La presse a parlé d’un « coup d’éclat » lorsque les syndicats ont annoncé qu’ils boycotteraient les négociations du Conseil fédéral sur les mesures d’accompagnement. C’était une déclaration claire : ils ne reculeront pas sur la protection contre le dumping salarial. Les mesures d’accompagnement ont été acquises en 2004 sous la pression des syndicats. Elles devraient assurer que, même après l’introduction de la libre circulation des personnes dans le cadre des accords bilatéraux avec l’UE, les salaires et les conditions de travail applicables en Suisse soient respectés.
Dans les négociations en vue d’un accord-cadre institutionnel, l’UE fait pression pour l’abandon d’éléments essentiels des mesures d’accompagnement. Des parties de la bourgeoisie suisse ont également manifesté leur volonté d’attaquer ces mesures. En janvier, avec son « initiative de limitation » visant à éliminer la libre circulation des personnes, la fraction d’entrepreneurs de l’UDC a montré clairement ce qu’il y a réellement derrière sa rhétorique anti-UE : la résiliation des mesures d’accompagnement et la répression des syndicats. Martullo-Blocher a déclaré ouvertement que le marché du travail libéral, les syndicats faibles et la paix sociale étaient une force historique de la Suisse. Selon la milliardaire, tout cela aurait changé en raison de la libre circulation des personnes et des mesures d’accompagnement acquises par les syndicats : la « liberté contractuelle » et le marché du travail libéral auraient été « éliminés ». Depuis l’introduction des mesures d’accompagnement en 2004, le nombre de conventions collectives de travail (CCT) et de salaires minimums dans l’ensemble de l’industrie ont effectivement fortement augmenté. Les appels à la flexibilité et à la liberté ne signifient ici rien de plus que l’exigence d’abolir cette protection des conditions de travail et de rendre possible des baisses de salaires. Il s’agit alors pour la bourgeoisie d’être plus libre et plus flexible dans l’exploitation des salariés !
Au cours de l’été, les conseillers fédéraux libéraux-radicaux Cassis et Schneider-Ammann ont également indiqué que les mesures d’accompagnement pourraient être restructurées de manière à ce que la Commission européenne puisse les approuver. S’agirait-il donc d’impliquer directement l’UE dans la protection des salaires, cette UE qui veut abolir les contrôles des salaires et d’autres composantes des mesures d’accompagnement ? Et ce, peu après que le Conseil fédéral a clairement indiqué que les mesures d’accompagnement sont une « ligne rouge » non négociable.
L’Union syndicale suisse (USS) a alors accusé le département économique de Schneider-Ammann de « trahison des salariés ». Elle a déclaré qu’elle ne participerait pas aux négociations. Une réaction correcte qui est bienvenue ! Le « coup d’éclat » a montré le réel pouvoir que détiennent les syndicats. Très vite on entendait depuis les sièges des partis que sans l’appui des syndicats, rien ne fonctionne – et c’est vrai. Mais cela montre aussi la position contradictoire des syndicats dans la lutte de classe. D’une part, la force de la classe ouvrière organisée devient claire : si la bourgeoisie ne parvient pas à convaincre les dirigeants des organisations ouvrières d’un accord, il devient difficile pour elle d’affirmer ses intérêts contre ceux des salariés. D’autre part, cela révèle également le rôle de soutien de l’Etat détenu par les syndicats : si les syndicats peuvent paralyser l’économie et la politique en s’appuyant de manière conséquente et déterminée sur la majorité salariée de la population, pourquoi ne pas simplement mettre le capital à genoux ?
C’est d’ailleurs là où les limites de la stratégie des syndicats suisses des dernières années apparaissent clairement. Martullo-Blocher a certainement touché un point sensible en soulignant l’écart important entre le faible niveau de syndicalisation et le fait que les syndicats ont négocié des CCT pour plus de la moitié de tous les salariés. Depuis 2004, le nombre de CCT et de salaires minimums a fortement augmenté, alors que dans le même temps, le nombre de membres des syndicats diminue constamment ! Cela ne signifie pas – au sens de Martullo-Blocher – que les salaires minimum et les nombreux contrôles de salaires ne seraient pas positifs. Protéger les mesures d’accompagnement contre les attaques de la bourgeoisie est donc une nécessité. Mais cela montre que les syndicats confient la protection des salaires et des conditions de travail pleinement à l’Etat bourgeois et au compromis avec le capital, au-dessus des têtes des travailleurs au lieu d’organiser ces travailleurs dans les syndicats. Cette stratégie ne les rend pas seulement financièrement dépendants des CCT et des mesures d’accompagnement, faisant de la préservation des CCT une fin en soi pour les syndicats. Le manque d’orientation syndicale vers l’organisation d’une base combative affaiblit également leur position de défense de quoi que ce soit. Que se passe-t-il une fois que le capital ne veut plus conclure des compromis ?
La véritable construction de la force de la classe ouvrière ne peut se faire que par l’organisation et l’ancrage sur les lieux de travail. C’est la seule façon d’augmenter la capacité de combat et de prendre une position indépendante de classe.
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