Les Panama Papers ont été l’occasion d’un véritable spectacle médiatique et la Suisse s’est alors retrouvée en plein cœur du scandale. Pourtant, le débat public concernant la légalité et la légitimité de ces pratiques a rapidement perdu en vigueur au point de devenir muet. L’hypocrisie derrière cette affaire et les pratiques de certains privilégiés sont restés au travers de la gorge des travailleurs dont la colère s’accroît.
Cela fait maintenant trois mois depuis la fuite des plus de 11,5 millions de documents confidentiels du cabinet d’avocat panaméen Mossack-Foseca constituant ces fameux Panama Papers. La Suisse, s’est retrouvée au plein cœur du scandale étant le pays le plus mentionné dans ces textes. Parmi les quelques 215›000 sociétés offshores créées par le cabinet au Panama, 34›301 l’ont été initiées par un intermédiaire en Suisse. Ce chiffre représente 16% de la totalité des montages financiers contenus dans les documents ! Seuls Hong Kong et la Grande-Bretagne rivalise avec la Suisse dans ce domaine. En Suisse, 1500 employé-e-s de banques, de fiduciaires ou de cabinets d’avocat, souvent basés à Genève, ont participé activement à la constitution de filiales offshores. Sur les 10 banques les plus mentionnées dans les papiers, quatre sont suisses. Il paraît donc évident, pour le public suisse et international, que la Suisse et même Genève se trouve donc à l’épicentre du scandale.
Dans les médias suisses romands, par contre, Vladimir Poutine et d’autres chefs d’Etats mentionnés dans ces documents se sont retrouvés en première page. Le président de l’Islande, que personne ne connaissait auparavant, est vite devenu plus important que ces milliards de francs suisse bien cachés du fisc, avec l’aide des établissements de la Rue de Rhône. Pour sauver son image, la place financière est alors tout de suite montée aux créneaux, comme à l’accoutumées, arguant que ces pratiques n’étaient pas illégales en Suisse et que s’ils n’avaient pas aidé à la création de ces sociétés une autre banque, située dans un autre pays, l’aurait fait à leur place.
Au niveau politique, c’est surtout le conseiller fédéral aux finances et ancien président de l’UDC, Ueli Maurer, qui s’est fortement investit dans les médias, notamment dans une interview au Blick. L’ex-chef des armées a souligné que les pratiques étaient majoritairement légitimes et qu’il n’était pas du rôle de la Suisse de jouer les moralisateurs sur la question de la taxation internationale en édictant de nouvelles lois populistes. Les réactions à cette banalisation arrogante ont été virulentes, certains ont demandé la démission du ministre suisse de la finance et même pire. Pourtant au Parlement fédéral une motion pour initier un processus de règlementation de ces pratiques a été refusée à presque deux tiers des députés.
Pas illégale = légal = légitime ? Pas pour nous !
Une activité qui se base sur une lacune de l’ordre juridique ne peut pas être considérée comme illégale. Or, l’illégalité et légalité est en dernier lieu défini par le rapport de force de différentes classes dans la société. En Suisse ce rapport est historiquement très en faveur de la classe bourgeoise. La régulation du secteur bancaire est presque inexistante et en grande partie basée sur le principe d’auto-régularisation. La concurrence du système capitaliste qui est devenu plus forte après la crise de 2008 et l’évolution technologique ont permis à des pratiques comme celles relevées par les Panama Papers de devenir la norme. Si l’on veut lutter contre de telles pratiques aujourd’hui, dans une économie mondiale et des crises globales, il faut comprendre que la marge de manœuvre au niveau nationale ou locale est presque inexistante.
Est-il illégitime de taxer les riches plus que les pauvres ?
Pour nous en tant que marxistes, ce n›est pas la question de la taxation qui résoudra les inégalités inhérentes au système. Karl Marx le formulait dans son article Travail salarié et capital de la manière suivante : « Lorsque le capital s›accroît rapidement, le salaire peut augmenter, mais le profit du capital s›accroît incomparablement plus vite. La situation matérielle de l›ouvrier s›est améliorée, mais aux dépens de sa situation sociale. L›abîme social qui le sépare du capitaliste s›est élargi. » Ainsi, aucune forme de redistribution n’est capable de dépasser les inégalités de classe. Pourtant, nous appuyons toute lutte visant à augmenter la redistribution de richesse.
Cependant, au vue de la situation actuelle, les capitalistes semblent vouloir aller plus loin. Cette affaire et les réactions qu’elle a suscitées nous ont montré que ces. Selon l’avocat genevois Marc Bonnant, probablement la personnalité suisse la plus mentionnée dans ces documents, les paradis fiscaux n’existent qu’à cause de leur pendant : les enfers fiscaux. Entouré de meubles onéreux, d’antiquités et d’autres objets en or, il précise que le véritable scandale des Panama Papers réside dans le fait que ce sont ceux qui payent déjà le moins d’impôts qui s’énervent le plus dans cette affaire.
Comme si la richesse était créée par des génies à la tête des grandes multinationales et non par des millions des travailleurs ! Ils ont oublié que ces entreprises, ces héritages ainsi que toute leur richesse n’existeraient pas sans l’œuvre des travailleurs, sans ceux qui se lèvent chaque matin pour aller gagner de quoi vivre à la sueur de leur front dans des circonstances plus ou moins précaires, en Suisse comme ailleurs.
L’hypocrisie ne se laisse pas refouler
« La lutte des classes existe, et c’est la classe des milliardaires qui est en train de gagner ». Cette fameuse phrase du milliardaire américain Warren Buffet analyse le fond de ce qui se passe aujourd’hui. Certains riches, en Suisse et ailleurs, cherchent toutes les failles dans la régulation afin d’éviter à tout prix de payer leur contribution sociétale tandis que nous sommes de plus en plus confrontés aux mesures d’austérités, au chômage et au travail précaire. La Suisse, et particulièrement Genève, sont parmi les grands épicentres de ses pratiques mondiales. Les Panama Papers sont juste un exemple récent du fonctionnement général du système financier international. Les médias et la classe politique suisse essayent de dépayser le public en désignant un coupable lointain et de clore le débat en nous convaincant que nous tirons un bénéfice direct de ces pratiques – Quelle hypocrisie ! -mais le public ne se laisse de moins en moins égarer. La confiance vis-à-vis des médias et de l’élite s’effondre, laissant place à une colère croissante. C’est à nous d’unir les travailleurs contre ses pratiques et de créer une nouvelle société, basée sur la solidarité, la justice et la démocratie !
Maurice H.
ASEMA Genéve
Image: © Léman Bleue
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