Le 5 août dernier, l’administration Trump a franchi un nouveau palier dans son agression impérialiste contre le Venezuela, en lui imposant un embargo économique. La tentative de changement de régime dirigée contre le président Nicolas Maduro a, jusqu’à maintenant, lamentablement échoué. Dans l’incapacité d’utiliser des moyens militaires directs pour renverser le gouvernement vénézuélien et le remplacer par un gouvernement fantoche à sa botte, Washington a décidé de serrer encore plus l’étau financier autour d’une nation qui souffre déjà d’une situation économique catastrophique, que les précédentes sanctions n’ont fait qu’aggraver. Nous nous opposons avec détermination à cette nouvelle et scandaleuse agression impérialiste.
L’ordre exécutif, signé par Trump, gèle tous les actifs du gouvernement vénézuélien aux Etats-Unis et interdit toute transaction avec le Venezuela, à l’exception de celles explicitement autorisées ; c’est la première fois que de telles mesures sont prises dans le monde occidental depuis 30 ans. Comme John Bolton, conseiller en sécurité intérieure, l’a déclaré lors d’une conférence : « Cela a marché avec le Panama, avec le Nicaragua, cela marchera encore, et cela marchera avec le Venezuela et avec Cuba ! »
Jusqu’à maintenant, le changement de régime promu par Trump, avec le soutien total du président colombien Duque et du démagogue réactionnaire brésilien Bolsonaro, a échoué. L’autoproclamation comme président de Guaido, dirigeant de l’opposition et marionnette de Washington, le 24 janvier dernier, a lamentablement échoué à provoquer une scission dans l’armée. Les provocations menées aux frontières, le 23 février, sous le prétexte d’une soi-disant aide humanitaire, se sont transformées en une vaste farce. Le coup militaire bâclé, mené par Guaido le 30 avril, a tourné court au bout de quelques heures. Jusqu’à maintenant, les hauts gradés de l’armée sont restés fidèles au gouvernement élu de Maduro et il y a eu très peu de défections.
Bolton, Pompeo et Marco Rubio ont promis à Trump que le Venezuela serait un succès rapide de politique étrangère et, qui plus est, un succès salué par le puissant lobby réactionnaire cubain de Floride, ce qui permettrait à Trump de gagner de précieuses voix pour l’élection de 2020. Mais ça, c’était avant : il y a déjà deux mois, des rapports rapportaient que Trump avait l’impression d’avoir été trompé et qu’il « perdait de l’intérêt » envers le Venezuela.
Quelle est donc la raison de l’actuelle escalade des sanctions ? D’un côté, Trump a toujours besoin des voix des puissants réactionnaires cubains de Floride. Il faut noter que, lors de son discours à Lima, Bolton [Photo] a mentionné Cuba neuf fois en douze minutes, alors que le Venezuela était le sujet principal du sommet. Une autre raison est la mauvaise image renvoyée par l’incapacité de Washington à tenir ses promesses. Comme une intervention militaire a été totalement exclue (le Venezuela possède de puissantes défenses antiaériennes, les chefs de l’armée brésilienne s’opposent à une intervention armée et il n’y a pas vraiment la volonté, aux Etats-Unis, de s’engager dans une autre aventure militaire à l’étranger), la seule option restant à Washington consiste à renforcer les sanctions économiques, comme cela a été fait lundi 5 août.
Il nous faut rappeler que le Venezuela et les membres de son gouvernement ont déjà été l’objet de toute une série de sanctions, à commencer par un ordre exécutif signé par le président Obama en 2015. Ces sanctions ont empêché le gouvernement vénézuélien de renégocier sa dette étrangère aux Etats-Unis ; l’ont amputé de ressources et de fonds, rendant très difficile toute transaction dans des devises étrangères ; ont réduit l’importation de nourriture et de matériel de soins et, depuis février, ont permis de saisir les actifs de la compagnie pétrolière nationale PDVSA aux Etats-Unis, tout en arrêtant la totalité des échanges de PDVSA avec les Etats-Unis (exportation de pétrole et importation de produits nécessaires pour raffiner le pétrole extra-lourd du pays).
Ces sanctions ont frappé le gouvernement vénézuélien et ont diminué sa capacité de fonctionnement, mais les principales victimes en ont été les travailleurs vénézuéliens ordinaires ; ce sera de nouveau le cas avec cette nouvelle escalade de sanctions. Plutôt que de les dresser contre le gouvernement, cela ne fera qu’augmenter leur résilience anti-impérialiste.
En réalité, il n’est même pas sûr que l’embargo fasse tomber le gouvernement de Nicolas Maduro. Les rodomontades de Bolton – « cela a marché au Nicaragua, cela a marché au Panama » – sont fausses. Au Panama, c’est l’invasion des Etats-Unis qui a « fait le travail », et au Nicaragua l’étranglement économique s’est accompagné d’une intervention militaire menée par les impitoyables gangs financés et armés par les Etats-Unis. Rien de tout ceci n’est prévu pour le Venezuela, du moins jusqu’à maintenant ; par ailleurs, l’histoire de la révolution cubaine a montré combien un embargo économique est inefficace.
Tant que la Russie, la Chine et d’autres (Turquie, Inde), continueront de commercer avec le Venezuela, l’embargo aura certes un effet sérieux et dévastateur, mais peu de chances – seul – de faire tomber Maduro.
Dans son discours de Lima, Bolton a lancé un avertissement à ces pays : « Nous envoyons un signal à des tierces parties qui voudraient faire des affaires avec le régime de Maduro : faites extrêmement attention », ajoutant qu’elles « risque[raient] [leurs] affaires avec les Etats-Unis ».
Cette nouvelle escalade a lieu en même temps que des discussions entre le gouvernement vénézuélien et l’opposition réactionnaire, qui se sont d’abord tenues en Norvège puis à La Barbade (aux Caraïbes). L’une des raisons de cet embargo pourrait être de vouloir forcer Maduro à faire des concessions à la table des négociations. Trump est connu pour proférer de grandes menaces et faire pression afin de prendre l’avantage lors de négociations avec ses adversaires. L’autre possibilité est que Washington cherche à détruire le processus de négociation de La Barbade, comme il l’a fait avec les précédentes discussions de 2018, en République Dominicaine.
Pendant ce temps, au Venezuela, le gouvernement a fait de très nombreux pas vers la mise en œuvre des mesures économiques demandées par la classe dirigeante. Tous les contrôles (sur les devises étrangères, sur les prix) ont été supprimés. Le gouvernement a mis en place une réduction brutale de la liquidité, qui a permis de contenir partiellement l’hyperinflation, mais a dégradé encore plus profondément le pouvoir d’achat des Vénézuéliens [1]. En parallèle, la répression s’intensifie envers les militants et les mouvements chavistes de base et de la gauche.
Le traitement réservé à la marche des paysans vers Caracas, le 6 août, en est un bon indicateur. Il y a un an, ils avaient été reçus par le président, qui leur avait promis la lune. Ces promesses n’ont pas été tenues, et maintenant que les paysans reviennent à Caracas pour réclamer ce sur quoi il y avait eu accord, ils font face à un double cordon de police les empêchant de s’approcher du palais de Miraflores. Pendant ce temps, le ministre de l’Agriculture parle d’alliance avec la « bourgeoisie patriotique » et remet des secteurs agricoles publics au secteur privé.
La seule façon sérieuse de répondre à ces sanctions scandaleuses et à l’embargo serait d’exproprier, sans compensation, tous les actifs des multinationales américaines au Venezuela, d’arrêter et de juger tous les fomenteurs de coup d’Etat (Guaido inclus qui, malgré ses tentatives de coup d’Etat, est toujours en liberté), de nationaliser sous le contrôle des salariés les entreprises de tous les putschistes et de placer tout le pouvoir dans les mains des travailleurs. Malheureusement, depuis janvier, lorsque la tentative de changement de régime a commencé, rien de tout ceci n’a été fait. Pire, la politique gouvernementale semble aller complètement à l’opposé : tout en prenant des mesures pour rester au pouvoir, le gouvernement fait des concessions toujours plus grandes à la classe capitaliste dans le domaine économique et utilise l’appareil d’Etat pour freiner l’aile chaviste et les travailleurs organisés.
Il faut s’opposer à l’embargo et à l’agression impérialiste. Le renversement de Maduro par Trump serait un désastre sans précédent pour les travailleurs et les paysans du Venezuela, et au-delà. Néanmoins, il est de notre devoir de souligner que les politiques du gouvernement de Maduro sont en train de miner sérieusement la Révolution bolivarienne ; elles vont à son encontre et préparent la voie à un désastre. Il faut construire une alternative révolutionnaire, venant des paysans et des travailleurs en lutte, dont ceux qui ont marché sur Caracas le mardi 6 août dernier. Une telle alternative doit être construite à partir d’une lutte contre l’agression impérialiste, par des moyens révolutionnaires.
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