Mais rien ne s’est passé comme « prévu ». La robotique et arrogante Theresa May a mené une campagne calamiteuse. En annonçant trop franchement son programme réactionnaire, elle s’est même aliéné une partie de l’électorat conservateur traditionnel. Pendant ce temps, Jérémy Corbyn menait une campagne énergique, multipliant les meetings de masse. Le nouveau Manifeste du Labour, sur lequel s’appuyait Corbyn, est le document programmatique le plus radical de ce parti depuis les années 50. Il prévoit la renationalisation du Royal Mail (La Poste), du système ferroviaire et d’autres services. Il propose d’investir massivement dans la santé publique, l’éducation – et d’en finir avec les politiques d’austérité. Ce programme a rencontré un puissant écho chez les pauvres, les jeunes et les travailleurs britanniques. 71 % des 18-24 ans ont voté pour les candidats travaillistes ! Et 72 % des jeunes ont participé au scrutin : du jamais vu depuis 1987.
Résultat : les Conservateurs ont perdu 13 sièges (de 331 à 318) et le Labour en a gagné 29 (de 233 à 262). Les Conservateurs perdent leur majorité absolue au Parlement. Theresa May s’accroche à son poste et tente de constituer une coalition avec le Democratic Unionist Partyirlandais (droite), qui compte 10 députés. Mais un tel gouvernement serait d’emblée fragile et pourrait tomber rapidement sous la pression de la rue. En outre, certains dirigeants conservateurs de premier plan seront tentés de régler leurs comptes avec Theresa May, qu’ils jugent personnellement responsable de leur défaite. Huit ministres ont été battus, jeudi dernier.
Corbyn renforcé
Même si le Labour n’est pas majoritaire au Parlement, Jérémy Corbyn est le grand vainqueur de l’élection. Il en sort énormément renforcé. Le Labour a recueilli 40 % des voix, soit 10 % de plus qu’en 2015, lorsque le parti était dirigé par Ed Miliband – et même 5 % de plus que Tony Blair en 2005. Or Jérémy Corbyn faisait face à l’hostilité des grands médias (qui ne lui ont épargné aucune calomnie), mais aussi au sabotage systématique des « blairistes », dont la grande majorité des députés du Labour.
Ironie de l’histoire, beaucoup de candidats de l’aile droite du Labour ont sauvé leur siège grâceau programme défendu par Corbyn – ce même programme qu’ils combattent et jugent « irresponsable » (ce qui est « responsable », selon eux, c’est de gérer le capitalisme en crise pour le compte de la bourgeoisie).
En conséquence, l’aile droite du Labour fait profil bas, dans l’immédiat. Mais cela ne durera pas. La droite du Labour ne renoncera pas à se débarrasser de Jérémy Corbyn. Comme la bourgeoisie britannique, les « blairistes » ont peur du programme de Corbyn, et plus exactement des masses qui soutiennent ce programme. Depuis le début de la campagne électorale, il y a deux mois, 100 000 personnes ont adhéré au Labour, ce qui porte ses effectifs à 600 000. Mais même ce chiffre impressionnant ne dit pas tout : les réserves sociales du Labour se comptent en millions, dans la jeunesse, dans les syndicats et dans la classe ouvrière en général.
Ces deux dernières années, Jérémy Corbyn a souvent recherché un compromis avec l’aile droite de son parti. Mais un tel compromis est impossible. Les « blairistes » doivent être battus. La grande majorité des militants du parti est à gauche ; elle soutient Corbyn. Il doit s’appuyer sur cette majorité pour préparer le parti à prendre le pouvoir sur la base d’un programme socialiste, qui vise à briser le pouvoir économique de la classe dirigeante. C’est le sens du mot d’ordre de nos camarades de Socialist Appeal, en Grande-Bretagne : « Défendre Corbyn ! Lutter pour le socialisme ! ».
Europe — de Emanuel Tomaselli, ICR Autriche — 16. 11. 2024
Amérique du nord — de la rédaction — 13. 11. 2024
Europe — de Jack Halinski-Fitzpatrick, marxist.com — 11. 11. 2024