Le deuxième bloc du grand entretien avec Lukas Nyffeler, candidat du courant marxiste au comité directeur de la JSS. Aujourd’hui avec les sujets suivants: Le PS, le réformisme et le programme politique de Bertil, l’autre candidat.
Lisez la première partie de l’interview!
Qu’est-ce que tu entends par « indépendance financière du PS » ? Une scission ?
Lukas: Non, il n’est pas question de scission. Je veux que nous traitions consciemment notre dépendance financière. Le PS a des ressources matérielles (argents, locaux, etc.), tant à l’échelle nationale que dans les sections, qu’il peut utiliser si nous entrons en conflit politique avec « eux ». Nous devons avoir un débat extensif à ce sujet. Car je pense que nous avons une conscience base concernant nos finances. Les mesures concrètes à prendre découleront d’un tel débat.
Pourquoi est-ce que la dépendance financière devrait être un problème ?
Parce qu’il arrivera, tôt ou tard, une confrontation existentielle avec l’aile droite du PS. Lors de petites luttes, on se heurte déjà aujourd’hui aux réprésentant-e-s du PS qui ont abandonné la lutte contre le capitalisme, ou qui l’ont reléguée à un futur lointain – ce qui, au final, signifie la même chose dans la pratique. Ces personnes vont se soumettre à la classe dominante lorsque les contradictions sociales s’amplifieront. C’est une conséquence logique du réformisme : qui accepte ce système comme donné doit aussi se soumettre à ses règles, écouter « l’économie » et être « homme d’état ». En tant que JS, nous allons nous retrouver de l’autre côté de la barricade.
Mais quel est le problème avec le réformisme ? Est-ce qu’il ne faut pas aider les gens maintenant ?
Le problème du réformisme n’est pas les réformes. Non – nous devons, ici et maintenant, mener la lutte pour des réformes concrètes telles que des meilleurs salaires, des meilleurs traitements des migrant-e-s et le combat contre le sexisme. Le véritable problème du réformisme est qu’il n’est aujourd’hui plus capable d’obtenir des améliorations. Il isole tous ces problèmes et luttes de leur contexte, les découpe et se limite à ce qui est réalisable au sein du système. Les réformistes n’ont pas confiance en la possibilité que les exploité-e-s et opprimé-e-s se libèrent et érigent une société différente. Seule la lutte révolutionnaire pour des améliorations peut mener à des changements fondamentaux.
Donc, les réformistes limitent leurs revendications à ce qui est acceptable pour les dominant-e-s ?
Exact ! En acceptant ses limites, les réformistes étayent le système capitaliste. Un exemple concret : En situation de crise économique, le niveau des rentes actuelles n’est pas soutenable – les réformistes doivent donc accepter une réduction des rentes ou une hausse de l’âge de retraite. Pourtant, afin d’atteindre des réformes vitales et de les maintenir à long-terme, elles doivent être orientées vers un objectif révolutionnaire. Nous devons démontrer les liens entre les différents problèmes et présenter un programme commun et des solutions communes. C’est ainsi que nous pourrons mener sérieusement toute lutte, acquérir des améliorations et rompre avec les limites du système.
Ce faisant, quel rôle doit jouer la JS ?
Un rôle très important : Nous devons unir les différentes luttes. Dans un premier temps de manière analytique, en en constatant les origines et en développant des stratégies. Ensuite, dans la pratique, en intervenant activement dans les luttes qui éclatent contre l’impérialisme, l’austérité ou le patriarcat. Là, nous participons, faisons valoir nos idées et testons nos points de vue dans la réalité. Puis, nous unifions politiquement les luttes en organisant les combattant-e-s actif-ve-s chez nous et en forgeant des différents mouvements un programme politique commun. C’est aussi ce que je veux dire avec « l’unité de la théorie et de la pratique ». Nous devons intervenir dans les luttes déjà engagées, les unir agrandir ainsi notre force de frappe.
Et après il y aura la révolution ?
Si nous faisons bien notre travail, reconnaissons les contradictions de la société et intervenons correctement, une classe se formera qui aura, avec ses allié-e-s, le pouvoir de faire chuter ce vieux système pourri. La politique révolutionnaire a comme objectif primaire d’augmenter la conscience de classe des salarié-e-s, d’accélérer leur organisation et de présenter une perspective socialiste pour leurs combats. La JS doit se considérer comme l’outil pour l’organisation de la classe laborieuse. De cela, je m’en porte garant et le ferais également au CD.
Bertil, l’autre candidat, est également contre le réformisme – qu’est-ce qui différencie vos programmes ?
Je pense qu’il à certaines bonnes approches, mais il s’arrête à mi-chemin. Il dit que le réformisme lui est insupportable, cependant, il n’est pas conséquent concernant la compréhension de celui-ci : « Un réformisme pensé avec sa finalité qui ne peut à terme qu’être le dépassement du capitalisme n’est pas le même qui conduit une partie du mouvement ouvrier à une réforme telle que PV2020. » Alors que la politique actuelle du PS est justement la conséquence d’une conception réformiste. Peu importe si l’on veut un jour ou l’autre, dans mille ans, atteindre le réformisme – les réformistes mettent l’accent sur les réformes immédiates et isolées, ce qui mène en fin de compte aux problèmes susmentionnés.
Bertil dit à juste titre que la JS doit unir les différentes luttes. Il est néanmoins de l’avis qu’elles ne sont pas « intrinsèquement » liées. Mais s’il n’existait pas un tel lien interne – si les collégien-ne-s qui luttent contre l’austérité, les migrant-e-s qui demandent un meilleur traitement et les ouvri-èr-es en grève – n’avaient pas d’intérêt commun supérieur, on ne pourrait pas bâtir une alliance stable. Si c’était le cas, toute la stratégie à long-terme du socialisme s’écroulerait. Un programme commun comme base de l’hégémonie de la classe laborieuse ne serait pas possible. Heureusement, en réalité ce n’est pas vrai. Les intérêts objectifs communs existent et nous devons le souligner. Bertil dit que toute « option fondée » est bonne à prendre, mais il ne fournit aucune méthode, aucune stratégie sur comment la « perspective d’une transformation radicale sociale » devrait se présenter. Au final, à part quelques bonnes pensées, rien dans son programme ne contredit l’approche actuelle de la gauche, le réformisme.
La rédaction
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