La violence policière raciste fait partie de la vie quotidienne aux États-Unis, mais aussi en Suisse. Il est grand temps d’examiner de plus près la fonction des « gardiens de l’ordre » capitalistes.
Le meurtre de George Floyd n’est que la partie émergée de l’iceberg du harcèlement raciste par la police que la population noire des États-Unis subit quotidiennement. Une rage profonde pousse des millions de personnes à descendre dans les rues aux États-Unis, où elles rencontrent des « gardiens de l’ordre » qui écrasent brutalement ces soulèvements populaires. Ces événements ont remis à l’ordre du jour la discussion sur le rôle de la police.
En réponse à la police américaine scandaleusement raciste, d’énormes manifestations de solidarité ont lieu dans le monde entier pour la condamner. Pour de nombreux manifestants, il semble que la violence policière raciste soit principalement un phénomène spécifique aux États-Unis. L’histoire de l’esclavage aux États-Unis a sans aucun doute conduit à un racisme particulièrement prononcé au sein de sa police. Cependant, leur tâche est essentiellement la même que dans le reste du monde : défendre l’ordre dominant. Ce dernier se caractérise par la domination d’une minorité de capitalistes sur la majorité, les salariés. La police n’est donc pas un « bon Samaritain », mais protège les patrons, et aussi en Suisse.
Cependant elle n’est pas directement subordonnée aux patrons, mais fait partie de l’appareil d’État. La fonction de la police ne peut alors pas être comprise indépendamment de la fonction de l’État sous le capitalisme.
Dans toutes les sociétés de classe, une minorité vit de l’exploitation de la majorité opprimée. L’État s’est développé pour garantir le pouvoir, les fortunes et les privilèges d’une minorité dominante. Comme l’a expliqué Friedrich Engels, il s’agit essentiellement d’un détachement spécial d’hommes armés qui défendent la propriété et les intérêts de la classe dirigeante.
Sous le capitalisme, l’État se compose principalement d’une énorme bureaucratie, de tribunaux, de prisons, de la police et de l’armée. En d’autres termes, tout ce qui est censé assurer « l’ordre public » – soit celui de la bourgeoisie. Le rôle de l’État et de son bras armé est donc de maintenir un système dans lequel les capitalistes peuvent continuer à accroître leurs fortunes sur le dos des 99%.
Afin de justifier l’exploitation plus sévère de certaines parties de la population et d’ainsi monter différentes couches de la classe ouvrière les unes contre les autres, la classe dirigeante entretient des divisions selon l’origine et la couleur de la peau. Ce racisme trouve son expression la plus criante dans la répression policière, dont la Suisse fournit suffisamment d’exemples.
Le directeur de la police bernoise a fait mi-juin une déclaration aux médias au sujet des contrôles à faciès. Dans le canton de Berne, «les personnes Noires ne sont pas contrôlées sans soupçon». En tant qu’homme avec une peau foncée, il fallait cependant s’attendre à être contrôlé dans les environs du centre culturel Reitschule, car le trafic de drogue y serait aux mains de « gens de couleur venus d’Afrique ». Bien que des hommes blancs sont en majorité responsables des activités criminelles des banques, il ne viendrait jamais à l’idée de la police de contrôler tous les hommes blancs sur le Paradeplatz de Zurich. Le contrôle à faciès fait indéniablement partie de la pratique policière. La police travaille réellement pour les intérêts de la bourgeoisie, car les « crimes capitaux » des banques, bien plus gravissimes, ne sont que rarement poursuivis.
La gauche parlementaire critique bien sûr ces abus. Leur marge de manœuvre est toutefois limitée, comme illustrée par la situation en ville de Zurich. Depuis 2013, le département de la sécurité y est dirigé par des représentants de partis de gauche. Durant cette même période, les mouvements sociaux, correspondant au programme du parti desdits directeurs, ont été confrontés à une répression massive de l’État. Cela va, pour ne citer que quelques exemples, de la répression brutale de la manifestation des réfugiés en automne 2015, en passant par l’encerclement répété des manifestations de femmes au cours des deux dernières années, à l’emprisonnement de militants climatiques pendant plusieurs jours l’été dernier. Et sans parler des « contrôles d’identité sans motif valable ou soupçon fondé » que les gens de couleur doivent endurer quotidiennement.
De telles interactions avec la police peuvent être mortelles pour les personnes contrôlées, et pas seulement aux États-Unis. En été 2018, après que six policiers à Lausanne aient d’abord piétiné les parties génitales à de multiples reprises puis l’aient écrasé au sol pendant plusieurs minutes, Mike Ben Peter est mort d’une crise cardiaque quelques heures plus tard à l’hôpital. En 2017, Lamine Fatty a été emprisonné en raison d’une confusion de noms, où il est mort par négligence policière. Moins d’un an auparavant, Hervé Mandundu avait été tué par des coups de feu dans sa propre cage d’escalier par des agents policiers suisses. À ces cas s’ajoutent des insultes, des confiscations illégales d’argent et de papiers, des tabassages vicieux et de l’emprisonnement sans fondement.
Même si l’ampleur des violences policières (meurtrières) n’est pas aussi extrême en Suisse qu’aux États-Unis, il ne s’agit pas non plus de « cas isolés ». Le sort de ces trois hommes, ainsi que celui d’innombrables autres, résulte du maintien d’un système profondément raciste dans lequel la seule chose qui compte sont les profits de la bourgeoisie. La marge de manœuvre que cela laisse aux réformes de police a été résumée par le candidat démocrate à la présidence Joe Biden : «au lieu de viser la tête, on pourrait viser les genoux».
Outre la demande de réformes de police, les slogans en faveur de son abolition toute simple ont également trouvé écho parmi les manifestants aux États-Unis. Le conseil municipal de Minneapolis s’est superficiellement plié à cette exigence en annonçant la dissolution et la réorganisation de son service de police. Dans le meilleur des cas, cela contribuera peut-être à contenir les excès individuels de violence, mais rien de plus. Car la fonction principale de la police, à savoir défendre le statu quo raciste et exploitant, restera inchangée.
Il ne faut donc pas seulement combattre la police, mais aussi l’ensemble de l’appareil d’État et les structures de propriété qui le sous-tendent. Tant que le 1% le plus riche vivra aux dépens des 99% de la population, elle organisera toujours une institution armée pour protéger ses privilèges et ses intérêts. Aussi longtemps que nous vivrons sous le capitalisme, les violences policières se poursuivront.
La lutte contre le capitalisme doit être notre réponse à la violence policière endémique. Car ce n’est que lorsqu’il sera dépassé que l’oppression systématique de la majorité de la population pourra prendre fin. Il doit être remplacé par le socialisme, dans lequel il n’y a plus de minorité qui domine grâce aux forces armées. Au contraire, la majorité de la population, sans distinction de couleur de peau, d’origine ou de sexe, prendra des décisions démocratiques selon ses intérêts collectifs. La sécurité commune sera organisée selon le même principe, par exemple dans des comités de quartier sous contrôle démocratique direct.
Dans la lutte contre un système qui nous divise, notre meilleure arme est l’unité. Car l’expérience de ces dernières semaines aux États-Unis nous montre une chose : face à un mouvement populaire de cette ampleur, dans lequel tous-tes les salarié-e-s défilent ensemble, même l’appareil violent le plus puissant du monde s’effondre.
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