Le 19 mars dernier, des syndicats de salariés (CFDT, CGT, FO, CFE-CGC, CFTC) et des organisations patronales (Medef, CPME, U2P) ont signé une brève « déclaration commune » sur l’actuelle crise sanitaire.
Pour sauvegarder ses profits, le patronat met en péril la santé de millions de travailleurs ; il refuse de fermer les entreprises non essentielles ; il est incapable d’assurer la protection des salariés des secteurs essentiels ; enfin, il se prépare à transférer tout le poids de la crise économique sur les épaules des jeunes, des salariés et des retraités. Malgré cela, malgré ces faits qui révoltent d’innombrables travailleurs, les dirigeants de cinq confédérations syndicales ont trouvé le moyen de signer un texte « commun » avec trois organisations patronales.
Fatalement, le contenu de cette déclaration est un tissu de généralités conformes aux intérêts de la classe dirigeante. Elle affirme « le rôle essentiel du dialogue social et de la négociation collective ». Oh oui, le grand patronat veut bien « dialoguer » et « négocier » avec les syndicats ouvriers, du moment que ses intérêts fondamentaux ne sont pas remis en cause. Cela fait des années, d’ailleurs, que les dirigeants syndicaux « négocient » la régression sociale. Du point de vue des grands patrons, c’est la méthode la plus efficace et la plus sûre, puisqu’elle couvre leurs agressions d’un voile de « démocratie sociale ».
Par ailleurs, les signataires de la déclaration commune « appellent les pouvoirs publics et les entreprises à mettre en œuvre tous les moyens indispensables à la protection de la santé et de la sécurité des salariés devant travailler. » Précisément : les « pouvoirs publics » (le gouvernement des patrons) et « les entreprises » (le patronat) refusent obstinément de mettre en œuvre de tels « moyens indispensables ». Et d’abord, ils insistent pour maintenir l’activité d’entreprises non essentielles, au risque de contaminer des salariés et leurs familles.
Quels salariés « doivent » travailler ? Et au nom de quoi doivent-ils travailler ? Est-ce parce que leur travail est essentiel à la vie sociale – ou est-ce parce que les profits capitalistes « doivent » être sauvegardés ? La déclaration commune ne le précise pas, bien sûr. En approuvant cette formule volontairement vague, les dirigeants syndicaux qui ont signé ce texte deviennent complices de la mise en danger de la vie d’innombrables salariés.
Le reste de cette déclaration scandaleuse est de la même farine. Sans surprise, elle a choqué de nombreux militants syndicaux, notamment à la CGT. Nous publions ci-dessous la réaction signée par plusieurs structures et dirigeants de la CGT – y compris, fait rarissime, au plus haut niveau de la confédération.
LES ORGANISATIONS CONSTITUTIVES DE LA CGT SE DISSOCIENT ET CONDAMNENT LA « DÉCLARATION COMMUNE » DES CONFÉDÉRATIONS SYNDICALES ET PATRONALES DU 19 MARS 2020
Hier soir, les 5 confédérations syndicales et les 3 patronales ont validé un texte commun que nous ne reproduirons pas puisqu’il est disponible par exemple, sur le site de certaines confédérations.
Nous retenons que les signataires :
– « entendent affirmer le rôle essentiel du dialogue social » : l’heure serait au dialogue social, pendant que les patrons sont prêts à faire mourir des travailleurs plutôt qu’à renoncer à leurs marges ?
– « mettre en œuvre tous les moyens indispensables à la protection de la santé et de la sécurité des salariés devant travailler. » : Ce qui ne dit rien sur, donc valide, le maintien des activités non strictement indispensables à la lutte contre la pandémie et la vie quotidienne.
– « saluent l’engagement (…) des salariés indispensables à la continuité d’approvisionnement. » : A l’approvisionnement en pneus militaires ? en gazole alors que les stocks stratégiques sont pleins ? En rouge à lèvres ? Etc. Cette déclaration est un coup de poignard dans le dos des militants, des travailleurs qui se battent pied à pied contre les employeurs sans scrupules, pour arrêter des activités non indispensables et pour mettre à l’abri les salariés chez eux. On parle de la vie des travailleurs, non pas de quelques-uns, mais des milliers ! La parole des patrons, comme celle des politiques, Macron compris, est complètement discréditée par leur acharnement à poursuivre les activités de toutes les entreprises. C’est la même chose avec les signataires de ce texte. Tous se retrouvent dans l’union sacrée convoquée par Macron, alors que ceux qui trinquent, ce sont les salariés et leurs familles ! La seule parole crédible est celle des gens de terrain, les médecins, infirmières, urgentistes : Tous et toutes disent qu’il faut absolument stopper toutes les activités mettant les personnes en contact les unes avec les autres, et qu’ensuite, il faut n’autoriser que celles strictement indispensables. La réalité de terrain, c’est qu’en règle générale, les patrons obligent les gens à travailler bien avant de se préoccuper, au coût minimum, de mettre en place les mesures nécessaires pour protéger les travailleurs. Pendant ce temps, les marges continuent de tomber mais le virus, lui, peut se transmettre en une seule minute ! Il y a donc urgence à stopper tout ce qui n’est pas nécessaire. Le coup d’état d’urgence sanitaire ouvre un régime d’exception pour les employeurs où tout est permis pour eux. Le rôle de la CGT dans la période est de se trouver auprès des travailleurs, et non signataire d’une déclaration en collaboration avec ceux qui nous font face. Les organisations qui s’expriment par cette adresse publique invitent toutes les organisations de la CGT, du syndicat à la confédération, à condamner cette « position commune » qui rend complices ses signataires des drames humains consécutifs à la crise sanitaire en cours, et à exiger le retrait de sa validation par la CGT.
Premières organisations : UD 13, FNIC, UD 94, UD 82, UD 18, SERVICES PUBLICS, UD 59, UD 04. Membres de la direction confédérale : B. Amar, M. Blanco, P. Bonnet, B. Talbot.
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