Aujourd’hui a commencé la grève de cinq jours des enseignants dans les écoles secondaires genevoises. La raison en est l’attaque du gouvernement qui veut imposer aux enseignants deux heures (peut-être même six) de cours supplémentaires par semaine. Cette lutte s’inscrit dans une vague de grèves à Genève. La fonction publique a fait grève en novembre pour obtenir des augmentations de salaire. Idem pour les employés de l’aéroport fin décembre, qui ont obtenu 3 % d’augmentation de salaire. Les transports publics (TPG) ont également menacé de faire grève, ce qui a forcé la direction à négocier de meilleures conditions de travail (plus de personnel, réduction des tranches horaires). Les attaques de ces dernières années se transforment maintenant en une volonté de lutte ouverte. Et ce n’est que le début. En tant que communistes, nous soutenons pleinement ces grèves. Une grève de 5 jours dans les écoles secondaires est un énorme progrès dans la lutte des classes et c’est un exemple pour tout le secteur public et l’entièreté de la classe ouvrière suisse !

Qu’est-ce qui a fait déborder le vase ?

Les enseignants du secondaire sont en colère. Deux heures de cours en plus par semaine représentent en réalité plusieurs heures de travail supplémentaire non payées ! Déjà, de nombreux enseignants sont à bout : « Je suis proche du burn-out depuis des mois, nous sommes constamment sous tension et maintenant ils veulent encore augmenter nos heures de cours ! », déclare une enseignante du cycle d’orientation de Montbrillant. Tous disent qu’ils n’arrivent pas à suivre le travail et que la qualité de l’enseignement s’en ressent. Déjà lors de la manifestation de solidarité de jeudi dernier, le sentiment était clair : « Nous n’en pouvons plus ». Tout comme dans l’ensemble du service public, les employés de l’enseignement souffrent de surcharge de travail, de manque de personnel et de stress. Ils ne sont pas les seuls dans ce cas : 70% des travailleurs de Suisse romande disent souffrir de stress au travail.

A cela s’ajoute le fait que le gouvernement bourgeois se révèle de plus en plus clairement hostile aux travailleurs. Plus personne ne croit à ses promesses selon lesquelles les deux heures seront compensées « d’une manière ou d’une autre » et que l’argent économisé sera investi dans l’« amélioration » de l’enseignement. Les dernières années ont dévoilé ces mensonges : ce gouvernement ne se soucie ni de bonnes conditions de travail, ni d’une bonne éducation, ni de la santé, ni des transports publics. Ce gouvernement est l’instrument des banques et des entreprises ! Depuis des années, ce dernier impose des baisses successives de l’impôt sur les sociétés. Dans le même temps, il détériore les salaires et les conditions des services publics. La pandémie a totalement mis à nu cette farce : alors que le gouvernement a applaudi le personnel soignant et l’ensemble des services publics en héros, toutes leurs revendications ont été ignorées jusqu’ici.

Aujourd’hui, le capitalisme est en crise profonde. Mais loin d’en assumer la responsabilité, l’État sauve à nos frais de grandes banques parasitaires, augmente le budget militaire et accroît la richesse de leur classe – les capitalistes – de plusieurs milliards ! Et aujourd’hui, en pleine crise du coût de la vie – la plus importante depuis des décennies – le gouvernement genevois annonce une nouvelle baisse de l’impôt sur les entreprises. Et comment pourrait-il en être autrement ? Pour compenser les pertes de 25 millions de francs qui en découleront, il a présenté un plan financier prévoyant des mesures d’économie massives pour les trois prochaines années.

Mais les attaques actuelles font déborder le vase. La colère se transforme en volonté de se battre. Parallèlement, chaque année on a tenté de s’attaquer aux salaires et aux conditions du service public. On a promis tout et n’importe quoi au personnel soignant pendant la pandémie. Au final, ils n’ont même pas eu droit à quelques miettes.

La nouvelle conseillère d’État PLR Anne Hiltpold – ancienne présidente du lobby immobilier et actuelle directrice de l’éducation à Genève – est représentative de ce gouvernement. Pour les grévistes, il est clair que nous nous battons pour une éducation de qualité. Hiltpold et son gouvernement sont en revanche l’instrument des riches et ne se soucient que de leurs profits. C’est pourquoi ils détruisent le système d’éducation. Pourtant tous les enseignants et la classe ouvrière ont intérêt à un bon système d’éducation La colère est palpable partout : « Elle peut oublier pour être réélue », dit un gréviste avec mépris. De la même manière, lors de la manifestation de solidarité devant le bâtiment du gouvernement, les manifestants crient haut et fort vers elle : « Quitte ton trône et viens nous voir en classe ! »

Les bourgeois ont peur !

Le gouvernement et les médias bourgeois font tout pour saper la solidarité avec le conflit du travail. Les médias mènent une campagne de dénigrement contre la grève. Hiltpold et son gouvernement PLR font tout pour délégitimer les enseignants et les syndicats. Ils affirment que ceux-ci refusent de discuter et que les grévistes « prennent les élèves en otage » et mettent l’éducation en danger. Hiltpold annonce publiquement que les mesures n’entreront en vigueur « qu’en 2027 » et qu’il sera possible de discuter d’ici là : « Sa porte est toujours ouverte ».

Cette prétendue volonté de négocier n’est en réalité qu’une manœuvre hypocrite. Son vrai visage est apparu immédiatement : il s’en est suivi une campagne médiatique incendiaire, accompagnée de menaces de mesures de répression et de tentatives de déclarer « illégale » toutes mesures de lutte. Lorsque les enseignants ont informé les parents de leurs élèves qu’ils étaient en grève et pourquoi ils l’étaient, ils ont été menacés d’amendes allant jusqu’à 10 000 francs ! Ici, qui prend qui en otage, Madame Hiltpold ? Maintenant, le gouvernement déclare l’ensemble de la grève illégale parce qu’elle a lieu pendant les examens cantonaux et exige un service minimum. C’est de facto la suppression du droit de grève !

L’argument de Hiltpold selon lequel la grève va à l’encontre des intérêts des élèves et de la qualité de l’enseignement est particulièrement déplacé. Ce sont justement les mesures du gouvernement qui réduisent les ressources pour l’accueil des enfants. Pourtant, cette prise en charge est sacrément nécessaire : de nombreux enseignants témoignent que la situation a empiré au cours des cinq dernières années. Les enfants et les parents auraient beaucoup plus de problèmes. Les parents ont moins de temps à consacrer à leurs enfants en raison de leur propre charge de travail. Le stress et la pression augmentent par conséquent aussi chez les élèves. A nouveau, comment pourrait-il en être autrement ? Ils grandissent dans un monde marqué par la crise, la guerre et le changement climatique. La grève des enseignants est dans l’intérêt des parents et des élèves. Ils ne se battent pas seulement pour maintenir la qualité de l’enseignement. Ils enseignent à leurs élèves l’une des leçons les plus précieuses : tu peux et tu dois te battre. C’est nécessaire pour de meilleures conditions et pour une société dans laquelle ce n’est pas le profit qui passe en premier, mais les besoins de toute la société.

Il est clair que les menaces et la campagne de dénigrement public ont un objectif : intimider les grévistes, saper la solidarité entre les élèves et les parents et ainsi isoler la grève. Ce faisant, non seulement le gouvernement, mais aussi les médias et la justice se mettent à nu – en tant qu’instruments de la classe dirigeante, dirigés contre les employés et la classe ouvrière dans son ensemble. En outre, une telle approche agressive montre que la classe dirigeante a peur. Cette grève bénéficie d’une grande sympathie au sein de la population, qui s’oppose depuis des années aux mesures d’austérité dans les domaines de la santé et de l’éducation. La grève pourrait être un jalon dans l’ensemble du service public ; un exemple lumineux pour des milliers d’autres employés. C’est pourquoi un enseignant a déclaré à juste titre lors de la manifestation : « Ils ont peur ! »

Comment gagner ?

Le potentiel de cette lutte est énorme. Face aux attaques et à l’agitation du gouvernement, nous devons passer à l’offensive ! La grève doit être étendue. Il faut une vaste campagne de solidarité de la part des parents et des élèves. Le reste du secteur public et des autres secteurs de la classe ouvrière doivent être entraînés dans la lutte. Plus la grève sera importante et longue, plus la victoire sera complète. Cela permettra non seulement de combattre les deux heures supplémentaires des enseignants, mais aussi d’enterrer l’ensemble du plan financier du gouvernement ! Car Hiltpold le dit ouvertement : les mesures contre les enseignants du secondaire font partie d’un plan financier plus vaste. Tout cela doit disparaître. Les grèves et les luttes de la fonction publique et des TPG prouvent que la lutte en vaut la peine.

Mais pour cela, la direction syndicale doit mettre toute son énergie dans la mobilisation de la classe ouvrière. Il faut que les employés s’organisent le plus largement possible en assemblées de grève et en comités de grève dans tous les lieux de travail. Les traditions de lutte et la capacité à faire grève ne s’apprennent pas du jour au lendemain. Cela doit se construire. C’est la seule façon de repousser ces attaques permanentes. Car ce que les patrons donnent d’une main, ils essaient de le prendre de l’autre.

Mais nous devons dire clairement que jusqu’à présent, les directions syndicales n’ont pas du tout rempli ce rôle, ou alors de manière très insuffisante. Le réformisme des directions syndicales est un frein à la lutte. Ils attisent les illusions dans le partenariat social – dans les compromis et les appels aux patrons et au gouvernement – au lieu de dire honnêtement que seule la lutte la plus dure contre les capitalistes et leur gouvernement apportera des succès. De plus, ils reculent devant les obstacles et l’agitation au lieu de faire progresser la confiance de la classe ouvrière dans sa force collective.

Nous avons besoin de combattants de classe conscients et honnêtes, qui encouragent l’auto-organisation et l’initiative de lutte au sein de la classe ouvrière, à tout moment et partout, qui aiguisent sa conscience de classe, et qui ne jettent pas de la poudre aux yeux des travailleurs, mais disent la vérité et mettent à nu les capitalistes, leurs institutions, la presse et les partis pour ce qu’ils sont : des ennemis de classe. Il faut des communistes dans chaque entreprise et dans chaque école qui mettent en place une cellule communiste et fassent avancer ces luttes en les reliant à la perspective révolutionnaire plus large !

La classe ouvrière suisse se réveille

Les luttes à Genève ne sont que le début et le signe avant-coureur de la lutte des classes dans toute la Suisse. Les mesures d’austérité, les attaques et le stress ne sont pas des problèmes isolés en Suisse romande, mais s’étendent à toute la Suisse. A cela s’ajoutent des attaques flagrantes contre la classe ouvrière dans son ensemble : l’augmentation de l’âge de la retraite, des primes d’assurance maladie, des loyers ainsi que l’inflation. Le capitalisme suisse en crise se dévoile pour ce qu’il est : une déclaration de guerre à l’ensemble de la classe ouvrière. Mais cette classe, qui a avalé toutes les attaques au cours des dernières décennies, commence maintenant à bouger et à se battre en retour. La fermentation révolutionnaire bat son plein : la grève des enseignants n’est que la première preuve que cette fermentation va se transformer en lutte de classe ouverte !  

C’est pourquoi nous fondons ce mois de mai le Parti communiste révolutionnaire (PCR) comme déclaration de guerre contre son système et sa crise. Nous fondons le PCR comme arme décisive entre les mains de la classe ouvrière. Les luttes et les grèves d’aujourd’hui ont besoin de méthodes de lutte de classe et d’un programme révolutionnaire. Seule l’expropriation des capitalistes et la prise de pouvoir par la classe ouvrière peuvent mettre fin à la crise capitaliste ! Ce n’est qu’ainsi que nous pourrons planifier démocratiquement les ressources sociales, pour le plein emploi et la réduction du temps de travail, ainsi qu’un système d’éducation et de santé de qualité, libre de toute recherche de profit !

D’autres rapports du front syndical à Genève

Fonction publique

En fin d’année 2023, les travailleurs et les travailleuses de la fonction publique genevoise sont entrés en lutte contre des politiques d’austérité sévères. Le plan de l’État pour 2024 à 2027 prévoit des suppressions d’annuités, des conditions de travail plus dures et pas d’indexation. Pourtant, ce n’est pas l’argent qui manque pour payer des bons salaires et bâtir des services publics de qualité. Tandis que la fonction publique est écrasée, les milliardaires continuent de s’engraisser !

Aux Assemblées Générales et aux manifestations l’ambiance était électrique. Une camarade enseignante a pris la parole pour expliquer la nécessité de la grève reconductible, proposition applaudie par la salle, mais malheureusement pas appliquée par la direction syndicale ! Le 14 décembre devant l’hôtel de ville la colère prenait tout le monde aux tripes, et on huait les députés responsables. Finalement, les travailleurs ont obtenu une indexation de 1 % sur les salaires, ce qui montre le potentiel qu’une grève reconductible aurait pu avoir. 

La leçon que beaucoup ont tiré, et que les communistes expliquent, c’est que pour obtenir quoi que ce soit nous devons faire plier le Conseil d’État et étendre le mouvement. Chaque personne qui est déjà arrivée à ces conclusions est à l’avant-garde de la lutte : et chaque personne qui a les perspectives et le programme correct peut convaincre ses collègues de rejoindre les grévistes !

La tâche des communistes ne se limite pas à étendre une lutte. Il faut montrer qu’il n’y a pas de solution sur une base capitaliste, et que ces mesures d’austérité sont une expression de la crise historique du capitalisme que les bourgeois rejettent sur le dos de la classe ouvrière toute entière ! Si nous voulons sortir de ce bourbier, les travailleurs et les travailleuses doivent s’unir et prendre le contrôle de l’ensemble de la société, en arrachant le pouvoir des mains des bourgeois !

Luc Rolli, Genève

Personnel au sol de l’aéroport

Le 24 décembre, les travailleurs de la société Dnata se sont mis en grève à l’aéroport de Genève. Dnata y emploie 600 personnes chargées de l’enregistrement des passagers ou du chargement des bagages. Face à des attaques contre leur prévoyance vieillesse ainsi que pour obtenir une augmentation de salaire de 5 %, cinq ouvriers ont mobilisé leurs collègues pour la grève.

J’ai rejoint les grévistes sur le piquet de grève à 4 heures du matin. À 10 heures, lorsque le secrétaire syndical et les délégués reviennent de la négociation avec la direction, des applaudissements enthousiastes les accueillent. Un jeune ouvrier s’exclame même : « C’est nous la nouvelle génération ! » 

Le secrétaire syndical annonce alors que les patrons leur proposent 3 % d’augmentation de salaire et 500 francs de prime unique. Il ajoute qu’il faut absolument l’accepter. Autour de moi, les réactions sont claires : « Ce n’est pas ce que nous voulons ! », « Je ne fais pas grève pour ça ! » , « Je voulais 5 % ! » 

Je sais que c’est mon rôle de communiste de pousser la lutte en avant. Mais le doute s’installe : Je suis seul ici, je ne parle pas bien français. Les travailleurs m’écouteront-ils ? Pourtant, je dois saisir ma chance ! J’enjambe alors la grille pour me retrouver aux côtés du délégué, qui tente toujours de convaincre ses collègues d’accepter l’accord. Je m’écrie : « Si vous obtenez 3 % après seulement six heures de grève, 5 %, c’est possible ». De mon mieux, je raconte la lutte des chauffeurs de tramway TPG en 2022, lors de laquelle les travailleurs avaient obtenu leurs revendications en prolongeant la grève d’une demi journée. 

Le délégué reprend alors la parole et je suis contraint de m’arrêter. Cependant, en revenant dans la foule, un travailleur s’approche de moi et me demande de parler à son collègue et de l’encourager. 

C’est dans ce genre de situation qu’un communiste peut faire toute la différence. Si j’avais pris la parole plus tôt et avec plus d’aplomb pour donner une voix à cette volonté de lutter, la grève aurait sans doute été reconduite. Les grévistes auraient gagné et 600 personnes auraient obtenu 5 % d’augmentation et surtout encore plus de courage. Heureusement, cette lutte n’est que le début de ce qui nous attend. 

Nils, Berne

Visite au dépôt des TPG

Les salariés des Transports publics genevois (TPG) ont déposé un préavis de grève en janvier. Ils exigent entre autres une revalorisation salariale et plus de postes. Quand ma branche m’a demandé de présenter la lutte, je me suis rendu compte qu’on n’en trouve pas grand chose dans la presse bourgeoise. J’avais besoin de mieux comprendre la réalité du terrain. J’ai donc décidé d’aller au dépôt de la Jonction pendant ma pause déjeuner. Il neigeait à gros flocons et la place était presque vide, mais un employé fumait une cigarette devant le bâtiment. Je me suis présenté comme un communiste (bientôt membre du PCR) et lui ai demandé s’il pouvait me donner des détails sur leurs revendications au vu de la grève qui se préparait. Au départ, il m’a dit qu’il devait bientôt rentrer, mais quand j’ai abordé la question de ses conditions de travail, on a entamé une longue discussion. Il m’a expliqué que les tranches horaires dépassent souvent quatre heures dans des conditions difficiles de trafic et que cela est très dur pour les conducteurs et dangereux pour les usagers. Ceci entraîne un cercle vicieux où la surcharge génère des absences qui empirent la charge de travail des collègues. Il y a un manque flagrant de personnel de réserve, surtout la nuit. Il n’y a pas de toilettes dans la plupart des terminus (quel autre employeur ne met pas à disposition des toilettes aux employés ?) La direction rend payant le parking (à l’intérieur des locaux TPG !) ce qui correspond à une perte réelle de 120 CHF par mois.

J’en suis sorti enrichi d’empathie pour leur cause et armé d’arguments pour soutenir leur lutte. Parler directement aux travailleurs est une manière de s’informer bien meilleure que de se baser sur la presse bourgeoise. Cela crée des liens politiques et humains et nous rappelle que nous ne sommes pas isolés mais une classe ouvrière unie et solidaire dans la lutte contre le capitalisme. Le canton a repoussé la grève mais la lutte doit continuer. TPG, on est là avec vous ! 

Nicola, Genève

https://marxiste.ch/fr/mouvement-ouvrier/syndicats/1er-jour-de-la-greve-historique-du-cycle-dorientation-les-enseignants-a-loff