Les frappes américaines, françaises et britanniques contre la Syrie, samedi, sont censées avoir détruit des installations liées à la production d’armes chimiques. Quoi qu’il en soit, les installations visées avaient été préalablement évacuées. Le gouvernement russe avait été prévenu de ces frappes, de façon précise, et en avait lui-même informé le gouvernement syrien.
Gesticulation
C’est une répétition exacte de ce qui s’est passé il y a 12 mois, lorsque les Américains ont tiré environ 50 missiles Tomahawk contre un aérodrome déserté. Les dommages – limités – avaient été rapidement effacés. L’impact de ces frappes sur le cours de la guerre civile syrienne avait été absolument nul.
Samedi dernier, ils ont tiré deux fois plus de missiles que l’an passé, mais il est clair que leur impact sur la situation militaire en Syrie est tout aussi nul. Le potentiel militaire du régime d’Assad est pratiquement – sinon complètement – intact. Ces frappes n’auront pas aidé les « rebelles » (en fait, des fondamentalistes) à regagner un centimètre de terrain. Dans les faits, la guerre civile en Syrie est terminée. Assad est plus que jamais en position de force. Les discours des gouvernements occidentaux sur la possibilité de renverser ce régime par une intervention militaire sont autant de phrases vides – et ils le savent très bien.
D’ailleurs, ils ont soudainement changé de musique. A présent, Theresa May insiste sur le fait que les frappes de samedi n’avaient rien à voir avec l’objectif de renverser Assad. Elles avaient un objectif officiel limité : « empêcher l’usage d’armes chimiques », etc., etc., etc. Dans ces commentaires pathétiques, on sent une note d’impuissance, de peur et même de panique. Et cette note est beaucoup plus proche de la vérité que les morceaux de bravoure officiels à l’attention du grand public.
Pour Trump, ces frappes étaient une gesticulation visant à convaincre le monde entier que la puissance américaine est toujours un facteur important. Il s’agissait aussi, pour lui, de se présenter comme un adversaire de la Russie – au moment il où il subit, sur ce thème, des assauts incessants et déterminés de ses ennemis politiques, à Washington.
Peur de provoquer la Russie
Le Pentagone a beau le démentir, il est clair que la Russie avait été informée, en amont, des installations ciblées. Et désormais, les dirigeants occidentaux multiplient les déclarations pour expliquer au monde entier (et à Moscou, en particulier) qu’ils n’ont pas l’intention de frapper de nouveau la Syrie. Ils ne veulent pas davantage provoquer la Russie.
Bien qu’il n’y ait pas eu de réplique militaire de la Russie, à ce stade, son ambassadeur aux Etats-Unis a déclaré que les frappes contre son allié syrien « ne resteront pas sans conséquence ». Ceci dit, s’il n’y a pas eu de riposte russe, à ce jour, c’est parce qu’aucun missile ne s’est approché d’une zone couverte par les défenses anti-aériennes russes. Sinon, ils auraient été détruits dans les airs. Les Russes avaient même menacé de détruire les bases et navires d’où les missiles ont été tirés.
Il est clair que les esprits les plus avisés, à Washington, ont pris le dessus, et qu’ils ont prévenu une confrontation plus sérieuse. Au cours des 24 heures précédant les frappes, Trump et Poutine ont eu des contacts téléphoniques réguliers, de même que les Etat-majors russes et américains. Ces faits révèlent la réalité de la situation bien mieux que les déclarations démagogiques des laquais de Trump, à Londres ou Paris.
En dépit de son surnom (« mad dog Mattis »), le général James Mattis, Secrétaire à la Défense américain, est un homme intelligent et qui comprend très bien les possibles conséquences d’une action militaire plus importante en Syrie. Après les expériences désastreuses en Irak et en Afghanistan, ni lui, ni le Pentagone, ni le peuple américain n’ont envie de s’embourber dans une intervention terrestre en Syrie.
Un accord avec Poutine ?
Paradoxalement, les frappes de samedi seront probablement la première étape d’une démarche de Trump pour trouver un accord avec Poutine. Depuis le début, c’est l’intention de Trump, qui est un isolationniste. Il ne s’intéresse pas à la Syrie et voudrait s’entendre à ce sujet avec l’homme du Kremlin. Après avoir montré ses muscles et sa détermination à « tenir tête à la Russie », Trump peut commencer les négociations.
Est-ce improbable ? Pas plus que l’intention déclarée de Trump de négocier en tête-à-tête avec le dirigeant nord-coréen Kim Jong-un, qu’il avait surnommé « Little rocket man » – et dont il promettait de raser le pays. Trump pourrait expliquer qu’après avoir sauvé la planète d’une Troisième Guerre mondiale et « remis la Russie à sa place », il est temps de négocier la paix et d’arrêter une course aux armements coûteuse.
Du point de vue de Trump, c’est ce qu’il y a de plus intelligent à faire, à présent. Cela mettrait ses ennemis – aux Etats-Unis et ailleurs – dans une position délicate. Mais cela plongerait aussi dans l’embarras les Theresa May, Boris Johnson et autres bouffons qui ont crié plus haut que toute la meute contre la « menace russe » – et qui devraient trouver les moyens de ravaler leurs propres mots. On leur souhaite bon appétit !
Après sept années de guerre civile, la Syrie est dévastée. Des millions de personnes ont été tuées, mutilées ou forcées de fuir leur logement. Cependant, ceux qui parlent le plus de paix et d’humanitarisme sont ceux qui alimentent le plus les flammes de la guerre : les principaux responsables de ce désastre sont les impérialistes américains et leurs cyniques laquais à Londres et Paris. Ils n’ont jamais rien cherché d’autre, en Syrie, que la défense des intérêts de leurs classes dirigeantes respectives. Toute l’histoire de ces puissances impérialistes est marquée par leur brutalité et leur barbarie – en particulier à l’égard des peuples du Moyen-Orient. Leurs discours humanitaires sont les couvertures de leurs manœuvres et de leurs intrigues impérialistes. Selon les mots de l’historien romain Tacite : « Où ils ont créé un désert, ils disent qu’ils ont fait la Paix ».
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