Nous expliquons pourquoi les «politiques identitaires», si dominantes aujourd’hui, ne peuvent pas libérer de l’oppression les femmes, les LGBT ou les Noirs – aussi radicale que puisse être parfois leur rhétorique. Nous avons besoin de méthodes de lutte de classe révolutionnaire.
La crise du capitalisme nous donne mille et une raisons d’entrer en lutte contre ce système pourri et ses pires dérives. Cela inclut toutes les différentes formes d’oppression profondément enracinées dans la société de classe: L’oppression des femmes, le racisme, l’oppression et la discrimination sur la base de l’orientation sexuelle et bien d’autres.
Ces dernières années, nous avons pu voir un essor des luttes contre différentes formes d’oppression dans le monde entier, parfois avec un véritable caractère de masse. C’est une évolution incroyablement inspirante et positive! Elle abrite un grand potentiel révolutionnaire. Dans la jeunesse en particulier, il existe aussi en Suisse une volonté largement ancrée de lutter contre l’oppression des femmes et contre toutes les autres oppressions. Il va de soi que nous soutenons inconditionnellement cette aspiration.
Mais nous devons aussi constater le fait suivant: Dans les cercles qui donnent aujourd’hui le ton dans les mouvements contre l’oppression, dominent des idées et des méthodes qui mènent ces luttes héroïques dans une impasse. Nous parlons des soi-disant «politiques identitaires».
Soyons clairs: nous ne rejetons pas ces idées parce que nous sommes contre la lutte pour la libération. Bien au contraire! C’est justement parce que nous prenons la libération au sérieux qu’il est de notre devoir absolu de combattre toutes ces idées qui non seulement n’ont rien à offrir aux opprimés dans leur lutte pour leur propre libération, mais qui leur nuisent.
En tant que marxistes, nous luttons contre toutes les formes d’oppression. Mais nous le faisons d’un point de vue de classe. Nous disons que la lutte contre l’oppression ne peut être victorieuse qu’en tant que partie de la lutte révolutionnaire de la classe ouvrière. Pour le renversement du capitalisme et pour la construction du socialisme!
Que sont les politiques identitaires?
Les politiques identitaires, en tant que moyen de lutte contre l’oppression, partent de l’«identité» d’un individu sur la base d’expériences communes d’oppression: Les femmes, les homosexuels, les personnes trans, les noirs et les personnes de couleur, etc.
Ses revendications typiques sont la «représentation» et la « visibilisation » par des méthodes telles que les quotas pour favoriser les groupes opprimés (« discrimination positive »), le langage épicène et autres.
Le problème fondamental des politiques identitaires vient de leur méthode erronée, que nous connaissons en philosophie sous le nom d’« idéalisme subjectif ». Ainsi, les politiques identitaires se basent sur l’idée que seules les personnes qui font elles-mêmes l’expérience d’une certaine oppression peuvent la comprendre: Seules les femmes peuvent comprendre l’oppression des femmes. Et par conséquent seules celles qui en font l’expérience peuvent lutter contre elle ou même parler de la manière dont cette lutte doit être menée. Mais cela est tout simplement faux et a des conséquences pratiques extrêmement néfastes pour la lutte contre l’oppression.
Il est faux de dire que l’on ne peut comprendre l’oppression que si on en fait soi-même l’expérience. Si tel était le cas, comment un médecin pourrait-il diagnostiquer une maladie dont il n’a pas fait l’expérience lui-même? Un bon médecin ayant une compréhension scientifique de l’anatomie humaine peut – sur la base de la description des symptômes, des tests de laboratoire, etc. – porter un jugement sur la maladie à laquelle nous sommes confrontés et sur la manière de la combattre. Inversement, je peux souffrir d’une maladie et savoir exactement ce que l’on ressent en étant malade. Mais sans études scientifiques de médecine, je n’ai pas la moindre idée de la nature de la maladie à l’origine de ces symptômes – et encore moins de la manière dont je peux la combattre.
Si l’oppression est réduite à l’expérience subjective, aucune analyse ni compréhension des causes objectives et matérielles de cette oppression n’est possible. Et donc, il est évidemment impossible de savoir comment lutter contre les causes de l’oppression. La conséquence nécessaire est l’impuissance absolue.
La force du marxisme réside en revanche dans le fait qu’il reconnaît dans la société de classe la base et la cause matérielles de l’oppression – et avec elle les moyens de la libération. Voilà la puissante arme théorique dont nous avons besoin!
Pourquoi l’oppression est-elle une question de classe?
Le marxisme explique premièrement que chaque forme spécifique d’oppression ne peut être comprise que sur sa base de classe. Et deuxièmement, que la victoire dans la lutte contre l’oppression des femmes n’est possible que comme partie de la lutte de toute la classe ouvrière pour le renversement du capitalisme et la construction du socialisme.
Les raisons en sont simples dans leur essence. Chaque forme d’oppression a ses particularités et ses propres causes historiques que nous devons analyser de manière spécifique. C’est ce que le marxisme a toujours fait et ce n’est pas le lieu ici d’examiner les différentes formes d’oppression séparément. Mais toutes les formes d’oppression ont leurs racines et les causes de leur perpétuation dans la société de classe. Les humains ne s’oppriment pas les uns les autres sans raison.
Dans toutes les sociétés de classes de l’histoire, une classe dirigeante vit de l’exploitation du travail des masses. Alors que les premières vivent dans l’abondance, les secondes ont à peine le nécessaire pour survivre. Cette pénurie et cette pauvreté constituent le fondement de l’oppression: la lutte les uns contre les autres pour les miettes.
La classe dirigeante a besoin de cette division. Tant que le capitalisme existera, il y aura de la pénurie artificielle qui divisera les gens et les poussera à la concurrence mutuelle. Tant que les capitalistes seront au pouvoir, ils encourageront activement cette division et nous dresseront les uns contre les autres afin de maintenir leur domination. Aucune forme d’oppression ne peut être combattue à sa racine au sein du capitalisme. Cela fait de la lutte contre toute forme d’oppression une question révolutionnaire pour renverser le capitalisme.
Et cela pose directement la question suivante: quelle force sociale a objectivement la capacité de renverser le capitalisme? Il n’y a qu’une seule réponse correcte à cette question : la classe ouvrière. C’est elle qui crée toute la richesse de la société capitaliste et qui fait fonctionner ce système. C’est elle qui a donc, en tant que collectif, le pouvoir potentiel aussi bien d’arrêter la course au profit capitaliste que de reprendre et de réorganiser la production sans les capitalistes: pour les besoins du peuple et non pour le profit.
C’est pourquoi nous insistons sur l’unité de la classe ouvrière. Seule la classe ouvrière unie peut renverser le capitalisme qui exploite et maintient les masses dans l’oppression.
La question de classe l’emporte toujours
La classe sociale n’est donc pas simplement une autre « identité » à côté d’autres identités. Elle ne se situe ni analytiquement ni pratiquement au même niveau que les autres formes d’oppression. Elle est fondamentale pour elles. Les lignes de classe sont les principales lignes de division dans la société: elles donnent le cadre même dans lequel se déroule la lutte contre l’oppression.
Bien entendu, les lignes d’oppression ne sont pas identiques aux lignes de classe. D’une part, l’oppression des femmes, par exemple, est également reproduite au sein de la classe ouvrière par le sexisme ou la violence. D’autre part, l’oppression des femmes ne concerne pas seulement les femmes de la classe ouvrière, mais les femmes de toutes les classes, tout comme l’impérialisme ou le racisme concernent toutes les classes d’une nation opprimée.
Mais les conditions dans lesquelles vivent les hommes des différentes classes sont très différentes – et donc aussi leurs intérêts objectifs, leurs objectifs et leurs méthodes de lutte.
D’un côté, les hommes de la classe ouvrière n’ont objectivement aucun intérêt à l’oppression des femmes, peu importe ce qu’ils peuvent s’imaginer. Tout comme les femmes prolétaires, ils ont intérêt à améliorer leurs conditions de vie et de travail. C’est pourquoi ils peuvent et doivent être unis sur la base de leurs intérêts de classe communs. Le sexisme et l’oppression des femmes ne font que nuire aux travailleurs masculins eux-mêmes.
D’un autre côté, les femmes de la classe dominante n’ont absolument aucun intérêt à renverser la société de classe. Elles en profitent au contraire. Les femmes bourgeoises et petites-bourgeoises ont toujours lutté en premier lieu pour l’égalité juridique et pour leurs propres «carrières». En tant que marxistes, nous soutenons toute lutte pour l’égalité des droits et des libertés.
Mais la lutte des femmes prolétaires, c’est-à-dire de la grande majorité, ne peut pas s’arrêter à de tels changements juridiques. Un droit sur le papier n’a guère d’importance si l’on n’a pas les moyens matériels d’en faire usage. Qu’est-ce qui améliore réellement la position de la femme travailleuse dans la société? Qu’est-ce qui réduit sa dépendance vis-à-vis de l’homme? Ce sont des salaires plus élevés, la sécurité de l’emploi, le retrait des mesures d’austérité, un système de santé gratuit, un congé parental plus long, des crèches, un logement abordable, etc.
Mais ce sont toutes des questions de classe! La classe capitaliste n’est absolument pas disposée à assumer ces coûts et à réduire ainsi ses profits. Et c’est précisément le point crucial. Dès qu’il s’agit de telles améliorations matérielles tangibles, qui améliorent réellement les conditions de vie de la majorité prolétaire des femmes, ou dès que la lutte est menée avec les méthodes prolétariennes de mouvements de masse, de grèves, d’occupations d’usines, les femmes bourgeoises ne veulent très vite plus entendre parler de lutte commune avec d’autres femmes. Elles dévoilent leur vrai visage et montrent de quel côté elles se trouvent: du côté de leur classe – pas du côté de la majorité des femmes de la classe ouvrière.
Dans les questions et les moments décisifs de la lutte, les intérêts de classe sont déterminants et l’emportent toujours sur l’appartenance à un groupe opprimé.
C’est pourquoi nous n’avons pas la moindre confiance dans les femmes bourgeoises et petites-bourgeoises pour lutter contre l’oppression des femmes ! Nous soutenons toutes les revendications pour les droits démocratiques, contre le sexisme, la violence envers les femmes et toutes les questions qui concernent toutes les femmes. Mais nous ne sommes jamais prêts à soumettre le mouvement des femmes à la direction des femmes bourgeoises et petites-bourgeoises et à leurs méthodes comme les politiques identitaires.
Politique de classe vs. politiques identitaires
La lutte contre l’oppression ne peut être victorieuse que si elle est menée avec le programme et les méthodes du mouvement ouvrier socialiste. C’est précisément dans ce sens que nous affirmons avec pleine conviction: La lutte contre l’oppression est toujours subordonnée à la question de classe.
Cette « subordination » ne signifie pas un mépris pour les préoccupations des groupes spécifiquement opprimés. Bien au contraire! Ce n’est qu’en considérant l’oppression des femmes comme une partie de ce tout plus grand qu’est la société de classe que nous prenons vraiment au sérieux la lutte contre l’oppression des femmes et que nous sommes capables de la mener.
Qu’on le veuille ou non, la vérité est que les femmes ne peuvent pas se libérer en tant que femmes, les Noirs en tant que Noirs, les LGBT en tant que LGBT – mais seulement en tant que partie de la classe ouvrière dans la lutte commune contre le capitalisme, pour le socialisme.
En revanche, considérer l’oppression spécifique dissociée de la question de classe, ou placer l’identité au-dessus de la classe, mène directement à l’impasse irrémédiable des politiques identitaires.
Prenons l’exemple de la violence envers les femmes. En tant que marxistes, nous ne nions pas une seconde que les femmes sont battues par les hommes – y compris au sein de la famille ouvrière. Mais si nous ignorons simplement le contexte plus large de la société de classe, il ne reste forcément rien d’autre que ce constat: c’est un conflit entre la femme opprimée et l’homme oppresseur, l’homme contre la femme.
Mais le fondement de l’oppression des femmes se trouve dans les conditions sociales en dehors des relations entre les sexes: ce sont la pauvreté, la concurrence, l’exploitation et la surcharge des conditions capitalistes qui créent un climat foncièrement hostile aux humains et des relations interpersonnelles toxiques. Les hommes et les femmes de la classe ouvrière ont un intérêt commun à lutter contre ces conditions misérables. Ce sont les capitalistes qui veulent maintenir ces conditions afin de continuer à faire des profits.
Le problème fondamental de toutes les questions des politiques d’identité est en fin de compte le suivant: En abordant l’oppression du point de vue de l’expérience subjective, la base de classe objective de toutes les formes d’oppression est systématiquement ignorée. La conséquence inévitable est que les lignes de conflit dans la société sont mal tracées.
Au lieu de tracer la ligne de conflit entre la classe dirigeante capitaliste et la classe ouvrière exploitée dans toute sa diversité, ils tracent la ligne de conflit entre différentes identités. Au lieu de mettre l’accent sur ce qui unit la classe ouvrière dans sa lutte contre les dominants, ils mettent l’accent, en se focalisant sur l’identité, sur ce qui nous différencie les uns des autres.
Les conséquences de cette approche sont absolument désastreuses pour la lutte contre l’oppression, comme nous allons l’expliquer: Premièrement, cela détourne l’attention de qui profite réellement de l’oppression et contre qui nous devons lutter: les capitalistes et leur système. Au lieu de cela, le conflit est dirigé vers la voie d’une politique symbolique totalement superficielle, qui en plus donne à la classe dominante la possibilité de se donner une apparence progressiste. Deuxièmement, la seule force qui peut réellement lutter contre l’oppression est divisée selon des lignes d’identité: la classe ouvrière.
La « représentation »: un détournement de la lutte réelle
Si la base de classe est ignorée, alors aucune lutte efficace ne peut être menée contre la base matérielle de l’oppression. Et si aucune lutte efficace ne peut être menée contre la base matérielle, alors il ne reste nécessairement que des politiques symboliques totalement superficielles et inutiles.
Ainsi, au lieu de lutter pour des améliorations matérielles, le groupe opprimé doit simplement être « représenté ». En conséquence, ils exigent des quotas basés sur l’appartenance à un certain groupe pour que les groupes opprimés soient représentés, ou un « langage épicène » pour rendre les opprimés « visibles » dans le langage.
La vérité est que ce n’est pas une lutte contre l’oppression du tout. Représenter simplement les opprimés est tout simplement un autre objectif que de lutter réellement contre l’oppression. Croire qu’il s’agit d’un moyen de lutter contre l’oppression, c’est inverser la réalité: les groupes opprimés ne sont pas opprimés parce qu’ils sont sous-représentés ou invisibles. Ils sont sous-représentés parce qu’ils sont opprimés! Les conditions de vie des opprimés ne sont même pas touchées lorsque le genre, la couleur de peau ou la sexualité d’une personne change dans une quelconque position (ou dans le langage).
Lorsque les manifestations « Black Lives Matter » contre les violences policières à l’encontre des Noirs ont éclaté pour la première fois aux États-Unis, de nombreux militants ont réclamé l’embauche de plus de policiers noirs et féminins. Près de dix ans se sont écoulés depuis lors. Dans de nombreux lieux, cette demande a été réalisée. Avec quel résultat? Les cinq policiers qui ont brutalement assassiné l’Afro-Américain Tyre Nichols il y a quelques semaines sont tous noirs. La directrice du département de police en charge est une femme noire.
Non seulement de tels « changements » ne font nullement trembler le système d’oppression des dominants, mais ils sont nuisibles à la lutte! Premièrement, ils détournent l’attention du véritable ennemi et du caractère de classe des institutions capitalistes. En l’occurrence: elles ont détourné l’attention du fait que la police, en tant qu’institution, est nécessairement raciste, parce que sa fonction est de maintenir les rapports d’exploitation et d’oppression capitalistes. Ils alimentent l’illusion que les choses changeraient si seuls les groupes opprimés étaient « représentés ».
Deuxièmement, ils donnent ainsi à la classe dirigeante la possibilité de se présenter comme progressiste sans devoir faire la moindre concession réelle pour améliorer les conditions de vie des opprimés! Les banques et les grandes entreprises font de la publicité avec des personnes souriantes de différents sexes et couleurs de peau, utilisent un langage épicène et accrochent des drapeaux arc-en-ciel. Le gouvernement capitaliste de Joe Biden se vante de sa « diversité » – alors qu’il est à la tête de l’État capitaliste le plus réactionnaire de la planète, qui réduit les masses à la misère dans le monde entier.
Ce dont nous avons besoin, ce n’est pas d’une «représentation» des différentes identités au sein des institutions qui maintiennent le système qui produit quotidiennement les conditions de l’oppression. Ce dont nous avons besoin, c’est de lutter contre ces conditions et contre les institutions capitalistes! Ce dont nous avons besoin, c’est de plus de personnes qui font partie d’une organisation révolutionnaire qui a un programme de fond sur la manière de lutter contre l’oppression – et qui le fait en pratique!
« Privilèges »: la division de la classe ouvrière
Parmi les représentants des politiques identitaires, il y a bien sûr une couche plus radicale et anti-capitaliste. Pour elle, il est déjà clair que nous ne devrions pas exiger une représentation dans les conseils d’administration des entreprises ou dans les gouvernements capitalistes.
Mais eux aussi adoptent exactement la même logique de représentation: au sein du mouvement contre l’oppression, les directions doivent être composées d’individus opprimés. L’identité est placée au-dessus du programme et de la question de savoir comment lutter contre l’oppression. Toute personne souffrant d’une certaine oppression est automatiquement déclarée progressiste, quel que soit le programme qu’elle défend. En revanche, toute personne qui veut s’engager dans la lutte contre l’oppression et assumer des responsabilités, mais qui n’a pas le bon genre ou la bonne couleur de peau, est confrontée à un shitstorm.
Nous voyons le caractère divisif de cette logique de manière flagrante dans les parties du mouvement féministe qui excluent les hommes cis de leurs événements et de leurs manifestations. Au lieu d’expliquer aux hommes cis de la classe ouvrière qu’ils ont un intérêt commun avec les femmes de leur classe et que la misogynie ne fait que leur nuire, on leur fait comprendre: « Vous n’avez pas de place ni de voix dans notre lutte, car vous ne pourrez de toute façon jamais comprendre l’oppression des femmes (ou vous en êtes même responsables) ». Au lieu de créer l’unité de la classe ouvrière dans la lutte, les politiques identitaires poussent une partie de la classe à la passivité.
En tant que marxistes, nous disons: Nous avons besoin de la lutte active de toute la classe ouvrière. Ce qui est important, c’est la position idéologique de la personne: si elle se place du côté de la classe ouvrière et s’engage dans la lutte contre l’oppression. Pour nous, les idées, et le point de vue de classe que ces idées représentent, sont toujours au-dessus de l’identité.
Le caractère divisif des politiques identitaires est d’autant plus évident dans la conception de ce que l’on appelle les « privilèges ». Nous l’avons déjà expliqué: lorsque la base de classe est ignorée, la ligne de conflit doit inévitablement être tracée entre différentes parties de la classe ouvrière. En réduisant l’oppression à l’expérience subjective, tous ceux qui ne font pas eux-mêmes l’expérience d’une certaine oppression sont nécessairement «privilégiés» et bénéficient de cette oppression. Dans cette logique, l’ensemble des membres de la classe ouvrière deviennent, à des degrés divers, des oppresseurs.
Non seulement c’est complètement faux d’un point de vue analytique, mais c’est surtout extrêmement nocif pour la lutte. Les «hommes blancs cis» de la classe ouvrière ne sont pas privilégiés. Ce n’est pas un « privilège » si, en plus de sa misérable existence dans l’esclavage salarial, un homme salarié ne subit pas en plus une oppression de genre, une oppression ethnique ou une oppression sexuelle! Un homme salarié ne profite pas du fait que les femmes salariées sont exploitées encore plus durement. La surexploitation et l’oppression supplémentaire de certaines couches de la classe ouvrière sont au contraire le moyen pour la classe dirigeante de nous maintenir tous en bas et de faire pression sur les conditions de vie de tous. Les seuls à en profiter sont les membres de la classe dirigeante capitaliste!
Au lieu de montrer qu’il est dans l’intérêt de toute la classe ouvrière de s’unir contre les capitalistes, les représentants des politiques identitaires expliquent aux « hommes blancs cis » que c’est de leur faute si d’autres sont encore plus mal lotis. C’est la plus grande aide aux capitalistes que l’on puisse imaginer: alors que différentes parties opprimées de la classe ouvrière se culpabilisent mutuellement, les capitalistes s’en tirent à bon compte. Ils regardent tranquillement, en souriant, la classe ouvrière s’entretuer.
Comment les marxistes luttent et pour quoi
La classe ouvrière est la seule force capable de renverser le capitalisme et donc la base du maintien de toute oppression. C’est pourquoi les marxistes mènent la lutte contre l’oppression du point de vue de la classe ouvrière dans son ensemble.
Nous soulignons toujours et partout que l’ensemble de la classe ouvrière a objectivement un intérêt commun à lutter contre les conditions de vie et de travail misérables du capitalisme.
Nous affirmons: progressiste est tout ce qui favorise l’unité de la classe ouvrière, augmente la conscience de sa force collective et son degré d’organisation. Réactionnaire est tout ce qui divise la classe ouvrière et obscurcit les lignes de classe.
Dans ce sens précis, absolument crucial, toute la politique identitaire n’est pas seulement inutile dans la lutte contre l’oppression. Elle est nuisible et réactionnaire parce qu’elle entrave la lutte de la classe ouvrière. Les politiques d’identité et la politique de classe sont incompatibles et directement opposées l’une à l’autre.
Nous construisons une organisation marxiste révolutionnaire qui combat le capitalisme. Dans cette tâche, nous nous fichons totalement du genre, de la couleur de peau, de l’origine ou de l’orientation sexuelle de quiconque. Dans nos rangs ont leur place tous ceux qui sont prêts à rompre avec les idées et la morale de la société de classe et à prendre le point de vue de la classe ouvrière dans la lutte contre le capitalisme. Et tous, sans exception, dans ces rangs, ont le devoir de comprendre la lutte contre toutes les formes d’oppression comme faisant partie de notre combat commun.
Seule une société socialiste peut mettre fin à l’oppression une fois pour toutes: Parce qu’il n’y aura plus de classe dominante qui, pour maintenir son système d’exploitation, a intérêt à diviser les opprimés pour les tenir à bas. Et parce qu’une économie socialiste planifiée pourra satisfaire sans problème tous les besoins fondamentaux de tous les êtres humains, qui maintiennent aujourd’hui les gens asservis. Ainsi, le fondement de la concurrence et de toutes les relations humaines empoisonnées qui nous dressent aujourd’hui les uns contre les autres sera supprimé. Un monde d‘être humains libres de l’oppression deviendra une réalité.
Voilà notre position. Nous sommes convaincus que c’est la meilleure et la plus forte que quiconque puisse offrir à l’ensemble de la classe ouvrière mondiale, aux quelque 3,8 milliards de femmes et à chacun des opprimés de la planète.
Mouvement ouvrier — de Martin Kohler, Bern — 10. 10. 2024