Les tensions entre blocs impérialistes s’aggravent de jour en jour.  Les pays s’arment les uns après les autres. La guerre semble désormais être partout à l’ordre du jour. Dans ce contexte, la question se pose plus pressante que jamais : Qu’est-ce que l’impérialisme ? 

Celui-ci est souvent réduit à sa seule dimension militaire : la guerre impérialiste. Il est vrai que c’est sa manifestation la plus visible. Cependant, l’impérialisme est d’abord un phénomène économique

Dans son livre, “Impérialisme, le stade suprême du capitalisme”, Lénine expliquait que, l’impérialisme était le résultat inévitable de la phase de libre-concurrence du capitalisme. 

Concurrence et monopole

La concurrence fait partie intégrante du capitalisme. Cependant, celle-ci crée inévitablement des monopoles. D’une part, les gros requins mangent les petits poissons. D’autre part, les capitalistes doivent réinvestir leurs bénéfices pour rester concurrentiels, au risque de se faire dévorer. En conséquence de quoi, un nombre toujours plus restreint de grandes entreprises concentre entre ses mains de plus en plus du capital existant. Les monopoles apparaissent. 

L’année dernière, les 500 plus grandes entreprises du monde en termes de chiffre d’affaires représentaient environ la moitié du PIB mondial. Elles ont réalisé des recettes records de 41’000 milliards de dollars. L’économie est ainsi dominée par un petit nombre de groupes gigantesques. C’est l’essence même du stade impérialiste du capitalisme.

Ce processus intrinsèque au capitalisme de concentrer le capital et créer des monopoles s’accompagne d’un deuxième processus. 

Capital financier

Dans la phase initiale du capitalisme, phase qui s’est terminée au début du XXè siècle, les banques jouaient un rôle d’auxiliaire auprès des industriels. Elles accordaient des prêts aux patrons, leur permettant ainsi d’augmenter la production. Elles recevaient également les capitaux excédentaires pour les investir et réaliser un profit. Les banques étaient plus dépendantes des industriels que le contraire. 

C’est ainsi que se sont formées d’énormes banques avec des réseaux internationaux de filiales. Le pouvoir du secteur bancaire s’est ainsi accru. Au stade impérialiste du capitalisme, le secteur financier est devenu le squelette indispensable sur lequel repose l’économie mondiale. Les monopoles, aussi gigantesque soient-ils, sont désormais dépendants des banques. En effet, les institutions financières ont accès aux comptes de chaque entreprise et décident qui reçoit un prêt et qui n’en reçoit pas. Elles s’imposent dans les conseils d’administration et à la direction des industries. Elles sont passées du statut d’auxiliaire à celui de maître de l’économie. 

C’est aujourd’hui plus que jamais le cas. Les trois plus grands gestionnaires de fortune (Blackrock, Vanguard et State Street) sont les principaux actionnaires de 88 % des 500 plus grandes entreprises américaines cotées en bourse. De plus,  l’endettement total s’élevant aujourd’hui à 350 % du PIB mondial; cela donne une idée du pouvoir détenu par les créanciers de la planète. 

En bref, l’économie mondiale est entre les mains d’une minuscule « oligarchie financière », selon l’expression de Lénine.

Exportation de capitaux

Pour ces gigantesques monopoles, le marché national est trop restreint. L’exportation à l’étranger de capitaux devient essentielle à la croissance de ces grands groupes. Ils se garantissent ainsi des bénéfices élevés en investissant leur argent dans des pays aux salaires plus bas, aux ressources naturelles abondantes ou avec un nouveau secteur industriel. 

En 2022, le PIB mondial s’élevait à un peu plus de 100’000 milliards de dollars américains. Ce chiffre comprend environ 25’000 milliards d’exportations de marchandises réelles, et 41’000 milliards d’investissement de capitaux à l’étranger. Ces chiffres mettent en lumière l’un des principaux mécanismes économiques du capitalisme à son stade impérialiste. Les capitalistes ne se contentent plus d’exploiter la classe ouvrière « chez eux », mais, en exportant des capitaux et investissant à l’étranger, ils exploitent la classe ouvrière internationale de la manière la plus barbare qui soit et empochent au passage des bénéfices colossaux.

Au XIXè siècle, à l’époque de la concurrence,  les capitalistes individuels se disputaient la domination du marché national. Depuis le début du XXè siècle, ces capitalistes, devenus à présent des monopoles nationaux gigantesques, se disputent la domination du reste du monde. 

Nouveau partage du monde et guerre

Dès 1848, Marx et Engels écrivent dans le Manifeste : « Le gouvernement moderne n’est qu’un comité administratif des affaires de la classe bourgeoise.». Sous l’impérialisme, les grands capitalistes fusionnent avec l’Etat. Celui-ci n’existe plus alors que pour garantir leurs intérêts. 

Les puissances impérialistes commencent alors à imposer les intérêts de leurs prédateurs nationaux partout dans le monde. Un seul exemple : l’impérialisme américain, la force impérialiste la plus puissante et la plus réactionnaire sur la planète, possède selon les estimations 5000 bases militaires aux Etats-Unis – et 1000 autres bases militaires dans le monde.

A notre époque, le monde est entièrement divisé entre les puissances impérialistes. Chaque partie du monde devient une zone d’influence de telle ou telle puissance impérialiste. Les puissances impérialistes – derrière lesquelles se cachent les monopoles nationaux – sont en conflit les unes avec les autres pour des zones de matières premières, des débouchés économiques ou tout simplement des zones d’influence. 

On assiste régulièrement à des changements dans les rapports de force, dus en dernière instance à des modifications du poids économique relatif d’un pays. Les prédateurs émergents veulent une plus grande part du butin – mais personne ne cède volontairement quoi que ce soit ! Les tensions s’aggravent. Le monde doit être redistribué.

Il existe plusieurs formes différentes de lutte. La diplomatie en est une. Les sanctions et autres guerres commerciales en sont d’autres. Cependant, cette lutte trouve généralement sa conclusion dans le conflit armé, la guerre et le sang. Les guerres impérialistes ne sont pas des anomalies. Elles sont la conséquence nécessaire de ce système.

Ces guerres sont réactionnaires. Elles ne font pas avancer l’humanité, bien au contraire : il ne s’agit que de redistribuer ou réorganiser les marchés ou zones d’influence, jamais pour le bien des populations. Ces guerres n’amènent que mort et destruction. Le capitalisme à son stade impérialiste est synonyme d’horreurs sans fin ! 

La guerre aujourd’hui

Ces lois capitalistes sont à la base de la Première et de la Seconde Guerre mondiale, mais également de la situation mondiale actuelle. 

Le capitalisme traverse une crise profonde. La lutte pour le contrôle du monde s’intensifie depuis des années. A cela s’ajoutent des changements dans le rapport de force des pays impérialistes. L’impérialisme américain reste le prédateur le plus puissant, mais il perd de sa puissance ; d’autres forces impérialistes – la Chine, la Russie, etc. – s’engouffrent dans la brèche. Cette combinaison entraîne immanquablement des tensions de plus en plus fortes dans les relations internationales et ouvre une période de l’histoire où les guerres vont se multiplier.

Quelles sont les conséquences politiques de tout cela ?

L’ennemi principal est dans notre pays !

Le retour à un capitalisme soi-disant pacifique est impossible. Si l’on veut vraiment lutter contre la guerre, le militarisme et la barbarie, il faut s’attaquer à la racine du problème :  le capitalisme doit être renversé.

Ce qui nous sépare d’un monde de paix, de fraternité et d’égalité, c’est la domination de la bourgeoisie. Cette classe parasitaire s’accroche à ce système pourri. Notre classe dirigeante, ici en Suisse, fait entièrement partie de l’exploitation impérialiste et du bellicisme. La formule de Liebknecht est la réponse : « L’ennemi principal se trouve dans notre pays ! »

Le potentiel économique et technologique pour fonder un monde nouveau, un monde meilleur, existe déjà. Lénine écrivait en 1916 (L’opportunisme et la faillite de la IIe Internationale) : «L’époque de l’impérialisme capitaliste est celle où le capitalisme a atteint sa maturité, celle où il l’a dépassée, et se trouve à la veille de son écroulement ; il est mûr au point de devoir céder la place au socialisme. ».  L’expropriation des plus grands gestionnaires de fortune, des plus grands distributeurs (Amazon et Walmart, deux gigantesques monopoles internationaux, petites économies planifiées en soi) et des quelques plus grands producteurs d’énergie géants serait aujourd’hui suffisante pour commencer à planifier l’économie de manière socialiste.

C’est la tâche de la classe ouvrière de renverser la bourgeoisie, de l’exproprier et de commencer à construire une nouvelle société – à l’échelle mondiale. Cette classe est potentiellement plus puissante que jamais. Elle compte 3,6 milliards de personnes. Ce dont elle a besoin, c’est d’une direction révolutionnaire qui unifie la classe par-delà les frontières nationales et qui relie la colère brûlante à la nécessité de la révolution socialiste. C’est dans ce but que nous construisons l’Internationale communiste révolutionnaire.

Les mots par lesquels Marx et Engels ont conclu le Manifeste communiste sont plus vrais aujourd’hui qu’à l’époque où ils ont été écrits. « Que les classes dirigeantes tremblent à l’idée d’une révolution communiste. Les prolétaires n’ont rien à y perdre que leurs chaînes. Ils ont un monde à gagner. Prolétaires de tous les pays, unissez-vous ».

La Suisse est-elle impérialiste ?

Notre bourgeoisie suisse tente de tromper les masses en parlant de “neutralité” ou de “rôle humanitaire” etc, mais soyons clairs :  

En Suisse aussi, une poignée d’entreprises géantes domine l’économie. En 2020, le chiffre d’affaires des dix plus grandes entreprises suisses était plus important que l’ensemble du PIB suisse. Moins de 1 % des entreprises exploitent plus de la moitié des travailleurs en Suisse. 

Une minuscule oligarchie financière domine. Le secteur financier est très concentré. L’UBS représente près de la moitié des chiffres d’affaire de toutes les banques suisses. En 2021, les prêts accordés par les banques suisses aux entreprises suisses s’élevaient à 442 milliards (54 % du PIB) et le volume des investissements des assurances en Suisse à 574 milliards (70 % du PIB). 

De même, la plupart de leurs bénéfices provient de l’exportation de capitaux à l’étranger. Les investissements directs étrangers s’élèvent aujourd’hui à 1 400 milliards de CHF (171 % du PIB). Ils exploitent ainsi 2,2 millions de travailleurs à travers le monde. Un sixième de tous les dividendes internationaux est versé en Suisse. Cette année, ce sera 64 milliards. 

Il y a quelques années, la NZZ écrivait : « Nous sommes les champions du monde des dividendes ». Mais qui est ce « nous » ? Les travailleurs suisses vivent au jour le jour. Une personne sur six est touchée par la pauvreté. C’est une minuscule oligarchie qui empoche le butin.

Or, contrôler l’économie, ça signifie être en position de commander. Cela a rarement été aussi clair qu’aujourd’hui. Le Conseil fédéral soutient aujourd’hui le massacre sanglant à Gaza et laisse calomnier ou menacer quiconque se rangerait du côté des opprimés. Ce n’est pas dû à un manque d’information sur la réalité à Gaza ou à une lâcheté momentanée. Il joue exactement son rôle en faisant cela : défendre les intérêts matériels des monopoles suisses. 

La plupart des exportations de la Suisse sont destinées aux pays de l’OTAN. En première place, on trouve les Etats-Unis – le principal soutien de Netanyahou. En outre, la plupart des plus grands groupes et banques suisses profitent directement du sionisme israélien : Nestlé produit dans des régions d’où les Palestiniens ont été expulsés ; ABB vend des produits pour d’immenses champs solaires dans des colonies israéliennes en Cisjordanie et a signé des accords de coopération industrielle avec l’Etat israélien ; Zurich Assurances investit dans le plus grand assureur d’Israël, etc.

La lutte contre le génocide, contre l’impérialisme et la guerre partout dans le monde n’est pas quelque chose de lointain et d’abstrait. Nous avons une tâche à accomplir ici et maintenant en Suisse – démasquer notre propre classe dirigeante, exproprier « nos » monopoles et renverser « nos » criminels de guerre.