Histoire
En 1907 a été créée l’Association d’assistance mutuelle des travailleuses en Russie tsariste, le premier cercle ouvrier féminin (mais qui était également ouvert aux hommes). Celui-ci a collaboré avec le syndicat du textile et le parti bolchévique. L’association avait pour but de faciliter l’engagement politique et la diffusion du socialisme chez les ouvrières. Grâce au travail de propagande des révolutionnaires Alexandra Kollontaï ou Konkordiya Samoilova, l’adhésion des femmes dans le parti social-démocrate a augmenté et a ouvert la voie vers un engagement plus poussé des femmes dans la politique.
La première guerre mondiale a fait tomber davantage de femmes dans la pauvreté, car leurs maris étaient partis au front. Ainsi, elles étaient forcées de travailler dans les usines pour un salaire minimum afin de pouvoir survivre. La femme était la seule responsable pour nourrir sa famille et voulait donc que la guerre prenne fin. Donc les conditions matérielles ont créé deux demandes : une demande économique, soit celle de sortir de la pauvreté, et une demande politique, soit celle d’arrêter la guerre. Celles-ci ont mené à une prise de conscience des femmes ouvrières.
Avec des leaders bolchéviques comme Inessa Armand ou Sofia Goncharskaia, les femmes se sont organisées depuis 1905. En effet, ces dernières voulaient motiver leurs consœurs à prendre part aux grèves et surtout à la lutte politique, par exemple avec le journal « Rabotnitsa » (travailleuse). Ce travail politique et ces cercles avaient également comme but de donner confiance aux femmes, afin qu’elles s’émancipent de leur position traditionnelle, par exemple en apprenant à lire et à écrire. Surtout, ce travail révolutionnaire permettait aux ouvrières de prendre conscience de leur situation.
Le rôle de la femme révolutionnaire était double : d’une part, le déclencheur de la révolution et d’autre part, le moteur de l’organisation pour une lutte unifiée de la classe ouvrière.
Quels sont les changements et les enjeux ?
Avant la révolution, le mariage était sous contrôle du corps religieux et la femme était légalement subordonnée à l’homme et donc considérée comme un objet. La femme était prisonnière de la cellule familiale, ayant la responsabilité des enfants et du travail domestique. La contraception étant inexistante, elle était réduite à la force reproductive.
Suite à la révolution, les conditions de la femme ont vite été bouleversés grâce à des réformes. Des nouvelles lois ont rendu la femme égale à l’homme devant la loi et lui ont garanti un salaire égal. Les femmes pouvaient disposer de leur propre revenu et ont ainsi gagné une certaine indépendance envers les hommes.
Un ministère de la protection de la maternité et de l’enfance a été créé et a permis d’aboutir à un congé maternité payé, à l’interdiction du travail de nuit des femmes enceintes et à l’interdiction du travail des enfants. L’aspect le plus progressiste de cette politique a été l’introduction de certaines formes de socialisation du travail domestique. Cela signifie que ces tâches ont été organisé en communauté : il y avait des cuisines communautaires, la buanderie et les écoles étaient également organisées en commun.
Le mariage civil est devenu légal, l’accès au divorce devient plus facile pour les deux parties et les deux ont acquis les mêmes droits. Si on ne connaissait pas l’identité du père d’un enfant, tous les partenaires sexuels de la femme avaient la responsabilité commune. La Russie a été le premier pays à garantir le droit à l’avortement en 1920.
Comment intégrer les femmes dans la lutte politique ?
Sous la pression d’Alexandra Kollontaï et d’Inès Armand, les Bolchéviques ont créé le Genotdel, un département de femmes dans le parti. Kollontaï et Lénine étaient en accord sur son rôle : le Genotdel était ouvert à toutes, aussi aux non-bolcheviques, et avait comme but de briser la structure patriarcale et d’arracher physiquement les femmes à la société familiale afin de les orienter dans le travail politique interne du parti, dans le travail syndical et dans le nouveau Etat socialiste. D’une part, il s’agissait de sensibiliser les soviets à la lutte pour l’émancipation de la femme prolétaire et, d’autre part, d’améliorer les conditions des femmes au travail et dans la vie. Ceci a permis de sensibiliser les régions rurales et d’aider les femmes à gagner confiance en elles-mêmes.
Alexandra Kollontaï représente en tant que commissaire aux services sociaux et publics un premier exemple d’une inclusion directe des femmes dans un nouveau gouvernement. Des postes de direction dans le comité de département des femmes dans le parti étaient garantis aux femmes. Avec le développement de leur conscience, les femmes ont très vite rejoint les éléments les plus radicaux de la lutte politique.
Sous le stalinisme la contre révolution visait également les avancées en matière d’égalité homme femme. Le système patriarcal a été renforcé et l’avortement interdit, tout comme le Genotdel qui était dissout après une longue lutte.
En conclusion, il est important de retenir que la révolution russe n’a pas seulement été le fait d’hommes ouvriers et éduqués politiquement, mais qu’elle a aussi été portée par une force féminine qui n’était – pendant le tsarisme – pas éduquée. Au cours de l’expérience bolchévique, les partisans ont vite remarqué que la question féminine avait du retard et ont agi au plus vite. Il était notamment important de porter cette lutte au sein du parti.
Durant l’expérience révolutionnaire, les femmes engagées ont réalisé qu’elles étaient d’une part oppressées par la structure patriarcale comme esclave domestique et d’autre part, par le système capitaliste.
Grâce aux travaux des révolutionnaires, les femmes ont pu s’intégrer plus vite dans les structures politiques. Il a été nécessaire de faire comprendre aux camarades masculins l’importance de la femme dans la révolution et la double oppression, capitaliste et patriarcale, qui la frappait. Les femmes étaient les plus emblématiques et parmi les plus combatives représentantes de la classe ouvrière russe.
Saria Koshish
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