Concepts sophistiqués et grandes paroles: Je n’y comprends rien du tout. Qu’est ce que … ? Désormais, nous essayerons dans chaque édition d’expliquer de manière compréhensible un concept de la théorie marxiste.
L’émergence du prolétariat est le corollaire du nouveau mode de production que la bourgeoisie a instauré, le système capitaliste. Ce système, fondé sur la propriété privée des moyens de production, s’est vraiment assuré de son hégémonie sociale dès lors qu’il a imposé l’emploi salarié à son service comme le moyen principal – ou le seul – d’accès à l’argent pour les non-détenteurs de capitaux. On nomme « prolétarisation » le processus d’assujettissement de populations entières à une minorité bourgeoise possédant les conditions de leur reproduction matérielle. Les prolétaires sont généralement définis comme ceux qui ne possèdent comme seule richesse que leur force de travail. Cela ne veut pas pour autant dire qu’ils sont des miséreux sans aucune qualification, mais simplement qu’ils sont forcés, comme la majorité des gens, d’aller se vendre comme salarié sur le marché du travail. Voilà le noyau dur de toute condition prolétaire, sa vérité première. Peu importe que votre patron soit sympa ou que vous vous sentiez épanouis dans votre travail, ce qui demeure au fond est la nécessité d’aller s’employer quelque part et la relation de dépendance que nous avons vis-à-vis de notre employeur (ou des capitalistes en général). Ainsi, chaque entreprise privée est structurellement déterminée à jouer sur cette relation de dépendance pour mener un chantage soit à l’emploi, soit au salaire.
Je me rappelle avoir entendu l’économiste Bernard Friot affirmer : « Lorsqu’on dit que Mittal fait vivre 20›000 salariés, c’est faux : ce sont 20›000 salariés qui font vivre Mittal ! ». Friot sait pourtant bien que lorsque des capitalistes décident de fermer une usine ses employés se retrouvent subitement sur le carreau. Ce qu’il cherche à souligner ici est le deuxième rapport qu’entretiennent les prolétaires avec le capitalisme : le rapport d’exploitation. Les capitalistes se présenteraient bien comme des humanistes ou comme des héros sous prétexte qu’ils apporteraient prospérité et bonheur à la société. La vérité est que leur fonction est fondamentalement parasitaire : on pourrait très bien se passer d’eux et des profits (parfois invraisemblables) que le fait d’avoir investi ou de posséder des moyens de production autorise à planquer. Mais aujourd’hui encore la propriété privée de ces moyens reste la meilleure des licences bourgeoises pour s’approprier en toute mauvaise foi libérale le fruit du travail d’autrui. Puisque toute richesse ne peut provenir que du travail, tout profit ne peut provenir que du sous-paiement des travailleurs. Le capitaliste ne paie en effet que pour une force de travail et non pour la totalité de la valeur créée par cette force (le travailleur). La ponction alors opérée sur le travail, que Marx a appelée plus-value, est la marque de l’exploitation qui se cache derrière tout contrat de travail dans un cadre capitaliste. Ainsi on définit encore le prolétariat par la position qu’il occupe dans les rapports de production, celui du producteur spolié des fruits de son travail.
En dernier lieu, le prolétariat se définit par une subjectivité particulière, une conscience politique qui porte la lutte pour des structures émancipées du capitalisme. La condition prolétaire que nous avons décrite aux paragraphes précédents constitue assurément la base de fortes tensions sociales, ce qu’on appelle la lutte des classes. Il faut préciser que cette description a tenu tout spécialement à réduire cette condition à ses traits fondamentaux. Nous avons décrit ces derniers de manière objective, tels qu’ils sont conditionnés par les rapports de production capitalistes, et indépendamment des ressentis qu’ils suscitent (le sentiment subjectif d’aliénation par rapport aux moyens et aux produits de son travail) et des consciences politiques qu’ils pourraient contribuer à forger. Dans les faits, les travailleurs restent grandement divisés au sein du monde par la diversité de leurs intérêts, selon que ceux-ci s’éloignent ou se rapprochent de certaines classes bourgeoises, et cette diversité d’intérêts rencontre bien évidemment une multitude de subjectivités. Le combat des marxistes consiste à dissiper ce brouillard subjectif afin d’unir les consciences prolétaires contre les fondements de leur asservissement. La constitution du prolétariat en une classe révolutionnaire reste plus que jamais nécessaire.
Prolétaires de tous les pays, unissez-vous !
Benjamin J.
ASEMA Genève
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