Le gouvernement grec a répondu aux exigences de la troïka par de nouvelles propositions, en fait de nouvelles concessions. Non seulement il a dû renoncer à des éléments substantiels de son programme électoral, mais les fameuses « lignes rouges » ont été franchies.

Une « négociation » est censée aboutir à un compromis entre les points de vue des deux parties. Or, nous avons ici affaire à toute autre chose. Le gouvernement grec a fini par accepter toutes les exigences de la troïka. La dernière « proposition » grecque prévoit 8 milliards d’euros de mesures d’austérité sur deux ans [1].

La TVA de différents biens et services sera augmentée ; le régime spécial des îles dans ce domaine sera abrogé. Ceci est censé dégager 2 milliards d’euros supplémentaires. Rappelons que la TVA est un impôt injuste qui frappe le plus fortement les plus pauvres.

Le gouvernement propose également 1,5 milliard d’économies sur les dépenses de santé – entre autres – des retraités. Par ailleurs, les régimes spéciaux des retraites seront graduellement abrogés et l’âge du départ à la retraite porté à 67 ans d’ici 2025. C’est une nouvelle « ligne rouge » de franchie, alors que les retraites ont déjà baissé en moyenne de 48 %, ces quatre dernières années.

Des mesures fiscales visant les entreprises sont censées rapporter 1,7 milliard d’euros, dont 410 millions d’impôts sur les sociétés dès l’année prochaine, ainsi que 1,3 milliard de recettes attendues d’une taxe exceptionnelle sur les entreprises générant plus d’un million d’euros de profits. Ce sont bien là les seules mesures fiscales progressistes avancées par le gouvernement.

Il propose également de maintenir une taxe foncière injuste (l’ENFIA) — introduite dans le cadre du Mémorandum — et de poursuivre les privatisations engagées. Or, l’arrêt des privatisations et l’abrogation de l’ENFIA constituaient deux points clés du « programme de Thessalonique » (le programme électoral de Syriza).

Cinq mois après les élections, il ne reste plus grand-chose du mandat reçu par Syriza pour mettre un terme aux politiques d’austérité et abroger le Mémorandum signé par les précédents gouvernements. Même du point de vue des partisans de la tactique de négociation du gouvernement, une question se pose : à quoi bon avoir attendu tout ce temps pour, au final, accepter les demandes de la troïka ? A quoi bon avoir commandé un rapport officiel sur la dette publique, lequel rapport a été présenté la semaine dernière au Parlement par Zoe Konstantopoulo et conclut que la dette publique est « odieuse, illégitime et illégale » ?

Voici ce que dit ce document officiel : « Les éléments que nous présentons dans ce rapport prouvent non seulement que la Grèce n’a pas les moyens de payer cette dette, mais qu’en outre elle ne devrait pas la payer, d’abord et avant tout parce que cette dette, consécutive à la politique de la troïka, est une atteinte directe aux droits humains fondamentaux des résidents grecs. Aussi, nous en concluons que la Grèce ne doit pas payer cette dette parce qu’elle est illégale, illégitime et odieuse ». Or désormais, le gouvernement s’engage à de nouvelles mesures d’austérité dans le but précisément de continuer à payer cette dette.

Comme de nombreux observateurs l’ont relevé, ces mesures d’austérité auront un impact récessionniste sur l’économie grecque. En conséquence, les objectifs de déficits budgétaires primaires imposés par la troïka seront probablement inatteignables. Il s’agit donc d’une continuation des politiques menées ces cinq dernières années. Elle aura les mêmes conséquences désastreuses.

Malgré toutes ces concessions imposées par la troïka, au moyen d’un chantage et de pressions extrêmes, il n’y a toujours pas d’accord. Une dernière réunion de l’Eurogroupe a été convoquée pour en finaliser les derniers détails. Il est toujours possible qu’il soit demandé au gouvernement grec encore plus d’« engagements » (comprendre : de concessions). Par exemple, le Vice-chancelier allemand Sigmar Gabriel a déclaré : « Nous allons voir si les propositions grecques sont suffisantes. Sinon, il faudra poursuivre les discussions. »

L’accord proposé implique que la Grèce resterait enchaînée aux politiques de coupes et d’austérité. Désormais, la question est : comment la société va-t-elle réagir ? Les grandes attentes générées par la victoire électorale de Syriza se sont progressivement dissipées au cours de ces cinq derniers mois de négociations, aboutissant sans cesse à de nouvelles concessions.

Une manifestation des retraités est prévue. Le PAME – le front syndical du KKE – organise aussi une manifestation. Il existe également une opposition à l’intérieur de Syriza. Les ministres de la « Plateforme de gauche » vont devoir choisir entre deux options : 1) s’opposer aux mesures d’austérité et, en conséquence, se faire limoger du gouvernement ; 2) trahir leur engagement à ne pas soutenir des politiques d’austérité.

Stathis Kouvelakis, membre du Comité Central de Syriza et partisan de la « Plateforme de gauche », a déclaré : « la liste de mesures de ce nouveau paquet d’austérité est absolument déprimante… Ce cercle vicieux doit être brisé avant qu’il ne soit trop tard ! Il est grand temps que les mouvements sociaux et les forces combatives de la gauche se réveillent et engagent la lutte ! »

Nos camarades de la « Tendance Communiste de Syriza » ont correctement caractérisé les dernières propositions du gouvernement comme un nouveau Mémorandum. Ils appellent « les députés, dirigeants, militants de Syriza – et de toutes les forces de gauche – à prendre clairement position et à résister à l’abandon du mandat populaire par la direction du parti. Les députés de Syriza doivent s’engager à voter contre cet accord ».

L’UE parle désormais d’un plan d’aide à la Grèce de 35 milliards d’euros, sans doute dans le but d’aider le gouvernement de Tsipras à faire passer la pilule.

Cet « accord » est le résultat de cinq mois de manœuvres, pressions, menaces et chantages de la part de la troïka, qui représente les banquiers et les grands capitalistes. Ceux-ci ne pouvaient pas permettre à Syriza de réaliser son programme électoral. Ce que cela signifie, au fond, c’est que dans les limites du système capitaliste, il n’y a pratiquement pas de marges de manœuvre pour une autre politique. Depuis l’adoption du programme de Thessalonique, la Tendance Communiste de Syriza a prévenu qu’il était fondé sur l’illusion que la troïka ferait des concessions [2].

Un virage complet est indispensable – et cela n’est possible que par une mobilisation massive des travailleurs grecs, aux côtés des militants de Syriza, contre le dernier « accord » imposé par la troïka. Mais il faut bien dire les choses telles qu’elles sont. Les conditions d’une telle mobilisation sont beaucoup moins bonnes aujourd’hui qu’il y a cinq mois. A l’époque, le gouvernement bénéficiait de 80 % d’opinion favorable ; il y avait des manifestations de masse spontanées. A présent, l’humeur est à la confusion et à la colère. Le soutien du peuple au gouvernement s’est lentement évaporé. Il y a même eu des manifestations antigouvernementales d’une certaine taille, ces derniers jours, place Syntagma – ce qui était impensable il y a quelques mois à peine.

Le seul moyen de mobiliser avec succès les travailleurs, chômeurs, jeunes et retraités grecs, c’est de défendre une alternative claire aux politiques d’austérité. Ce n’est possible que sur la base d’un programme comprenant la répudiation immédiate de la dette, la nationalisation des banques et des principaux leviers de l’économie, l’abrogation de toutes les mesures d’austérité et la mise en œuvre de mesures d’urgence dans les domaines du logement, de la santé, de l’éducation et des autres besoins fondamentaux de la population – un programme socialiste. La seule façon de rompre avec les coupes et l’austérité, c’est de rompre avec le capitalisme.


[1]  Summary Of Measures

[2] Voir les articles de la Tendance Communiste de Syriza :
« Syriza a besoin d’un programme socialiste » – Intervention au Comité Central de Syriza(19/01/2015)
« Rester ferme – Aucune concession à la Troïka » – Déclaration de nos camarades grecs(11/02/2015)
Comité Central de Syriza – Intervention de la « Tendance Communiste » (5/03/2015)