« Sous Trump, les priorités mondiales vont changer, que cela nous plaise ou non. La lutte contre le changement climatique subira un coup dur, les relations internationales deviendront plus transactionnelles, la lutte de l’Ukraine contre l’agression russe pourrait être poignardée dans le dos, et Taïwan se retrouvera face au canon d’un fusil chinois. Les démocraties libérales du monde entier, y compris la Grande-Bretagne, seront également assiégées par leurs propres imitateurs de Trump, nourris par des médias sociaux qui n’ont aucun égard pour la vérité. »
« Les électeurs américains ont commis un acte horrible et impardonnable cette semaine. Nous ne devrions pas hésiter à affirmer qu’ils se sont détournés de la morale et des règles communes qui façonnaient le monde, généralement pour le mieux, depuis 1945. Les Américains ont conclu que Trump n’est pas “bizarre”, comme il a été brièvement de bon ton de prétendre, mais qu’il fait partie des vainqueurs. Les électeurs se sont rendus aux urnes mardi et ont voté “bizarre” en très grand nombre. Les Américains doivent vivre avec les conséquences de leur geste. » (The Guardian, 6 novembre 2024)
Selon le Guardian, le peuple américain a commis le péché impardonnable de voter, dans le cadre d’une élection démocratique, pour un candidat qui n’est pas de son goût. Mais comment expliquer cette aberration ? Il s’agit, nous dit le Guardian avec la franchise la plus crue, du résultat de la supposée « bizarrerie » du peuple américain.
Ce qu’ils veulent vraiment dire, c’est que l’électorat américain – c’est-à-dire des millions d’hommes et de femmes ordinaires de la classe ouvrière – n’est pas vraiment apte à exercer le droit de vote, puisqu’il est organiquement « bizarre ». En clair, tous les Américains sont naturellement enclins au racisme, à la haine des minorités et à une aversion incompréhensible pour les principes du libéralisme bourgeois. Cela les rend naturellement inaptes à la démocratie et enclins au fascisme, tel que représenté, bien sûr, par Donald Trump.
Les mêmes électeurs américains étaient-ils aussi « bizarres » lorsqu’ils ont voté pour Biden ou Obama ? De toute évidence, ils étaient alors parfaitement sains d’esprit. Qu’est-ce qui a changé ?
Ce qui est bizarre ici, ce n’est pas le comportement des électeurs américains, dont les décisions peuvent être facilement comprises, mais seulement les contorsions mentales de la misérable tribu petite-bourgeoise des scribouillards libéraux, dont l’engagement envers la démocratie s’arrête manifestement dès que l’électorat vote « dans le mauvais sens ».
Leur conception de la démocratie – selon laquelle on ne peut soutenir les élections que si elles aboutissent au choix du candidat qui nous plaît – me semble quelque peu « bizarre ». Pourtant, elle a été confirmée par l’annulation des récentes élections en Roumanie. Les autorités roumaines ont annulé le second tour de l’élection présidentielle de décembre pour la simple raison qu’elles n’aimaient pas le candidat qui avait remporté le premier tour. Les dirigeants de l’UE ont entièrement soutenu ces démarches. Voilà enfin la solution pour empêcher les imitateurs de Trump de remporter des élections !
Dès le début de son mandat, les médias ont lancé une campagne bruyante pour dénoncer Trump comme un fasciste. Toutes sortes de personnalités de l’establishment se sont exprimées dans le même sens. Kamala Harris est d’accord pour dire que Trump est un fasciste, bien que Joe Biden se soit limité à le décrire comme un « semi-fasciste ». Comme on pouvait s’y attendre, de nombreuses personnalités de « gauche » ont joint leurs voix stridentes au concert de dénonciations. Alexandria Ocasio-Cortez (élue démocrate souvent présentée comme une « socialiste ») se lamente : « Nous sommes à la veille d’une administration autoritaire. C’est à cela que commence à ressembler le fascisme du 21e siècle. »
L’intention est claire : la répétition constante de la même idée finira par convaincre les gens qu’elle doit être vraie. Mais ces moulins à paroles ne brassent rien d’autre que du vent.
Il devient évident que pour beaucoup, le terme « fasciste » n’a pas de définition scientifique, mais est simplement une insulte – à peu près l’équivalent de « fils de pute ».
Ce genre d’invective peut avoir son utilité, en permettant à des individus frustrés d’évacuer leur rage en insultant une personne qui ne leur plaît pas. Ils éprouvent instantanément un sentiment de soulagement psychologique et rentrent chez eux satisfaits, convaincus d’avoir d’une façon ou d’une autre fait avancer la cause de la liberté et remporté une formidable victoire politique sur l’ennemi.
Malheureusement, de telles victoires sont dépourvues de toute valeur pratique. Ce radicalisme terminologique n’est que l’expression d’une rage impuissante. Pour ceux d’entre nous qui souhaitent mener de vraies batailles contre de vrais ennemis,d’autres armes, plus sérieuses, sont nécessaires. Ainsi la première exigence pour un vrai communiste est la possession d’une méthode d’analyse scientifique rigoureuse.
Le marxisme est une science. Comme toutes les sciences, il possède donc une terminologie scientifique. Des mots comme « fascisme » ont, pour nous, une signification précise. Ce ne sont pas de simples insultes ni des étiquettes que l’on peut commodément coller sur tout individu qui ne nous plaît pas. Au sens marxiste, le fascisme est un mouvement contre-révolutionnaire – un mouvement de masse composé principalement du lumpenprolétariat et de la petite bourgeoisie enragée. Ce mouvement est utilisé comme bélier pour écraser et atomiser la classe ouvrière et établir un État totalitaire dans lequel la bourgeoisie remet le pouvoir à une bureaucratie fasciste.
La principale caractéristique de l’État fasciste est une centralisation extrême et un pouvoir d’État absolu, dans lequel les banques et les grands monopoles sont protégés, mais soumis à un contrôle central fort de la part d’une bureaucratie fasciste vaste et puissante. Telles sont, en termes généraux, les principaux traits du fascisme. Quelle est la comparaison avec l’idéologie et le contenu du phénomène Trump ? Nous avons déjà fait l’expérience d’un gouvernement Trump, qui – selon les avertissements sinistres des démocrates et de l’ensemble de l’establishment libéral – allait procéder à l’abolition de la démocratie. Il n’en a rien été.
Aucune mesure n’a été prise pour limiter le droit de grève et de manifestation ou encore pour abolir les syndicats. Au terme de son mandat, des élections ont eu lieu comme d’habitude, bien que dans un tumulte plus grand, et c’est Biden qui lui a succédé. Quoi qu’on pense du premier mandat de Trump, il n’a rien eu à voir avec une quelconque forme de fascisme.
En fait, les principaux assauts contre la démocratie sont venus de Biden et des démocrates, qui ont déployé des efforts extraordinaires pour persécuter Trump. Ils ont mobilisé l’ensemble du pouvoir judiciaire pour trainer en justice pour toutes sortes d’accusations, dans le but de l’inculper à tout prix et le placer derrière les barreaux et l’empêcher ainsi de se présenter à une nouvelle élection présidentielle.
Trop souvent, je constate que lorsque les gens de gauche sont confrontés à un nouveau phénomène qui semble défier toutes les normes et définitions existantes, ils ont tendance à d’abord chercher des étiquettes. Puis, ayant trouvé l’étiquette qui leur convient, ils cherchent ensuite des faits pour la prouver.
« Ah oui, je sais ce que c’est », disent-ils, « c’est ceci », « c’est cela », « c’est du bonapartisme », « c’est du fascisme », ou toute autre étiquette qui leur vient à l’esprit. C’est une mauvaise méthode, à l’opposé du matérialisme dialectique, qui ne mène nulle part. C’est un exemple de pensée paresseuse, qui cherche des solutions faciles pour résoudre des questions compliquées.
On m’a récemment fait remarquer que Trump était « un phénomène ». Je pense que c’est exact. Il n’est pas nécessaire de le comparer à un autre personnage de l’histoire. Nous devons accepter que Donald Trump est Donald Trump. Et nous devrions le prendre tel qu’il est et analyser ce qui est, en fait, un nouveau phénomène sur la base de faits concrets, et non de simples généralités.
Tout d’abord, quoi qu’il puisse être, Trump n’est pas un esprit maléfique doté de pouvoirs surhumains. C’est un mortel ordinaire – dans la mesure où un milliardaire américain peut être considéré comme tel. Son ascension au pouvoir est inextricablement lié à la situation objective mondiale dans les premières décennies du XXIe siècle.
Le tournant majeur de l’histoire moderne a été la crise de 2008, qui a complètement déstabilisé l’ensemble du système. Toutes les conditions objectives étaient réunies pour une révolution socialiste, et celle-ci n’a été évitée qu’à cause des mesures d’urgence de sauvetage des banques par l’État, qui y a injecté des sommes colossales d’argent public. Mais cela a créé de nouvelles contradictions sous la forme de dettes colossales et fondamentalement insoutenables.
Depuis 2008, le système capitaliste traverse la crise la plus profonde de son histoire. Passant sans cesse d’un désastre à l’autre, à chaque étape, les gouvernements ont eu recours à la même politique irresponsable de financement par le déficit – c’est-à-dire la politique de la planche à billets.
Les stratèges myopes du capital ont tous supposé que cette situation – des réserves infinies d’argent tiré de nulle part, un flux inépuisable de crédit bon marché, de faibles taux d’inflation et de faibles taux d’intérêt – allait durer éternellement. Ils se sont trompés. Tout cela ne faisait qu’accumuler contradiction sur contradiction, préparant une crise encore plus grande au bout du compte.
J’avais prédit à l’époque que toutes les tentatives de la bourgeoisie pour rétablir l’équilibre économique ne serviraient qu’à détruire les équilibres social et politique. C’est précisément ce qui s’est passé. Les conditions objectives d’une révolution socialiste étaient clairement réunies. Pourquoi ne s’est-elle pas produite ? Tout simplement parce qu’un facteur important manquait dans cette équation. Ce facteur était la direction révolutionnaire.
Pendant toute une période, le pendule a basculé fortement à la gauche dans un pays après l’autre. Cela s’est traduit par la montée de toute une série de mouvements de gauche se donnant une image radicale : Podemos en Espagne, Syriza en Grèce, et, surtout, Corbyn en Grande-Bretagne. Mais cela n’a fait que dévoiler les limites du réformisme de gauche. Aux États-Unis, Bernie Sanders est parti de rien pour créer un mouvement de masse qui cherchait clairement une solution de rechange socialiste. Il avait toutes les chances de créer une solution de rechange de gauche viable aux démocrates et aux républicains. Mais en fin de compte, il a capitulé devant le Parti démocrate.
Le cas le plus clair est celui de la Grande-Bretagne, où Jeremy Corbyn est sorti de nulle part et a été propulsé à la tête du Parti travailliste par la vague d’un puissant mouvement de gauche. Corbyn lui-même n’a pas créé ce mouvement, mais il a canalisé la colère et le mécontentement accumulés dans la société. Le résultat a autant stupéfié que terrifié la classe dirigeante. Mais au moment de vérité, Corbyn n’est pas passé à l’action contre la direction de droite contrôlant la faction parlementaire du parti qui, avec le soutien des médias bourgeois, a organisé une campagne vicieuse contre lui. En dernière analyse, Corbyn a capitulé devant la droite et a payé le prix de sa lâcheté – qui est en réalité une expression de la mollesse organique du réformisme de gauche en général.
Nous constatons ici un contraste frappant avec Trump, qui a lui aussi fait l’objet d’attaques très virulentes de la part de l’ensemble du système en général et de la direction du Parti républicain en particulier. Il a fait ce que Corbyn aurait dû faire. Il a mobilisé sa base et l’a retournée contre l’ancienne direction républicaine, qui a dû battre en retraite.
Bien entendu, cela ne change rien au fait que Trump est resté un politicien bourgeois réactionnaire. Il faut malgré tout reconnaître qu’il a fait preuve d’un courage et d’une détermination qui ont manifestement fait défaut à Corbyn. Lorsque la droite a attaqué Corbyn en l’accusant d’antisémitisme (une accusation totalement fausse), il a immédiatement battu en retraite. Il est devenu une victime facile pour le lobby sioniste réactionnaire et l’ensemble de la classe dirigeante britannique.
Corbyn aurait dû faire ce que Trump a fait. Il aurait dû répondre à l’accusation d’antisémitisme de manière frontale, mobiliser sa base et la lâchant sur l’establishment de droite du Parti travailliste, procéder à une purge en profondeur de ces éléments nauséabonds. S’il avait fait cela, il est certain qu’il aurait gagné. Mais il ne l’a pas fait. Cela a permis à l’aile droite du Parti travailliste de passer à l’offensive, d’expulser la gauche – y compris Corbyn lui-même – et de purger le parti de fond en comble. La même expérience s’est répétée à maintes reprises. À chaque fois, les dirigeants de la gauche ont joué un rôle des plus lamentables. Ils ont déçu leur base et donné le pouvoir à la droite sur un plateau d’argent.
C’est ce fait, et ce fait seul, qui explique l’actuel mouvement de balancier vers la droite. C’était tout à fait inévitable, étant donné la lâche capitulation de la gauche.
Commençons par l’évidence. Nous sommes tous d’accord pour dire que Trump est un politicien bourgeois réactionnaire. Mais en affirmant l’évidence, nous n’avançons pas d’un pas dans l’analyse du phénomène de Trump. Par exemple, est-il juste de dire qu’il n’y a pas de différence entre Trump et Biden ?
Qu’ils soient tous deux des politiciens bourgeois qui défendent essentiellement les mêmes intérêts de classe est une évidence. En ce sens, on pourrait dire qu’ils sont pareils. Pourtant, il devrait être clair, même pour le plus aveugle des aveugles, qu’il existe en fait de très sérieuses différences entre les deux – en fait, un abîme béant.
Le fait que les deux hommes soient en fin de compte des politiciens bourgeois et qu’ils représentent ultimement les mêmes intérêts de classe n’exclut en rien la possibilité de divergences marquées entre les différentes couches d’une même classe. Le problème central pour la bourgeoisie est que le modèle qui avait apparemment garanti le succès du capitalisme pendant de nombreuses décennies est irrévocablement brisé.
Le phénomène de la mondialisation, qui lui a permis de surmonter les contraintes du marché national pendant longtemps, a maintenant atteint ses limites. À sa place, nous assistons à la montée du nationalisme économique. L’ère du libre-échange fait place à l’ère des tarifs douaniers et des guerres commerciales.
Les éternels nostalgiques déplorent la disparition de l’ordre ancien. Mais Trump l’embrasse avec le zèle d’un religieux nouvellement converti. Il a ainsi bouleversé l’ordre mondial. Trump s’attire ainsi les foudres de ses anciens « alliés » en Europe, qui le rendent responsable de tous leurs malheurs. Mais il n’a pas inventé cette situation. Il n’en est que le représentant et le défenseur le plus extrême et le plus conséquent.
Il est frappant de constater la différence de composition de classe des votes exprimés. Alors que Harris a remporté la majorité des électeurs gagnant 100 000 dollars ou plus, Trump a remporté la majorité des électeurs gagnant moins de 50 000 dollars. La popularité de Trump auprès de la classe ouvrière repose sur une base matérielle. Selon le Bureau of Labor Statistics, depuis le début des années 1980, les salaires réels des travailleurs américains stagnent et ont même diminué.
Dans de nombreuses villes américaines, les conditions de misère sordide ressemblent à celles des villes les plus pauvres d’Amérique latine, d’Afrique ou d’Asie. Et cette pauvreté coexiste avec la concentration de richesses entre quelques mains la plus obscène que l’on ait vue depuis cent ans.
Pourtant, tout cela est apparemment invisible pour les « progressistes » de la classe moyenne. L’establishment politique et la tribu des journalistes et commentateurs bien payés ont été tellement obnubilés par le poison pernicieux des politiques identitaires qu’ils ont constamment ignoré les problèmes réels auxquels sont confrontés les travailleurs, qu’ils soient noirs ou blancs, hommes ou femmes, hétérosexuels ou homosexuels.
La voie était donc libre pour que des démagogues de droite comme Trump canalisent la colère accumulée de millions de gens qui se sentaient à juste titre ignorés par l’establishment libéral de Washington. C’est la conséquence directe de la trahison de la « gauche » à la Bernie Sanders, qui, n’offrait pas de solution de rechange claire aux libéraux.
ll n’est pas exagéré de dire que c’est Trump – un milliardaire, démagogue de droite – qui, seul, a prétendu défendre les intérêts de la classe ouvrière dans ses discours. Inutile de nous dire qu’il s’agit là de simple démagogie, d’une rhétorique vide de substance. Nous n’avons pas non plus besoin d’être informés que Trump dit ces choses à ses propres fins. Cela est parfaitement clair pour nous. Mais cela n’a rien à voir avec la question qui nous occupe. Le fait est que c’était loin d’être clair pour les millions de travailleurs qui ont voté pour Trump lors des élections présidentielles.
Trump défend les intérêts de sa propre classe. Tout ce qu’il dira sera en fin de compte dans son propre intérêt et dans celui des riches – les banquiers et les capitalistes. Cependant, afin de gagner le soutien des travailleurs, il dira parfois des choses qui leur paraîtront logiques. Lorsqu’il parle d’emploi, de chômage, de baisse des salaires, de hausse des prix, il obtient naturellement une oreille attentive.
Et il se peut qu’une ou deux choses qu’il dit soient justes. D’ailleurs, Trump a admis un jour qu’il avait repris plusieurs idées des discours de Sanders et qu’il les avait utilisées pour séduire les travailleurs. Certes, Trump est un politicien bourgeois réactionnaire, mais cela ne signifie pas qu’il est exactement le même que n’importe quel autre politicien bourgeois réactionnaire. Au contraire. Il a sa propre interprétation des choses, ses propres perspectives, sa propre politique et sa propre stratégie, qui diffèrent en de nombreux points fondamentaux des positions de Biden et de sa clique, par exemple.
À certains égards, ses opinions peuvent sembler coïncider, au moins dans une certaine mesure, avec les nôtres. Par exemple, dans son attitude à l’égard de la guerre en Ukraine, son démantèlement de l’USAID ou son rejet du « wokisme ». Mais même lorsque Trump dit des choses justes, il le fait invariablement du point de vue de ses propres intérêts de classe et à des fins réactionnaires avec lesquelles nous n’avons absolument rien en commun.
L’essentiel est que, dans tous les cas, nous mettons toujours l’accent sur la position de classe. C’est pourquoi il est tout à fait inadmissible de s’identifier aux politiques de Trump. Ce serait une grave erreur. Mais ce serait une erreur bien plus grave – en fait, ce serait un crime – de se tenir ne serait-ce qu’un instant aux côtés des éléments bourgeois dits « libéraux » et « démocratiques » dont les attaques contre Trump sont entièrement guidées par le point de vue de l’establishment bourgeois réactionnaire contre lequel Trump mène actuellement la guerre.
Dès que l’on fait des concessions aux accusations de fascisme ou de menace pour la démocratie, on entre sur une pente glissante qui peut conduire – consciemment ou non – à embrasser la politique du moindre mal. Est-il vrai que le régime de Biden représentait quelque chose de progressiste par rapport à Trump ? C’est ainsi qu’il s’est présenté. Et la soi-disant gauche a pris cela pour argent comptant.
L’establishment démocrate affirme que Trump est un ennemi de la démocratie. Mais si l’on examine la conduite monstrueuse de la clique de Biden, on voit le mépris total pour la démocratie dont elle a fait preuve jusqu’au bout. Pensez au soutien « inébranlable » de Biden à l’invasion israélienne de Gaza, qui lui vaut le surnom « Genocide Joe ». Pensez à comment son administration « démocratique » a réprimé la liberté de réunion, en brutalisant par centaines les étudiants qui manifestaient pacifiquement pour la Palestine, avec 3200 arrestations à l’échelle nationale. Il jurait de mettre fin aux déportations de l’ère Trump, mais il a expulsé encore plus de sans-papiers que son prédécesseur. Et on pourrait continuer ainsi longuement.
Biden et sa bande ont fait bien des choses infiniment plus contre-révolutionnaires, désastreuses et monstrueuses que tout ce que Trump aurait pu faire en rêve. C’est un fait. Et l’on trouve encore des gens à gauche prêts à dire qu’il vaut mieux soutenir les démocrates contre Trump, « pour défendre la démocratie ». Notre tâche n’est pas de nous attacher à un navire qui coule, mais, au contraire, de faire tout ce que nous pouvons qui aide à le couler. Notre politique n’est pas de répandre des illusions vis-à-vis des libéraux et de leur soi-disant démocratie, mais de démasquer leurs mensonges cyniques et leurs tromperies.
Les périodes de transition, comme celle que nous vivons actuellement, créent toujours la confusion. Nous serons confrontés à divers phénomènes nouveaux et complexes, sans précédents historiques évidents. Pour ne pas perdre le cap, il nous faudra nous accrocher fermement aux principes fondamentaux du marxisme, et ne pas nous laisser distraire par tel ou tel développement accidentel. Le trait principal de la situation actuelle est, premièrement, que la situation objective exige une solution révolutionnaire. Le potentiel est là. Mais aujourd’hui il n’existe pas de force capable de saisir ce potentiel. C’est pourquoi, pour l’instant, cela reste un pur potentiel.
Les masses s’efforcent de trouver une issue à la crise. Elles mettent à l’épreuve les chefs de parti les uns après les autres, mais découvrent rapidement les lacunes de toutes les organisations existantes. Cela explique l’instabilité politique générale qui se manifeste par de violentes oscillations sur le plan électoral, de gauche à droite, et vice-versa. Du fait de l’absence totale de direction à gauche, la voie est libre pour toutes sortes d’aberrations et de démagogues du type de Trump.
Ils peuvent monter très vite, en exprimant la colère et le mécontentement des masses. Mais à terme, ils se heurtent à la réalité et déçoivent, préparant un retour de balancier dans le sens opposé. Ce serait ne rien comprendre à la situation que de voir ces développements en termes purement négatifs. Les masses sont désespérées et ont urgemment besoin de solutions à leurs problèmes.
Il faut le comprendre et ne pas se contenter de rejeter ces mouvements comme des aberrations « d’extrême droite ». Bien sûr, ces mouvements comportent des éléments réactionnaires. Mais leur caractère de masse indique qu’ils ont une base sociale contradictoire. Pour trouver un chemin vers les travailleurs de n’importe quel pays, il est nécessaire de les prendre tels qu’ils sont – et non pas tels que nous voudrions qu’ils soient. Pour entamer un dialogue avec les travailleurs, il faut partir du niveau de conscience existant.
Si on cherche une conversation sensée avec un travailleur qui a des illusions vis-à-vis de Trump, on ne peut pas commencer par des dénonciations stridentes ou des accusations de fascisme et autres sobriquets. En écoutant patiemment ses arguments, on peut trouver de nombreux points d’accord, puis, à l’aide d’arguments habiles, peu à peu introduire des doutes sur le fait que les intérêts de la classe ouvrière puissent vraiment être défendus par un riche homme d’affaires milliardaire.
Bien sûr, à ce stade, nos arguments ne seront pas forcément couronnés de succès. En général, la classe ouvrière n’apprend pas des débats, mais de sa propre expérience. Et l’expérience d’un gouvernement Trump sera un douloureux apprentissage.
Par conséquent, lorsque nous parlons aux travailleurs qui soutiennent Trump, nous devrions avoir une approche amicale, trouver un accord sur les choses où nous pouvons être d’accord, puis souligner habilement les limites du trumpisme et plaider pour le socialisme. L’histoire a montré maintes fois que des travailleurs entrés sur l’arène politique avec des idées très rétrogrades, voire réactionnaires, peuvent rapidement évoluer vers la gauche sous le coup des événements.
En surface, le mouvement autour de Trump semble très solide, pratiquement indestructible. Mais il s’agit d’une illusion d’optique. En réalité, c’est un mouvement très hétérogène, déchiré par de profondes contradictions. Il faudra du temps pour que le charme hypnotique de la démagogie de Trump se dissipe. Mais tôt ou tard, la désillusion s’installera, et plus les travailleurs mettront de temps à comprendre que leurs intérêts de classe ne sont pas représentés, plus la réaction sera violente.
De nombreux travailleurs, après s’être brûlé les doigts en mettant Trump à l’essai, chercheront une autre bannière reflétant plus fidèlement leur colère et leur haine profonde des riches et de l’establishment, qui ne sont qu’un reflet immature de leur hostilité instinctive envers le système capitaliste lui-même. Cela les poussera brusquement vers la gauche.
L’histoire nous réserve bien des surprises. Toutes ne seront pas mauvaises.
International — de Madlaina Jost, Berne — 08. 05. 2025
Suisse — de Ivan Lampert und Charles Tolis — 06. 05. 2025
Culture — de Daniel Morley, marxist.com — 05. 05. 2025
France — de ICR France, raccourci et adapté — 05. 05. 2025
Suisse — de Silvan Degen, Bâle — 04. 05. 2025