Ecrit le 14 février 2024
Netanyahou porte sa guerre à un autre niveau. La voie sur laquelle il s’est engagé est inéluctable s’il veut rester au pouvoir. Pourtant, ses actions menacent de déstabiliser l’ensemble du Moyen-Orient, le risque d’une guerre généralisée devenant de plus en plus réel. La révolution guette également tous les régimes de la région, la colère des masses étant poussée à son paroxysme. Le prochain évènement tragique, le bombardement massif et l’invasion des terres de Rafah, pourrait en être le point de basculement.
Netanyahou a déclaré : « Nous allons le faire », tandis que les opérations militaires sont en préparation, « ceux qui disent que l’on ne doit, en aucun cas, entrer à Rafah sont fondamentalement en train de dire ‘perdez la guerre, laissez le Hamas ici’. » Pour son propre intérêt, il ne peut pas se permettre d’être considéré comme le perdant de Gaza.
Le moment choisi pour cette invasion est important. Les négociations pour un semblant de cessez-le-feu auraient prétendument fait des progrès, des délégués du Hamas se rendant aujourd’hui au Caire pour rencontrer des médiateurs égyptiens et qataris. La vie politique de Netanyahou étant en jeu (ainsi que sa liberté, compte tenu des différentes affaires de corruption à son encontre), il est dans ses intérêts de saboter toute solution pacifique. Voilà pour les accusations sionistes selon lesquelles le Hamas est le seul responsable de la prolongation inutile de la guerre en raison de son « refus de se rendre » !
Rafah est une ville hébergeant normalement aux alentours de 250 000 personnes. À l’heure actuelle, 1,5 millions de Palestiniens sont entassés là-bas dans des conditions intolérables. Un grand nombre d’entre eux habitent parqués dans des tentes, sous la menace perpétuelle d’un nouvel assaut. Beaucoup de ces pauvres gens ont fui, d’abord la ville de Gaza, ensuite Khan Younis, pour finir dos au mur contre la frontière égyptienne.
Les masses entassées à Rafah n’ont littéralement aucun endroit sûr où aller. Netanyahou, révélant son manque total d’humanité, son cynisme et sa haine absolue des Palestiniens, a suggéré qu’ils puissent retourner au nord : « Il y a plein d’espace là-bas ». Oui, plein de zones bombardées, plein de décombres. Deux options s’offrent à eux : fuir vers les plages ou essayer de remonter vers le nord.
Comme le Financial Times l’a rapporté mardi à propos d’une famille, celle de Thaer Mohamed, qui avait déjà été déplacée auparavant, avec sa famille de Khan Younis : « Nous essayons d’échapper à la mort, mais elle est tout autour de nous ». Sarah Nayef a exprimé le dilemme auquel sa famille est confrontée : « Ils ne nous ont laissé aucun endroit où fuir. La nuit où ils ont sauvé les otages, les missiles ont plu et j’ai cru que nous allions être tués ». Ils se préparent maintenant à s’installer sous une tente dans la zone côtière.
Les deux destinations impliquent le risque d’être la cible de tirs des forces israéliennes. Au moment où nous mettons sous presse, les FDI ont évacué de force des centaines de Palestiniens de l’hôpital Nasser de Khan Younis, dont au moins trois ont été abattus et dix blessés par des tireurs d’élite israéliens. Ceux qui parviendraient à se déplacer vers le nord devraient traverser des zones de guerre active et trouver des bâtiments détruits, sans infrastructure, sans eau ni électricité, avec la menace quotidienne d’être tués par des bombes et des mines qui n’ont pas explosé.
Il s’agit d’un cauchemar humanitaire d’une ampleur sans précédent. Le commissaire général de l’UNRWA, Philippe Lazzarini, a déclaré dimanche : « Une offensive militaire au milieu de ces personnes vulnérables et complètement exposées est la recette d’un désastre. Je n’ai plus les mots ». Alors que l’attaque principale n’a pas encore commencé, au moins 67 personnes ont été tuées à Rafah lors des premiers bombardements israéliens. À l’heure où j’écris ces lignes, les derniers chiffres font état d’au moins 28 473 Palestiniens tués depuis le 7 octobre et de 68 146 blessés. On parle maintenant de dizaines de milliers de morts supplémentaires si les FDI entrent dans Rafah.
Les FDI se vantent à présent d’avoir sauvé deux otages, ce dont Netanyahou se servira pour convaincre les Israéliens que sa stratégie fonctionne. Nous pouvons être sûrs qu’il ne fera pas trop de bruit sur le fait que beaucoup plus d’otages sont morts dans l’opération de bombardement.
Au cours de la mission de sauvetage, une immense puissance de feu a été déployée sur Rafah. On a assisté à des scènes horribles où des civils ordinaires couraient pour sauver leur vie, cherchant désespérément à s’abriter des bombes. Aujourd’hui, ils vivent dans la crainte constante que cela se reproduise bientôt à grande échelle dans toute la ville.
Les nerfs des impérialistes à vif
La perspective de scènes encore plus horribles, à un niveau encore plus élevé, regardées par des millions de travailleurs ordinaires à travers le Moyen-Orient, sans parler des milliards de personnes dans le monde, ébranle les nerfs des impérialistes occidentaux.
Cette réaction n’est toutefois pas due à des préoccupations humanitaires. Ils ont laissé mourir près de 30 000 Palestiniens aux mains de l’armée israélienne au cours des quatre derniers mois, refusant même d’appeler à un cessez-le-feu, tout en fournissant des armes et du matériel au gouvernement israélien.
Ces mêmes dames et messieurs ont également assisté à la mort de près de 400 000 personnes lors de la récente guerre au Yémen, dont plus de 150 000 ont été tuées dans les bombardements et 227 000 autres sont mortes en raison de la famine et du manque d’infrastructures de santé. Cette dévastation a été infligée au peuple yéménite par l’Arabie saoudite, armée et soutenue par l’impérialisme occidental, tout comme Israël.
Non, leurs préoccupations ne concernent pas la vie des Palestiniens. Ce qui les préoccupe, c’est la la déstabilisation croissante de la région, impliquant une réelle menace d’effondrement de certains régimes voisins.
Cela explique peut-être pourquoi les médias de masses occidentaux tels que la BBC ont pris conscience des terribles souffrances infligées à la population de Gaza. Ils viennent de publier un documentaire sur le premier mois de la guerre, qui décrit des scènes telles que les ambulances prises pour cible par les FDI alors qu’elles partent secourir des blessés.
Bien sûr, dans l’émission BBC News diffusée mardi, ils ont ajouté un commentaire officiel des FDI selon lequel elles ne prennent pas pour cible le personnel médical ! Ils doivent toujours accorder au gouvernement israélien et aux FDI le droit d’exprimer leur point de vue et de « corriger » toute information susceptible de nuire à leur image.
Aucun droit de ce type n’est accordé aux Palestiniens, ni à quiconque faisant campagne en solidarité avec eux. Au contraire, chaque fois que le nombre de décès quotidiens est annoncé, les médias se sentent obligés d’ajouter « selon le Ministère de la Santé dirigé par le Hamas », comme pour laisser entendre qu’ils pourraient exagérer les chiffres. Il ne fait aucun doute qu’il s’agit d’apaiser les ambassades israéliennes locales, toujours prêtes à bondir sur toute déclaration qu’elles estiment pouvoir être interprétée comme « antisémite ».
Néanmoins, le fait qu’ils fassent davantage état des souffrances des civils ordinaires et qu’ils exposent au moins une partie du comportement brutal des FDI pendant la guerre indique qu’ils tentent d’exercer une certaine pression sur le gouvernement Netanyahou pour qu’il accepte un cessez-le-feu temporaire. Le problème est que Netanyahou a son propre agenda.
Les médias sionistes en Israël étouffent tout reportage sur les effets réels des bombardements israéliens sur Gaza et construisent pour leur public une vision de l’ensemble de la population palestinienne comme une menace pour leur sécurité. Un de leur objectif est de déshumaniser les Palestiniens, première étape pour préparer le terrain afin de les massacrer comme des animaux.
L’ironie tragique est que ce type de déshumanisation et de massacre est précisément ce que des millions de Juifs ont subi aux mains des nazis. Hitler a qualifié la présence juive en Allemagne de « tuberculose raciale des peuples », c’est-à-dire de maladie à éradiquer. La propagande nazie a dépeint les Juifs comme des créatures « sous-humaines ».
Il y a deux jours à peine, le ministre israélien de la sécurité nationale, Ben-Gvir, a qualifié les femmes et les enfants palestiniens de « terroristes » : « Nous ne pouvons pas tolérer que des femmes et des enfants s’approchent de la frontière (…) quiconque s’en approche doit recevoir une balle [dans la tête]. »
L’ambiance en Israël
Le Financial Times a récemment publié un article intitulé « War on Hamas unites Israelis in quest for ‘total victory’ » (12 février 2024), qui explique que « (…) les immenses souffrances à Gaza ont à peine été évoquées dans les médias israéliens, et qu’au lieu de cela, le débat national reste accaparé par le traumatisme d’une journée que les responsables israéliens décrivent comme la plus meurtrière pour les juifs depuis l’Holocauste ».
Les juifs ordinaires craignent véritablement qu’un nouvel Holocauste soit possible. Après tout, ce qui semblait inimaginable s’est produit sous le régime nazi. Netanyahou a intérêt à entretenir ce climat. En fait, les sionistes présentent les Arabes comme des nazis des temps modernes, prêts à détruire les Juifs. C’est ce discours alarmiste qui permet à Netanyahou de survivre politiquement, même si tous les sondages montrent qu’il perdrait massivement toute élection si elle était organisée prochainement.
L’état d’esprit qui règne en Israël est donc très différent de celui qui règne dans la région. Dans les pays arabes environnants, l’effusion de sang est diffusée tous les jours. Al Jazeera a rendu compte sur place de toutes les souffrances de la population de Gaza. La colère et le dégoût généralisés, ainsi que l’instinct naturel de solidarité envers les Palestiniens, sont la conséquence logique de tout cela.
Il s’agit de deux mondes très différents. Le sous-titre de l’article du Financial Times affirme que : « (…) les sondages suggèrent que la majorité de la population [en Israël] est engagée dans la bataille pour vaincre les résistants et restituer les otages ». Le même article cite Tamar Hermann, chercheur principal à l’Institut israélien de la démocratie : « Il est certain que la majeure partie du public juif israélien n’est pas favorable au retrait de Gaza. La guerre est perçue en Israël comme une guerre de nécessité ». Loin de chercher une désescalade, l’article souligne que : « (…) plutôt que de mettre fin à la guerre à Gaza, de nombreux Israéliens pensent que l’État devrait intensifier ses efforts sur un autre front : la frontière nord avec le Liban. »
La logique derrière cette vision est la crainte qu’un jour, le Hezbollah ne lance une attaque bien plus importante que celle menée par le Hamas. L’état d’esprit est donc de vouloir « finir le travail ». Israël et le Hezbollah ont déjà échangé des tirs depuis le 7 octobre. Alors que la plupart des roquettes du Hezbollah sont interceptées par le système de défense israélien Iron Dome, une frappe sur Safed, dans le nord d’Israël, a tué et blessé plusieurs soldats aujourd’hui. Les Israéliens ont immédiatement riposté par des frappes aériennes dans le sud du Liban. Le danger d’un conflit généralisé est implicite dans la situation au fur et à mesure que ces affrontements s’intensifient.
Alors que les médias bourgeois occidentaux s’irritent de l’utilisation du terme « génocide », de nombreux membres de la droite israélienne proclament que c’est précisément leur objectif. Une brève lecture des commentaires sur les réseaux sociaux ou des messages en réponse à des articles de presse, révèle un côté très sombre de la société israélienne.
Ce qu’il faut comprendre, c’est qu’au cours des dernières décennies, la société israélienne s’est progressivement rapprochée de la droite. Ce qui était perçu comme la « gauche » a été discrédité aux yeux des Juifs en Israël. Cette évolution s’inscrit dans le cadre du discrédit général de la soi-disant « gauche » dans le monde, où les partis travaillistes, les partis socialistes et la social-démocratie en général ont participé à la destruction des réformes sociales qu’ils avaient eux-mêmes mises en place dans le passé, en plein essor d’après-guerre. Cela a conduit à la situation actuelle où, aux yeux de nombreux travailleurs, ils ne se distinguent plus des partis conservateurs.
Il est loin le temps où le Mapai (qui s’est ensuite dissous et a été intégré au parti travailliste israélien) menait des réformes sociales, y compris l’accès quasi gratuit aux aides, au logement et aux services sociaux et de santé pour les Israéliens juifs. Au cours des premières décennies de son existence, une grande partie de l’économie israélienne appartenait à l’État ou était gérée avec l’aide de l’État. Le fait que le « syndicat » Histadrut ait été pendant longtemps le plus gros employeur après l’État en est le reflet.
Toutes les ressources appartenant à l’État ont ensuite été privatisées. Sous les gouvernements travaillistes et du Likoud, l’ancien État-providence israélien a été progressivement démantelé, avec un transfert massif de ressources du secteur public vers certains des investisseurs les plus riches du pays. À un moment donné, après les élections de 1984, les travaillistes ont même rejoint un gouvernement d’unité nationale avec le Likoud, ce qui a encore érodé leur popularité auprès de leur électorat traditionnel.
Cette situation a créé un scénario dans lequel une partie importante de la population, en particulier les couches les plus pauvres, s’est sentie abandonnée par les politiciens traditionnels. C’est sur ce terrain que nous avons d’abord assisté à un basculement vers le Likoud, puis que les éléments d’extrême droite ont pu consolider leur emprise sur une partie de la société.
S’il a pu y avoir des divergences sur les réformes sociales, il n’y a pas eu de différences substantielles sur la question palestinienne. Des dirigeants comme David Ben-Gourion, Golda Meir, Shimon Peres, Itzhak Rabin, etc. étaient tout aussi responsables, sinon plus, que la « droite » sioniste, de l’enracinement de l’oppression des Palestiniens dans les fondements mêmes de l’État israélien.
Dans ce processus, la « gauche » sioniste a tout simplement été réduite à néant par la période de déclin du capitalisme mondial et la dynamique de l’occupation. Netanyahou a gagné en importance en apparaissant comme plus efficace dans l’approche belliciste, « œil pour œil » de l’occupation, et en soutenant la colonisation et les colons. La dernière démonstration d’impuissance des « libéraux » sionistes s’est manifestée au cours des nombreux mois de manifestations anti-Netanyahou, révélant l’étendue de leur aveuglement face à l’oppression des Palestiniens.
Le même processus qui a vu la montée de Trump, Bolsonaro, Boris Johnson ou Le Pen, est celui qui a conduit à l’émergence et au renforcement de Netanyahou. L’élément distinguant Israël est la profonde fracture judéo-palestinienne et le déni par un peuple du droit à une patrie pour un autre, qui a aiguisé ce phénomène au neuvième degré. Dans la crise interne qui s’aggrave en Israël, avec des divisions politiques marquées au sein de la classe dirigeante sioniste, Netanyahou s’est trouvé de plus en plus redevable aux partis d’extrême-droite.
Projets de réoccupation de Gaza
Cela explique également pourquoi il est aujourd’hui question, en Israël, de reprendre le programme de colonisation à Gaza, qui a été abandonné en 2005. Il est présenté comme le seul moyen de garantir la « sécurité ».
Un article du site web The New Arab, iintitulé « In Israel, the resettlement of Gaza is no longer a fringe idea », explique qu’: « (…) en l’absence d’un plan officiel pour l’après-guerre, les idées extrémistes, autrefois réservées à la frange de la société, prennent le pas sur les décisions politiques en Israël. » L’article fait état d’une récente conférence organisée à Jérusalem qui a appelé à la réinstallation de la bande de Gaza. Il ne s’agissait pas d’un rassemblement marginal. Apparemment, des milliers de personnes étaient présentes. Pas moins de 12 ministres du Likoud étaient présents, ainsi que 15 membres de la coalition gouvernementale. Le ministre israélien de la sécurité nationale, Itamar Ben Gvir, était présent, et voici ce qu’il a déclaré dans son discours : « Si nous ne voulons pas d’un nouveau 7 octobre, nous devons rentrer chez nous et contrôler [Gaza]. Nous devons trouver un moyen légal d’émigrer volontairement [les Palestiniens] ». Le ministre des finances d’extrême droite Smotrich était également présent, et il a ajouté : « Sans les colonies [à Gaza], il n’y a pas de sécurité ».
Ces personnes sont convaincues que Gaza leur appartient. De la même manière, ils pensent que la Cisjordanie fait partie de leur « terre promise » et ils ont l’intention de faire à la bande de Gaza ce qu’ils ont fait à la Cisjordanie : mettre des soldats et des colons sur le terrain et évincer progressivement les Palestiniens.
La majorité des Israéliens ne soutient pas cette position, mais elle gagne du terrain. Comme le souligne l’article : « Un récent sondage de la chaîne israélienne Channel 12 a révélé que 4 Israéliens sur 10 sont favorables à la relance des colonies à Gaza. »
C’est l’état d’esprit qui domine la droite. Netanyahou dépend de ces gens, et c’est pourquoi il doit les satisfaire. L’attaque de Rafah qui se prépare fait partie de cette politique.
Cela nous ramène à Rafah aujourd’hui. Près des trois quarts des Palestiniens de Gaza y sont rassemblés. Une partie de l’idée de Netanyahou est clairement de pousser une partie importante de cette population hors de la bande de Gaza. Le seul endroit où ils pourraient aller serait l’Égypte. Le gouvernement Netanyahou espère réaliser ce qui s’est passé en 1967, lorsque plus de 400 000 personnes ont été expulsées de Cisjordanie et du plateau du Golan, préparant ainsi le terrain pour le programme de colonisation.
Cela signifierait un rééquilibrage progressif et à long terme de la composition ethnique de Gaza. Certains seraient expulsés, tandis que le nombre de colons augmenterait systématiquement. Cela correspond parfaitement aux objectifs à long terme du projet sioniste depuis sa création.
Passer à une escalade plus large
Ce plan est un facteur important qui fait que la situation actuelle se rapproche de plus en plus d’une escalade plus importante. La situation est tellement tendue que même le régime égyptien d’Al-Sisi menace de mettre en péril l’accord de paix signé en 1979 entre Israël et l’Égypte si Israël provoque une catastrophe humanitaire à Rafah.
Le régime d’Al-Sisi n’est pas l’ami du peuple égyptien, ni des Palestiniens d’ailleurs. Néanmoins, même ce régime réactionnaire peut sentir la pression qui monte dans les profondeurs de la société égyptienne. Une nouvelle révolution arabe de type 2011 se prépare, et le sort des Palestiniens pourrait s’avérer être l’étincelle qui met le feu aux poudres.
Mais Al-Sisi doit être perçu comme exprimant son opposition au projet de Netanyahou d’avancer sur Rafah. Le pilonnage de la population actuellement massée dans cette ville entraînerait le déplacement de centaines de milliers de personnes, ce qui augmenterait considérablement le risque de débordement dans la péninsule du Sinaï, juste de l’autre côté de la frontière.
Al-Sisi pense en outre que le déplacement d’au moins plusieurs centaines de milliers de Gazaouis dans des camps de réfugiés dans la péninsule du Sinaï deviendrait un facteur de déstabilisation important dans les relations futures avec Israël, risquant même de déclencher de nouvelles guerres entre les deux pays. Il comprend que ces camps de réfugiés – après le nombre sans précédent de Palestiniens tués dans cette guerre – constitueraient un terrain propice à la radicalisation d’une nouvelle génération de jeunes Palestiniens, déterminés à se battre pour retrouver leur patrie, à l’instar de ce qui s’est passé au Liban dans les années 1970.
Le gouvernement israélien mise sur la poursuite de la collaboration avec l’Égypte. Toutefois, il n’est pas certain qu’Al-Sisi soit en mesure de garantir cette collaboration. Ce n’est pas parce qu’il se soucie des Palestiniens, mais parce qu’il a besoin d’être perçu par les masses égyptiennes comme tenant tête à Israël qui massacre les Palestiniens juste de l’autre côté de la frontière.
Cela explique également pourquoi l’Égypte fait pression sur les dirigeants du Hamas pour qu’ils acceptent un accord susceptible de déboucher sur un cessez-le-feu. Ils ont désespérément besoin d’éteindre les flammes. Le problème est que les plans des sionistes concernant Gaza laissent très peu de place à de telles manœuvres.
Et si les flammes ne sont pas éteintes à Gaza, elles pourraient se propager d’un régime à l’autre dans une vague de soulèvements de masse qui pourrait faire tomber de nombreux despotes réactionnaires de la région. Le roi de Jordanie exprime également ses inquiétudes, assis qu’il est sur un baril de poudre tout aussi explosif.
La crise mondiale du capitalisme a créé des conditions sociales et économiques dans l’ensemble de la région, qui préparent le terrain pour un tel scénario. C’est le cauchemar que les impérialistes contemplent, et ils n’ont pas de solution réelle et durable. La raison en est qu’ils sont le principal problème. Ils ont créé ce gâchis, et la seule véritable solution est de les faire tous tomber.
La meilleure chose que nous, communistes du monde entier, puissions faire pour le peuple palestinien est de lutter dans nos propres pays contre nos propres classes dirigeantes. Cela ne peut être réalisé que par une lutte de classe révolutionnaire partout, qui, pour être couronnée de succès, nécessite une direction communiste révolutionnaire.
Nous sommes tous dégoûtés et indignés par les scènes que nous observons à Rafah et dans ses environs, qui s’ajoutent à toutes les boucheries perpétrées dans la ville de Gaza, à Khan Younis et dans d’autres villes et villages. Mais la colère ne suffit pas. Organisez-vous et rejoignez les communistes dans la bataille pour mettre fin à ce cauchemar.
Europe — de Emanuel Tomaselli, ICR Autriche — 16. 11. 2024
Amérique du nord — de la rédaction — 13. 11. 2024
Europe — de Jack Halinski-Fitzpatrick, marxist.com — 11. 11. 2024