, particulièrement celles avec le plus haut niveau de revenus, ont commencé à prêcher ce qu’on appelle la « consommation éthique » : l’idée que chacun d’entre nous, en tant qu’individu, doit choisir de « voter avec son argent » et qu’ensuite, avec le jeu de l’offre et de la demande, le capitalisme finira par arrêter d’exploiter les travailleurs et l’environnement. De nouveaux marchés ont été créés pour les produits « durables », « équitables », « bio », « écologiques », etc. Certains sont allés si loin qu’ils appellent cela le « capitalisme compatissant », déclarant qu’il allait mettre fin aux maladies du capitalisme en conservant l’économie de marché.
Nous sommes maintenant en 2018. Les gens sont maintenant « éco responsables », mangent vegan, achètent « équitable » et recyclent depuis des années. Pourtant les atrocités qu’a rejetées le mouvement pour la consommation éthique continuent toujours. La classe ouvrière produit assez de nourriture pour deux Terres, mais il y a toujours des millions d’enfants qui meurent de malnutrition chaque année. Le chiffre s’élève à plus de 20 000 par jour. Les soi-disant « capitalistes compatissants » qui ont juré de mettre fin à la famine ont seulement donné 1,08 % de leurs énormes profits dans la réduction de la pauvreté et de la faim – et cela n’a donné aucun résultat. Trois milliards de personnes vivent dans la pauvreté, quand seulement 5 personnes possèdent autant que 50 % de la population de la planète. Le changement climatique causé par l’homme a atteint des niveaux catastrophiques. Beaucoup de scientifiques nous préviennent que nous nous rapprochons du point de non-retour. Cependant, ce ne sont pas les consommateurs individuels qui sont responsables. Les statistiques montrent que les 10 % les plus riches sont responsables de 59 % d’émissions de gaz à effet de serre alors que les 50 % les plus pauvres le sont de seulement 10 %.
De plus, une recherche menée en 2012 à l’Université de Corvinus de Budapest montre qu’il n’y a pas de « différence significative » dans l’empreinte carbone de ceux qui consomment « éthiquement » et de ceux qui ne le font pas. L’étude conclut que la consommation ne peut contrer l’impact de la pollution causée par les grosses entreprises. Elle montre aussi que la classe ouvrière ne peut pas s’offrir un mode de vie « durable » notamment à cause de la pauvreté, du manque d’accessibilité des produits durables et de ses longues journées de travail. Beaucoup de ces travailleurs sont mécontents de ne pas pouvoir appliquer cette méthode, mais comprennent bien qu’elle n’est pas pour eux. Finalement, devenir « éco responsable » est plus cher, mais ne fait aucune différence dans l’empreinte carbone des consommateurs. Les travailleurs dépensent plus, la classe dirigeante engrange plus de profit et la pollution globale augmente autant qu’avant, car la pollution industrielle continue comme avant.
En réalité, peu importe que chaque être humain soit capable de devenir vegan, d’acheter équitable ou d’aller au travail à vélo. Ces solutions individuelles peuvent avoir comme effet sur le consommateur de se sentir mieux sous le capitalisme, mais s’attaquent-elles réellement aux racines de l’exploitation et de la destruction de l’environnement ? Est-ce vraiment important que nous refusions d’utiliser des sacs plastiques quand British Petroleum, pour prendre un exemple connu, peut ruiner ces efforts en déversant des centaines de millions de litres de pétrole dans le Golfe du Mexique, en anéantissant toute vie aquatique dans la région et en ne subissant en retour que des sanctions mineures ?
Non seulement il ne sera jamais possible que tout le monde fasse des choix « éco responsables » à cause des inégalités sociales et économiques systémiques, mais en plus, sous le capitalisme, le désir de nombreux travailleurs de faire ces choix est devenu une source de profit pour les capitalistes. Par exemple, les soi-disant produits « éthiques » sont souvent plus chers que les produits créés de manière « non-éthique » et les profits vont souvent vers les mêmes grandes entreprises qui sont la cause de la majorité de la pollution. D’après la logique confuse de la consommation éthique, les consommateurs appauvris de la classe ouvrière sont responsables de la destruction de l’environnement et de l’exploitation, et pas les exploiteurs. Il est ridicule de penser que les travailleurs qui ne peuvent pas s’offrir les produits « équitables » plus chers « votent » pour l’esclavage, les catastrophes écologiques ou la pollution de l’eau potable, pendant que ceux qui choisissent de consommer « éthique » votent pour l’air pur, des salaires justes et le bon traitement des animaux. Aussi longtemps que la majorité des richesses et des ressources seront possédées et contrôlées par une classe minoritaire et exploiteuse, qui produit pour le profit et non pour les besoins de l’humanité, les droits des travailleurs et la viabilité de l’environnement en pâtiront. Les choix du consommateur sont inefficaces dans le contexte de la production capitaliste.
Le principal défaut de la « consommation éthique » est l’illusion qu’il existe une option plus éthique sous le capitalisme, c’est-à-dire la croyance qu’en payant quelques francs de plus au supermarché, nous pouvons parvenir à un capitalisme plus compatissant ; un capitalisme où ce qui est le plus profitable pour la classe dirigeante est aussi le plus éthique. La « consommation éthique » suggère que la production pour le profit est acceptable, tant que cela vient d’une version plus douce du capitalisme qui traite bien les travailleurs et se soucie de l’environnement. L’idée de profit éthique est un oxymore puisque le profit est le travail impayé de la classe ouvrière, approprié et accumulé par la classe dirigeante capitaliste. De plus, la logique de production pour le profit et la compétition sur le marché se traduit par le fait que les capitalistes doivent constamment essayer de baisser leur coût de production en exploitant plus les travailleurs et en faisant l’impasse sur la sécurité au travail et sur l’environnement. Le mouvement pour la consommation éthique, en mettant la responsabilité sur les consommateurs individuels (c’est-à-dire la classe ouvrière) absous la classe dirigeante de toute responsabilité quant au traitement ignoble des travailleurs, des animaux et de l’environnement.
Le mouvement pour la consommation éthique finit par diviser la classe ouvrière en sous-entendant que ceux qui achètent « éthique » sont plus moraux que ceux qui ne le font pas, indépendamment des moyens qu’ils ont de le faire. Cela est pourtant faux. Très peu de personnes soutiennent ce qui se passe dans les fermes industrielles. Très peu sont d’accord avec le fait qu’on coupe des arbres dans la forêt amazonienne pour faire de la place pour des fermes industrielles et des abattoirs. Qu’ils aient ou non les moyens d’acheter des produits « éthiques » est une question tout à fait différente. Le capitalisme a efficacement assimilé l’idée des choix éthiques, et l’utilise pour cacher l’irréfutable cruauté inhérente au moteur du profit.
Le nombre de personnes qui se tournent vers des options plus « éthiques » ne compte pas sous le capitalisme. Le système ne sera jamais éthique. L’exploitation, l’oppression et la destruction de l’environnement sont inhérentes à un système basé sur la propriété privée des moyens de production et sur la production pour le profit. La réponse à cette question n’est pas l’approche individuelle de la consommation éthique, mais plutôt à travers l’organisation de toutes les couches de la classe ouvrière dans une lutte collective contre le capitalisme, qui est la racine de toute l’exploitation moderne et de la misère. La réponse à la question de la consommation éthique ne peut se trouver que sous le socialisme – un système économique réellement démocratique avec une planification rationnelle de l’économie qui se préoccupe des besoins de la majorité de la population. Plutôt que de nourrir la cupidité d’une minorité parasite, un système socialiste dirigé pour et par la classe ouvrière donnera la priorité aux besoins de la société et de la planète, permettant aux immenses ressources de la planète d’être utilisées de manière durable dans l’intérêt de la majorité et des futures générations.
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