Nous publions le témoignage suivant d’une assistante médicale au CHUV, recueilli il y a quelques semaines. Ce témoignage met en lumière les conditions de travail révoltantes, qui ont été le terreau fertile à l’appel à faire grève de cette semaine et souligne les éléments importants qui peuvent être pertinents dans la préparation de la grève au CHUV le 23 Juin.
« Sur mon travail » est une tribune libre dédiée aux travailleurs et travailleuses. C’est l’occasion de parler des conditions de travail et de partager des expériences quotidiennes. Nous nous réjouissons de votre contribution! N’hésitez pas à nous écrire à redaction@marxiste.ch
« Je suis assistante médicale dans un service du CHUV, l’hôpital universitaire de Lausanne.
Après plus d’un an de lutte au front, après des vacances annulées, le personnel restant qui est mis sous tension à cause des burn-out à répétition de nos collègues et des certificats médicaux pour le personnel à risque, doit lui assurer les heures de travail de ces personnes manquantes en plus des leurs. Le mécontentement grandissant d’une part de la population pèse lourd sur les employés des hôpitaux. Nous aussi nous en avons marre de l’ingérence de notre gouvernement, mais nous ne pouvons qu’espérer que les gens se souviennent que nous aussi nos libertés sont réduites depuis des mois. Nous ne pouvons pas juste rester à la maison, nous devons être là pour les personnes malades. Nous aussi nos apéros et nos sorties restos et concerts sont annulés, mais ce depuis le début de la pandémie. La plupart d’entre nous, ne vivions plus à la maison , pour ne pas mettre en danger nos proches, pendant des mois. Tout cela sans aucune augmentation, sans nouveau personnel, avec la même équipe qu’au début.
Le manque chronique de personnel, de lits pour les patients, de temps à leur accorder, n’est pas nouveaux, cela existent depuis 2008 et depuis 10 ans que je travaille dans la branche, je n’ai jamais connu d’autre situation que celle du stress de traiter les patients, de compléter les dossiers et de passer au suivant au plus vite, d’accumuler les heures pour combler l’absence d’une autre collègue partie en congé maternité plus tôt que prévu. Tout cela en n’ ayant pas le droit de faire une erreur vu qu’il peut s’agir de la vie du patient. Sans oublier, le sexisme, de la part des patients et des collègues aux postes plus élevés.
On entend souvent de la part des syndicats, que la grève n’est pas faisable dans la santé. Cela n’encourage pas à revendiquer l’aide des syndicats pour le mouvement. Cependant, des exemples aux USA prouvent que des grèves dans la santé sont possibles. 12000 infirmières et infirmiers sont descendus dans les rues du Minnesota en pleine pandémie.
Par de tels exemples, nous voyons que les grèves dans ce domaine sont faisables, mais seulement si les syndicats se voient réappropriés par les ouvrières et ouvriers des hôpitaux.
Une façon simple et efficace serait de renoncer à la facturation de toutes les prestations liées au patient : ne plus facturer le vaccin et son l’injection, ne plus facturer le matériel utilisé pour faire un pansement, etc.
Ainsi, avec la grève administrative, il y aurait un impact direct sur les profits faits par les assurances. Mais aucun impact pour les patients. Car tout le temps que je perds à insérer les prestations dans le système de facturation, c’est du temps que je ne passe pas auprès du patient ; une grève administrative ne change donc rien pour lui. Tout le temps que je passe à taper des rapports, justifiant un plâtre pour une jambe cassée, c’est aussi du temps que le patient ne remarquera pas.
Pour ce faire, nous devons nous unir dans nos équipes pour parler de notre situation et de nos revendications, puis décider comment nous pouvons lutter ensemble. Nous ne pouvons pas attendre les syndicats.
Puis, parfaitement informés de la lutte et de la force de frappe de ce genre d’action, les syndicats pourraient y apporter leurs connaissances et joindre leur force. Il faut leur montrer que nous ne voulons pas nous détourner d’eux, mais qu’en tant que soignants, nous savons qu’il y a des moyens de faire grève, comme une grève administrative, contrairement à ce que les directions syndicales aiment à répéter.
Il faut donc mettre la pression sur eux en commençant l’action, il faut défier les syndicats en nous organisant par nous-mêmes, en leur imposant nos revendications. »
Anonymisé
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