Le mouvement de grève des femmes est l’expression de la radicalisation mondiale des femmes qui en ont assez du sexisme, des salaires bas et de la double charge du travail domestique et salarié. Après le mouvement mondial #MeToo, les femmes reviennent maintenant au moyen principal de la lutte de classe : la grève. En Espagne, six millions de femmes et d’hommes se sont mis en grève le 8 mars 2018. C’est précisément la raison pour laquelle cette grève a eu un tel impact en Espagne et sur la scène internationale. En Suisse aussi, une grève des femmes aurait le potentiel de relancer les femmes dans l’offensive après de longues années de passivité ou de lutte défensive. Pour cela, nous avons besoin d’une stratégie claire et d’un programme politique afin de sortir les femmes de leur isolement et de les organiser sur le long terme.
Plus de 500’000 femmes ont participé à la grève des femmes suisses en 1991, mais la concession symbolique de la loi sur l’égalité salariale n’a rien changé. Les capitalistes et l’État bourgeois n’ont pas encore réalisé l’égalité salariale. Et ils ne le feront jamais. Les capitalistes ne nous offrent rien. L’expérience de 1991 montre que nous ne pouvons compter que sur nos propres forces. L’État et le capital doivent être forcés d’appliquer les lois. Le seul moyen pour y arriver, c’est la grève. Ce n’est lorsque que nous construirons un pouvoir dans les entreprises que nous pourrons forcer les capitalistes à mettre en œuvre nos revendications. Une grève ne doit donc pas être considérée comme une « mesure symbolique ». Une grève ne fait pression que si elle bloque l’économie ! C’est-à-dire qu’avec l’idée d’une simple « grève symbolique », qui oriente également la discussion sur la grève des femmes de cette année, nous nous désarmons nous-mêmes ! Le but ultime est plutôt de construire l’ancrage le plus large possible dans les entreprises et d’inclure autant de secteurs que possible dans la grève – plus on est, plus ce sera efficace !
Afin d’obtenir de nouvelles conquêtes sociales, notre programme et notre organisation doivent avoir un caractère de classe clair. Nos ennemis ne sont pas les hommes, mais le capitalisme. Nos alliés ne sont pas la minorité des femmes bourgeoises qui profitent du capitalisme et ne veulent pas le combattre. L’allié naturel des femmes est la classe ouvrière dans son ensemble. Nous ne nous faisons aucune illusion à ce sujet : Il y a des préjugés sexistes parmi les travailleurs, c’est pourquoi la lutte contre le sexisme au sein du mouvement ouvrier est centrale. Nous devons convaincre les hommes de notre programme et les impliquer dans la lutte ! Si nous ne réussissons pas, nous ne réaliserons rien. Parce que chaque homme qui travaille pendant que nous débrayons sape l’efficacité de la grève. S’ils remplacent les femmes absentes de l’entreprise, la grève est sans effet. En nous séparant, nous affaiblissons la lutte contre le capital. C’est la lutte commune qui est capable de surmonter les vieux préjugés.
Nous soutenons activement la création de comités de grève. Mais l’ancienne forme d’organisation n’est pas suffisante pour assurer le succès d’une grève. Sans une forme d’organisation nationale et clairement structurée, aucune préparation démocratique de la grève n’est possible. Il y a une nécessité urgente d’une association démocratique suisse des comités sur la base des délégués et déléguées élu.e.s par les assemblées locales. Si nous voulons intégrer les femmes dans le mouvement de grève, elles doivent avoir leur mot à dire ! Mais si les comités locaux n’élisent pas de dirigeants et de délégués pour les représenter au niveau national, nous aurons soit un comité national qui agira seul et sans légitimité démocratique, soit les différents comités régionaux agiront sans coordination. Les deux sont au détriment de l’objectif d’une frappe puissante.
Pour qu’une grève soit un succès, il faut une mobilisation plus vaste, en particulier dans les entreprises. Ici les syndicats doivent soutenir les comités de grève pour obtenir plus d’influence. Aujourd’hui, les secrétaires syndicaux assurent la majorité de la direction du mouvement, organisent des conférences, etc. et sont responsables de la coordination des comités de grève. Mais ils se cachent derrière « l’horizontalité ». Ils mobilisent à peine dans les entreprises. Mais c’est exactement le travail dans les entreprises et la mise en place des comités de grève ancrés qui seraient nécessaires ! C’est la seule façon de transformer une journée d’action en grève ! Le degré d’organisation syndicale est très faible, surtout dans les « industries féminines » typiques. Cette grève doit avant tout viser à changer cette situation de manière durable. Un manque d’ancrage pourrait être compensé dans une certaine mesure en mobilisant des militants syndicaux masculins dans les entreprises. Enfin, seule une organisation durable peut garantir qu’après le 14 juin 2019, une pression suffisante pourra être exercée pour lutter et obtenir des résultats.
La grève ne peut réussir que si 1) une mobilisation sérieuse pour un arrêt de travail dans les entreprises est déclenchée, 2) la grève inclut tous les salariés, femmes et hommes également, 3) des structures démocratiques nationales sont créées, et 4) on passe à l’offensive avec un programme révolutionnaire.
L’objectif de toute action de masse doit être de sortir les femmes de leur isolement à la maison et au travail. Les exigences du programme devraient également promouvoir l’autonomisation des femmes – pas une politique de représentation. C’est pour cela que le mouvement marxiste se bat et propose un tel programme révolutionnaire – transformons la grève des femmes de 2019 en grève générale !
Proposition de programme du courant marxiste « l’Étincelle » :
Nous, les femmes, nous ne paierons pas pour la crise des capitalistes !
Après des décennies de silence, les femmes reviennent sur la scène politique et revendiquent leur droit à l’autodétermination dans les mouvements à l’échelle mondiale. Ce n’est pas une coïncidence. Depuis les mouvements de femmes des années 80, nous n’avons guère fait un pas de plus dans la lutte pour l’égalité des sexes, bien au contraire. Les capitalistes et l’État bourgeois sont non seulement incapables de promouvoir l’émancipation des femmes travailleuses, mais ils ont un intérêt direct à maintenir cette oppression. Cependant, la discrimination salariale n’est que la pointe de l’iceberg : la plupart des femmes sont exposées au double fardeau du travail salarié et du travail domestique, elles travaillent souvent dans des « industries féminines » mal payées et le sexisme fait toujours partie de la vie quotidienne de la grande majorité des femmes. Ces problèmes sont profondément enracinés dans notre société.
Dans la crise actuelle du capitalisme, tous les accomplissements du siècle dernier sont remis en question – surtout pour les femmes qui en subissent de graves conséquences. Les salaires sont serrés, tout particulièrement dans le secteur des bas salaires, ce qui affecte en majorité encore plus fortement les travailleuses et surtout les femmes migrantes. C’est précisément la faiblesse de l’organisation syndicale (généralement moins de 6%) dans ces domaines qui rend la lutte contre ces attaques plus difficile. Au niveau étatique, les mesures d’austérité bourgeoises entraînent des coupes dans les services sociaux, qui en conséquence frappent en premier lieu les mères seules (deux fois plus souvent affectées par la pauvreté que le reste de la population). Les conditions de travail dans les professions de l’enseignement et des soins infirmiers, qui sont des professions typiquement féminines, sont également touchées par les mesures d’austérité.
Ce qui devient évident avec tout cela : Le capitalisme n’a plus rien à offrir aux femmes. Le système la frappe deux et trois fois : en tant que travailleuse, nécessiteuse, femme au foyer, partenaire et objet sexuel. Dans la crise, ces tendances s’intensifient : Poussés par les intérêts du capital, les bourgeois s’en prennent aux acquis des femmes et de la classe ouvrière dans son ensemble. Notre réponse doit donc être claire : Nous, les femmes, nous ne payons pas les capitalistes pour leur crise systémique ! Nous exigeons le retrait de toutes les mesures d’austérité et les privatisations et une forte taxation des grandes entreprises et des riches pour l’extension de la protection sociale ! Pour y parvenir, nous devons mener la lutte la plus radicale contre les attaques du capital et des bourgeois ! Pour y parvenir, nous devons nous organiser à plus long terme et promouvoir la mise en œuvre et le contrôle de nos droits, même dans les entreprises. Ne nous fions qu’à notre force, personne, même pas l’État bourgeois, ne mettra en œuvre les exigences que nous lui avons faites.
Nous exigeons :
Pour ce faire, les syndicats doivent :
L’égalité ? Mauvaise blague !
Le sexisme et la violence sexuelle font toujours partie de la vie quotidienne, y compris en Suisse.
Selon l’OMS, 35,6% de toutes les femmes dans le monde (pays où les salaires sont élevés : 32,7%) subissent des violences physiques ou sexuelles dans leur vie, la plupart commises par leur partenaire. Ces infractions se produisent en silence, c’est pourquoi le nombre de cas non signalés est très élevé. L’aide aux femmes qui sont exposées à de tels abus est nettement insuffisante en Suisse. Selon l’organisation faîtière des maisons d’accueil pour les femmes (Fédération Solidarité Femmes DAO) plus de 1 200 femmes qui demande la protection ont dû être rejetés en 2017. Les centres d’accueil pour femmes, qui étaient censés être un refuge pour les femmes victimes de violence familiale, sont surpeuplés, sous-financés et dépendent des dons. Une victime de violence sur quatre doit donc être rejetée pour des raisons spatiales.
Cela démontre qu’il y a tout sauf l’égalité entre les sexes. Les modèles sexistes existent toujours.
Dès le plus jeune âge, on nous enseigne des modèles de rôle genrés. Les femmes devraient être sensibles, les hommes dominants. C’est aussi une préparation pour percevoir plus tard notre rôle dans la famille comme celui d’un père ou d’une mère typique. Cependant, ces comportements ne sont pas naturels, mais socialement acquis. Les hommes sont censés être les protecteurs de la famille ou de la femme, mais en retour, ils sont autorisés à en disposer et à les déterminer. Cette répartition des rôles est in fineinduite par la division du travail entre les sexes et reproduite par le capitalisme. Beaucoup de femmes dépendent matériellement de leur mari ou de leur partenaire. Cela ne peut être rompu que par un réseau public libre d’institutions de soutien.
C’est pour ça qu’on demande :
L’oppression des femmes a un système !
Le capitalisme est basé sur l’oppression des femmes. Le travail domestique non rémunéré est vital pour le capitalisme : Pour le travail comme le nettoyage, la cuisine, mais surtout les soins aux enfants sont nécessaires pour que les salariés soient de retour au travail jour après jour. Ainsi, leur travail est reproduit et une nouvelle génération de salariés est formée qui peut remplacer la main-d’œuvre existante. Mais pour le capital, une chose est également claire : ce travail devrait leur coûter le moins cher possible. Le travail reproductif est donc toujours effectué de manière privée et non rémunérée au sein des familles. Aujourd’hui encore, ce sont les femmes qui s’occupent de la majorité des tâches ménagères et des soins – presque deux fois plus que les hommes. D’autre part, les hommes se voient attribuer le rôle de principal soutien de famille. Dans plus de la moitié de tous les ménages de couples en Suisse, l’homme travaille à plein temps, la femme à temps partiel. La situation des parents isolés est particulièrement précaire. Les mères célibataires atteignent le sommet statistique avec une charge totale de plus de 70 heures de travail rémunéré et de travail domestique. Dans le même temps, le taux de pauvreté de 12,7% est presque quatre fois plus élevé que celui du reste de la population active (3,5%). Les mères célibataires ne font pas partie de la famille nucléaire capitaliste – et sont punies encore plus sous le capitalisme.
La plupart des femmes sont ainsi exposées à une double charge énorme : Les secteurs typiquement féminins sont caractérisés par des salaires bas et des conditions de travail précaires et les femmes sont discriminées de multiples façons sur le marché du travail : « risque de grossesse », congé parental inégal, discrimination salariale, etc. C’est précisément à cause de la double charge du travail rémunéré et du travail domestique que de nombreuses femmes sont obligées de travailler à temps partiel. Tout cela les conduit à une dépendance matérielle à l’égard des hommes. Tous ces mécanismes économiques reproduisent la division du travail selon le genre et apportent avec eux tous les modèles réactionnaires selon lesquels la femme est sensible, soigneuse, mais aussi soumise, tandis que l’homme est ambitieux et dominant. C’est pourquoi nous luttons pour l’indépendance économique des femmes travailleuses, pour une réduction radicale du temps de travail sans baisse de salaire, et pour la socialisation du travail domestique. C’est la seule façon de jeter les bases d’une véritable égalité entre les sexes.
Nous exigeons :
Nous exigeons la socialisation du travail domestique et des soins ! Ce qui veut dire :
Sans le socialisme pas de libération des femmes – sans la libération des femmes pas de socialisme !
Nous voulons la libération des femmes dans tous les domaines : économique, social et idéologique. Ce n’est qu’avec la possibilité réelle de participer économiquement de manière indépendante à la vie publique que l’on posera les bases d’une émancipation idéologique. Pour cela, nous avons besoin de la socialisation du travail domestique et de l’égalité entre les hommes et les femmes dans le travail rémunéré. Les femmes sont perçues comme égales, parce qu’elles sont égales – pas comme aujourd’hui, où elles sont considérées comme des machines de travail domestique et comme des appendices des hommes.
La lutte pour ces revendications signifie la lutte pour de meilleures conditions de vie ici et maintenant. La mise en œuvre de ce programme est nécessaire pour sauvegarder à long terme les intérêts des femmes qui travaillent. C’est précisément pour cette raison que cela signifie aussi une rupture radicale avec le capitalisme. Les intérêts des capitalistes et des salariés ne sont pas compatibles. La socialisation du travail domestique, l’augmentation des salaires ou la réduction du temps de travail sont toutes des revendications qui vont directement à l’encontre des intérêts des capitalistes. Ils ne sont pas compatibles avec la logique du profit qui détermine la société capitaliste. Nous devons donc prendre l’économie en main en plaçant les principales industries clés, les banques et les assurances sous le contrôle démocratique des travailleurs salariés. De cette façon, nous créons la base d’une planification démocratique de l’économie en fonction des besoins de la population plutôt que des profits.
Une société socialiste offre la possibilité d’une émancipation générale de la classe ouvrière et en particulier des femmes travailleuses. En tant que société, nous organiserons notre coexistence ensemble et déciderons ce que nous produirons et comment. Dans le capitalisme, en revanche, l’économie reste une sphère dans laquelle seule une petite minorité de capitalistes décide dans leur propre intérêt.
Nous disons : Sans le socialisme pas de libération des femmes et sans la libération des femmes pas de socialisme ! Ce slogan doit devenir notre guide d’action. Cela signifie : Ce n’est qu’en renversant le capitalisme que nous pourrons organiser la société de manière que nous puissions décider de notre travail, de notre vie, de nos partenaires sexuels, de notre planning familial de manière indépendante et autodéterminée. Mais cela signifie aussi que nous ne pouvons atteindre cet objectif que si nous organisons aujourd’hui la lutte pour ces revendications et contre tout sexisme – aussi dans nos propres rangs ! Les préjugés sexistes existent aussi dans le mouvement syndical – la lutte contre eux est extrêmement importante. Et c’est ce combat que nous menons aujourd’hui. Cela passe par la construction commune et la persuasion de nos revendications. Dans la lutte commune pour des intérêts communs, nous surmontons les idéologies sexistes et formons ainsi l’unité de la classe ouvrière !
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