En dédiant une assemblée entière à un débat sur les revendications, le mouvement genevois montre la voie pour aller de l’avant : il nous faut un plan et des positions sur la manière de combattre la crise écologique. Un rapport solidaire, mais critique.
Soyons honnêtes, le mouvement pour le climat se trouve dans un moment critique. Il se limite grandement aux manifestations symboliques et à de jolis appels aux politiciens. L’apogée semble atteinte avec les déclarations d’état d’urgence vides de toutes mesures contraignantes. La direction nationale non-officielle, étant coincée dans un fétichisme du consensus totalement inefficace, empêche le mouvement de se doter d’un programme politique. Comment développer un tel programme a été démontré par le mouvement à Genève lors de sa 5ème Assemblée Générale à la mi-mai.
Face à l’impasse relative du mouvement, le comité genevois (sur l’initiative des deux membres de l’étincelle) a convoqué une assemblée entièrement dédiée au débat politique. L’objectif ? Se mettre d’accord sur les meilleures revendications pour lier la lutte pour le climat à d’autres mouvements. Le cadre ? Un ordre du jour clair contenant une discussion générale sur les moyens pour trouver des bonnes revendications, des débats en groupe spécifiques aux différents thèmes et une discussion finale en plénière. Une liste de propositions de revendications avait été envoyée à l’avance. La présidence réactive a su s’imposer aux moments décisifs face à la fausse croyance que les mécanismes consensuels constituent la forme de débat la plus démocratique. Bref, le mouvement à Genève est nettement plus politique, démocratique et efficace qu’au niveau national. Le résultat : malgré la période d’examens, 70 personnes (majoritairement des collégiens) se sont retrouvées pour forger leurs analyses pendant trois heures. À la fin de la séance, onze revendications ont été votées.
Les positions trop radicales effraient les jeunes ? Quel mensonge ! Plusieurs des revendications révolutionnaires proposées par les membres de l’étincelle ont été acceptées : «Gratuité des transports publics», «réduction du temps de travail sans diminution des salaires» ou encore «expropriation et mise sous gestion démocratique des grands producteurs alimentaires produisant du gaspillage». Nous avons défendu ces revendications en insistant sur le fait que la prochaine étape du mouvement doit être de tirer des travailleurs dans la lutte. Ces derniers (nos parents, nos professeurs, nos amis en apprentissages) voient leurs salaires stagner, leurs coûts de vie augmenter (p.ex. CFF) et se sentent impuissants face au règne des grandes multinationales collaborant avec les partis traditionnels. À partir de nos revendications (entre autres) nous leur montrons une perspective : la lutte pour le climat va de pair avec la lutte pour des meilleures conditions de vie et les deux ne peuvent réussir que si les salariés et les jeunes agissent collectivement (grèves, expropriation, contrôle ouvrier) contre les responsables des différentes crises sociétales – les capitalistes. Ces derniers ne profitent pas juste de l’exploitation de la nature mais tout aussi des heures supplémentaires non payées, des coupes dans le secteur public, du travail domestique gratuit des femmes (majoritairement), etc.
Malgré le caractère très révolutionnaire de certaines revendications votées, le programme élaboré manque de cohérence. Ainsi, des propositions comme «consommer local» ou «taxer des vols à courte distance» semblaient toutes autant acceptées dans la discussion que l’expropriation des multinationales polluantes. Ceci est une erreur car l’amalgame est fait entre des positions de classes opposées : exiger des salariés de payer plus cher leur nourriture ou leurs billets d’avion bénéficie aux capitalistes, pas aux ouvriers que nous voulons convaincre de se joindre à notre lutte ! Il est indispensable que le mouvement brise avec cette optique de « toute idée est cool, chacun peut faire son groupe de travail ». Il y a des revendications qui permettront que des salariés rejoignent notre lutte et d’autres qui nous en empêcheront. Seuls les salariés peuvent sauver la planète car c’est eux qui ont le pouvoir d’exproprier les capitalistes et de mettre la production sous contrôle démocratique de la population. Avec des appels à l’État (urgence climatique) ou aux individus (consommation éthique) nous entravons la prise de conscience des ouvriers de leur véritable position dans la société. Avec un programme cohérent par contre, nous jetons la base pour unifier les luttes et ainsi pouvoir dépasser le capitalisme. L’étincelle continuera à défendre son programme. Car un programme révolutionnaire est précisément ce dont le mouvement a besoin.
Europe — de Emanuel Tomaselli, ICR Autriche — 16. 11. 2024
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Europe — de Jack Halinski-Fitzpatrick, marxist.com — 11. 11. 2024