Ceux qui veulent lutter aujourd’hui pour une révolution doivent s’équiper des meilleurs outils. Le reste n’a que peu d’importance. Avec quelles idées arrivons-nous à une société sans classes – avec l’anarchisme ou avec le marxisme?

Le capitalisme traverse sa crise la plus profonde depuis le début de son histoire. Il n’en existe aucune issue pour la bourgeoisie, les dirigeants réformistes des organisations de masse traditionnelles essayent sans succès de gérer la crise, et surtout, les jeunes sentent et voient qu’il n’y a plus rien à gagner sous le capitalisme. Ils détestent le capitalisme et sont dégoûtés de l’opportunisme des politiciens réformistes. Il existe, par conséquent, une soif d’idées révolutionnaires. Parmi elles, auprès des idées marxistes, se placent également celles de l’anarchisme. Il est complètement compréhensible que les idées anarchistes gagnent en attrait chez les jeunes, parce qu’elles appellent à un rejet complet du status quo et au renversement du capitalisme. En tant que marxistes, nous partageons ces idées. Seulement, nous sommes d’avis que les idées de l’anarchisme ne sont pas à la hauteur de leurs propres revendications révolutionnaires. Ce sont les idées du marxisme dont nous avons besoin.

Philosophie

Les marxistes et les anarchistes apportent des réponses différentes et opposées à nombre de questions, car derrière ces réponses se nichent des philosophies différentes et opposées. On comprend mieux cela lorsque l’on étudie l’émergence de ces idées.

Au début du 19ème siècle, le capitalisme était encore naissant. Les caractéristiques du système étaient encore peu développées. On ne voyait alors pas clairement comment le socialisme pouvait émerger du capitalisme. Cela a façonné la pensée socialiste d’alors. Les socialistes ne pouvaient construire un monde socialiste que dans leur imagination. Ils étaient des utopistes.

L’anarchisme moderne fait partie des idées utopistes. Il s’indignait à juste titre du capitalisme. En revanche, sur cette base, il se demanda, en premier lieu, comment le monde devait être, et non pas comment le monde fonctionnait réellement. Un tableau idéal d’une société anarchiste a donc été créé. Toutes les institutions réelles qui ne correspondaient pas à ce tableau idéal ont été rejetées. L’anarchisme utilise donc la même méthode que les socialistes utopiques.

Cependant, dans le demi-siècle qui a suivi la naissance de l’anarchisme, la société avait évolué. Le capitalisme s’est développé très rapidement. Avec l’industrialisation, les contradictions inhérentes au système capitaliste s’étaient creusées. À l’intérieur du capitalisme sont apparus les germes d’une nouvelle société : le socialisme. Ainsi, le point de vue de l’utopisme pouvait être rejeté. C’est ce qu’ont fait les fondateurs du marxisme, Marx et Engels. Ils ont pu poser le socialisme sur une base réelle et scientifique. 

Les marxistes partagent l’indignation des anarchistes vis-à-vis de la pauvreté, de la barbarie et du cynisme du capitalisme. Mais s’indigner et imaginer de meilleurs mondes ne suffit pas. L’indignation en elle-même ne mène à aucune issue et le monde ne se plie pas facilement à nos idéaux. Le marxisme ne se construit pas dans notre imagination, avec des principes abstraits et des idéaux avec lesquels on devrait évaluer le monde. Il fonctionne exactement à l’inverse : il découvre les moyens de résoudre les problèmes certes grâce au raisonnement, mais à l’intérieur du processus en cours dans le monde réel. Ceci est ce qui oppose fondamentalement les méthodes marxistes et anarchistes et fait que le marxisme est une approche supérieure et plus puissante.

Marx a révélé les règles de développement du capitalisme – et a pu donc voir, à travers cette analyse, comment on peut réellement changer le monde. Le marxisme explique la manière dont le capitalisme crée à l’intérieur de sa propre dynamique les conditions nécessaires pour une révolution socialiste : il crée de gigantesques forces productives. Celles-ci dépassent de plus en plus les cadres du capitalisme et exigent d’être retirées des mains des capitalistes individuels et placées sous le contrôle et la planification des producteurs unis. Le capitalisme crée aussi une classe qui peut mettre en place ce programme. La classe travailleuse produit, de par son travail collectif, toutes les faramineuses richesses du capitalisme. Sans elle, pas une machine ne fonctionne, pas une roue ne tourne, pas une lampe ne s’allume. Elle seule a donc le pouvoir de renverser le capitalisme et de construire une nouvelle société socialiste. Les marxistes se placent fermement du point de vue de la classe travailleuse. 

L’anarchisme est apparu presque en même temps que le marxisme. Néanmoins, il n’a pas pris ce tournant vers l’analyse scientifique et en est resté à la méthode utopiste. Ce n’est pas un accident. Les idées représentent toujours des classes sociales particulières. Alors que le marxisme se place du point de vue de la classe travailleuse moderne, l’anarchisme est une expression idéologique petite-bourgeoise (représentant les paysans, artisans et petits propriétaires). La petite bourgeoisie se plaît à haïr le capitalisme, mais elle n’est pas une classe révolutionnaire. Elle possède de petits montants de propriété privée auxquels elle s’accroche. De son point de vue, il n’existe pas de véritable voie pour sortir du capitalisme. Il n’y a que de l’indignation et des idéaux. Ces revendications, au sein de l’anarchisme, prennent toujours une expression individualiste. Les travailleurs sont impliqués dans un processus de production sociétal et collectif. Au contraire, les petits bourgeois et certains éléments de la classe moyenne travaillent isolément. L’anarchisme idéalise ces conditions de vie. Le principe de la société anarchiste idéale est toujours la « liberté de l’individu ». 

L’État et la révolution

Depuis des temps immémoriaux, le marxisme et l’anarchisme s’affrontent au sujet de la nature de l’État. La classe ouvrière doit-elle prendre le pouvoir étatique ou simplement détruire l’État bourgeois? Cette question est fondamentale pour tout révolutionnaire.

Les anarchistes rejettent toute forme d’État : « Nous sommes, dans les faits, les ennemis de tous les pouvoirs. » (Bakounine). L’État bourgeois doit être renversé et aucun autre ne doit le remplacer. « Nous sommes d’avis que la nécessaire politique révolutionnaire du prolétariat doit avoir pour objectif immédiat (!) et unique (!) la destruction des États. » (Bakounine). Il est vrai que l’État bourgeois est un instrument d’oppression qui doit être renversé, et qu’une société réellement libre doit être sans classes. Mais la conclusion que le renversement de l’État bourgeois devrait être « l’immédiat et unique but » de la révolution est non seulement fausse, mais dangereuse en pratique. Il faut un État ouvrier pour arriver à une société sans classes. 

La méthode utopiste et individualiste de l’anarchisme mène à ce court-circuit : le monde devrait être tel que l’individu n’est restreint par aucune « autorité ». Tout État est cependant autoritaire. C’est pourquoi nous aurions immédiatement besoin d’une société sans État. Cependant, cela n’explique pas pourquoi les États existent et d’où ils proviennent. L’État devient quelque chose de mystique : la cause ultime de toute oppression et exploitation.

Nous devons répondre à la question avec la méthode scientifique du marxisme. Jusqu’à présent, le cœur de chaque État a appartenu à un groupe défini, qui seul détient le pouvoir politique dans la société. Les États se sont développés lorsqu’une minorité, la classe dirigeante, a commencé à vivre du produit du travail d’autrui. La société se divise en classes avec des intérêts fondamentalement opposés. La classe dirigeante a besoin d’un appareil étatique (un groupe d’hommes armés, des prisons, etc.) pour contrôler et retenir la classe exploitée. L’État n’est donc pas l’origine de tous les maux, mais le produit de la lutte des classes et de l’exploitation. C’est l’expression, et non la raison même, de la séparation de la société en classes antagonistes. 

Ces analyses opposées mènent à des programmes politiques opposés. Si l’État est l’origine même de toute exploitation et toute oppression, aucun nouvel État ne doit émerger de la destruction de l’État bourgeois. « Si le prolétariat doit être la classe dirigeante, on peut se demander : qui gouvernera-t-il? », demande Bakounine (Étatisme et anarchie, notre traduction). La réponse à la question de Bakounine est très simple : la bourgeoisie réactionnaire. Le rejet radical du pouvoir oppressif de l’État peut être compréhensible, mais l’anarchisme, naïvement, ferme les yeux sur la réalité. Il ne voit pas que notre tâche ne se finit pas avec la destruction de l’État bourgeois. La classe dirigeante n’est pas si facilement vaincue le jour de la révolution – certainement pas au niveau international. Elle va tout mettre en mouvement pour reprendre le pouvoir. La classe travailleuse a besoin d’un nouvel appareil d’État pour combattre la contre-révolution. Renoncer à un État de classe ouvrière révolutionnaire signifie livrer sans combat la révolution à la contre-révolution.

Bakounine a lui-même démontré la naïveté de son point de vue. En 1870, à Lyon avait éclaté une révolte locale. Bakounine s’est immédiatement rendu sur place, a pris d’assaut le bâtiment de l’État et a annoncé que l’État avait été aboli. En tant qu’« ennemi de tout pouvoir », il n’avait pas militairement défendu le bâtiment de l’État. La Garde nationale a facilement éliminé les conspirateurs et les a mis en prison.

Démocratie ouvrière et stalinisme

Jusqu’à aujourd’hui, tout État a eu le devoir de réprimer une majorité exploitée dans l’intérêt d’une minorité d’exploiteurs. Un état ouvrier est exactement le contraire. Pour la première fois de l’histoire, c’est un État de la majorité. Il ne réprime pas les masses laborieuses et exploitées, mais plutôt la minorité : les dirigeants et exploiteurs du passé. Tous les États jusque-là avaient le but de maintenir les contradictions de classe – un état ouvrier va les effacer ; faire disparaître les contradictions de classe, pour qu’il n’y ait plus personne à opprimer. L’État s’efface alors.

Le stalinisme n’avait-il pas cependant confirmé le point de vue anarchiste, en tant qu’ancien État ouvrier dégénéré en une nouvelle forme d’oppression de la classe ouvrière? La peur de beaucoup d’anarchistes part d’un bon instinct. Le stalinisme était le régime d’une classe bureaucratique parasitaire et criminelle. Cependant, la réponse à la question est clairement « non ». Le marxisme et la prise du pouvoir par le parti bolchévique en 1917 ne sont pas la raison de la dégénérescence de l’URSS. La raison est que la révolution d’Octobre est restée isolée. Le socialisme doit s’élargir à l’international, ou alors il sera condamné à l’échec. (Nous l’avons expliqué plus en détail dans d’autres articles). 

Les anarchistes concluent, d’une aversion légitime pour le stalinisme, qu’un régime révolutionnaire doit être  « fédéral » ou « démocratique à sa base ». Ainsi, ils jettent le bébé avec l’eau du bain. Un État ouvrier doit construire une économie planifiée socialiste. La planification présuppose la centralisation. Quand chaque fabrique peut produire ce qu’elle veut, il y a réintroduction des mécanismes de l’économie de marché. La centralisation ne veut en aucun cas dire le stalinisme. Un État ouvrier a besoin de la démocratie comme un homme a besoin d’air pour respirer. La planification rationnelle de l’économie présuppose le contrôle ouvrier « d’en bas ». Cela libère de gigantesques forces productives. La journée de travail pourra immédiatement être raccourcie et la classe ouvrière pourra diriger elle-même la vie politique et sociétale. Les devoirs de l’État ne seront plus le devoir d‘une seule couche privilégiée de la fonction publique. La classe ouvrière élira ses fonctionnaires parmi ses propres rangs et pourra les révoquer à tout moment. Les salaires des fonctionnaires seront relégués au salaire d’un travailleur moyen. L’armement général de la classe ouvrière remplacera l’armée permanente. Tout cela constitue une démocratie ouvrière : la forme d’État la plus démocratique de l’histoire de l’humanité. 

Une direction est-elle nécessaire?

Cependant, comment en arriverons-nous à un point ou la classe travailleuse prend le pouvoir? Avons-nous besoin pour cela d’une direction? Ou est-ce « autoritaire », et donc une mauvaise chose?

Beaucoup d’anarchistes sont aujourd’hui dégoûtés de la politique des dirigeants existants de la classe ouvrière. Cela est plus que compréhensible. Leur opportunisme et leur réformisme sont pourris jusqu’à la moelle. Mais, encore une fois, nous ne devons pas jeter le bébé avec l’eau du bain. L’anarchisme se positionne contre toutes les directions de lutte. Nous avons cependant besoin non pas d’une absence de direction, mais d’une nouvelle direction révolutionnaire. 

La question centrale est celle de ce dont a besoin la classe ouvrière pour remplir sa tâche historique. Les utopies ne l’aideront pas. La classe ouvrière a besoin avant tout de clarté au sujet de son immense tâche. Parce qu’il n’existe qu’un seul chemin : renversement de la bourgeoisie, prise du pouvoir, économie planifiée socialiste. La classe ouvrière n’acquiert pas « spontanément » de la clarté au sujet de sa tâche. La bourgeoisie fait tout pour empêcher une telle perspicacité de la classe ouvrière. Toute leur idéologie est parée pour l’empêcher (la presse, l’école, l’État, la morale, l’église…). Les dirigeants réformistes des organisations de masse des travailleurs mettent de la poudre aux yeux de la classe travailleuse. Même si l’aversion pour les opportunistes tels qu’Alain Berset et d’autres est compréhensible, le fait de renoncer à un leadership renforce la pression exercée sur la classe ouvrière par la bourgeoisie et le réformisme. Rejeter tout leadership signifie exposer la classe ouvrière aux idées de la bourgeoisie et du réformisme. 

Les masses n’apprennent pas des livres. Elles apprennent de leurs expériences directes. Les coups de marteau de la crise les forcent à remettre en question les idées de la classe dirigeante et aussi le réformisme. L’inflation, la hausse du coût des primes maladies, etc. font s’effriter l’idée qu’en Suisse tout va bien. Ce processus peut être soit ralenti, soit accéléré à travers un parti. C’est cependant essentiellement un processus spontané. C’est la pression mise par la crise objective qui exhorte jusqu’à la lutte la classe ouvrière. C’est là qu’elle apprend le plus vite. S’il y a par exemple une grève générale, l’État bourgeois révèle rapidement son véritable visage. C’est à travers la lutte que la classe ouvrière teste les idées bourgeoises et réformistes avec une vitesse décuplée et clarifie ses propres idées. 

Cependant, sans un parti et une direction révolutionnaires, la seule méthode d’apprentissage reste celle du « trial and error ». L’histoire entière des mouvements de la classe ouvrière montre que le processus d’apprentissage à travers l’expérience directe de la vie et de la lutte est trop lent. La fenêtre de temps nécessaire pour tirer les conclusions jusqu’à la conclusion finale est courte. Le devoir d’une direction révolutionnaire et qualifiée en matière de théorie est donc d’accélérer ce processus. Cela signifie-il imposer des conclusions à la classe ouvrière de manière « autoritaire »? Cela serait mal comprendre la tâche de la direction. La théorie est la généralisation des enseignements passés de l’humanité en lutte avec la nature et entre les classes. Le marxisme apporte ces enseignements dans la lutte de la classe ouvrière. De cette manière, il peut accélérer le processus de clarification des idées de la classe ouvrière. Mais il ne peut lui forcer la main (avec quelles méthodes?) ni la tromper. L’anarchisme, à travers une méthode erronée, conduit les mouvements vers l’impuissance. Cette méthode mesure tout à l’aide d’une échelle utopique et abstraite (L’individu, la liberté) et considère ainsi tout parti et toute direction « autoritaire ». Nous devons construire une organisation révolutionnaire, avec une direction qualifiée en matière de théorie et nous engager dans la lutte pour la direction de la classe ouvrière. Y renoncer serait rendre un très mauvais service à la classe ouvrière. 

Comment lutter? 

À travers leur point de vue individualiste et petit-bourgeois, les fondateurs de l’anarchisme n’ont pas réussi à comprendre le rôle de la classe ouvrière. Plus tard, l’anarchisme a reconnu dans son discours le rôle révolutionnaire de la classe ouvrière. Seulement, il n’a pas compris comment la classe ouvrière se comporte. Cela se traduit en l’insuffisance de ses méthodes de lutte.

Nous commençons notre démonstration avec un exemple tiré de l’histoire : celui de narodniks, le mouvement précédant celui des bolchéviques. Les narodniks, en majorité des étudiants, voulaient le renversement du tsarisme : une révolution, au plus vite, sans étapes intermédiaires. Bakounine a influencé ce mouvement. La classe révolutionnaire était, selon eux la paysannerie, comme pour Bakounine, en raison de leurs « instincts révolutionnaires », que l’on devait seulement libérer, et cela sans avoir besoin de théorie ou de parti. Seulement, les paysans privés de leurs terres ont réagi avec méfiance à l’égard des étudiants. Ces paysans voulaient en effet devenir des petits propriétaires et ne savaient rien de la révolution. La déception s’est répandue chez les narodniks. D’autres moyens étaient nécessaires. Le mouvement s’est divisé. L’aile gauche s’est retournée à 180 degrés. Elle a formé un groupe hautement centralisé dans la clandestinité. Si les instincts révolutionnaires des paysans ne s’étaient pas encore manifestés, il suffirait alors de les réveiller en manifestant un soulèvement (« propagande par le fait »). Les paysans n’étaient pas impressionnés face à cela. S’en est suivi seulement une vague de réaction de la part du tsarisme dans les années 1870. L’aile droite, quant à elle, a commencé une longue période de préparation et de conviction des masses. Elle s’est appuyée sur une approche « étape par étape » : de petites actions possibles ici et maintenant, et non pas des soulèvements. 

Cet épisode révèle deux approches anarchistes opposées : d’un côté un radicalisme pseudo-révolutionnaire, d’un autre un réformisme déguisé en stratégie révolutionnaire. La méthode de lutte gauchiste et pseudo-radicale s’exprime en « propagande par le fait », terrorisme individuel, méthodes des black blocks, etc. La logique derrière est toujours la même. Le monde existant doit immédiatement, directement, complètement et sans étapes intermédiaires être renversé. Aucun élément du monde existant ne peut être préservé : pas un parlement, pas un parti, pas une usine. 

Le radicalisme gauchiste cherche des raccourcis. Elle cherche à remplacer (terrorisme individuel) ou au moins anticiper (« propagande par le fait ») l’activité des masses. Bakounine était de l’avis que 200-300 activistes étaient suffisants pour mener une révolution dans de grands pays. Les marxistes comprennent que seule la classe ouvrière peut renverser le capitalisme. Elle participera à la lutte lorsqu’elle sera prête à y participer, et pas une seconde avant. Ce sont des raccourcis – au bord d’une falaise. Les actions pseudo-radicales éloignent la classe ouvrière de la lutte et un tel activisme est une invitation à la répression étatique.

Cela contraste avec les activités telles que celles de l’aile droite des narodniks. Proudhon, par exemple, voulait construire un système d’échange idéal ; pour ainsi dire, dans les interstices de l’existant. L’ancienne société devait ainsi être progressivement remplacée. Les coopératives suivent une logique similaire : c’est derrière le dos de l’ancienne société qu’une nouvelle société devrait être construite. Ceci est l’inconvénient de la méthode des ultra-radicaux. Tout ce qui existe est mauvais. Rien de tout cela ne peut être touché ou hérité. Au lieu de tout détruire, il faudrait construire des îlots intacts, « purs » d’une nouvelle société. La haine du statut quo se termine en recherche d’« espaces de liberté » qui nous sont accordés ici et maintenant. Ceci est de l’opportunisme. Cela ne devrait pas nous surprendre que tous les anarchistes classiques possèdent, auprès de leur côté radical superficiellement dominant, un côté conservateur et opportuniste. Bakounine se positionnait en faveur de « l’égalité entre les classes », non pas en faveur de la lutte des classes et du dépassement de la société de classes.

Théorie et pratique 

La puissance ou l’impuissance, tout comme la vérité ou la fausseté des idées est démontrée en dernier lieu par la pratique. Le test le plus important de l’anarchisme était la révolution espagnole (1931-1937).

Surtout en Catalogne, une opposition entre deux pouvoirs coexistants s’est développée. De facto, le pouvoir politique était dans la rue, entre les mains des travailleurs, qui étaient organisés, tout particulièrement à la CNT (Confédération Nationale du Travail), un syndicat anarcho-syndicaliste. Des comités de défense contre le fascisme s’étaient construits et les industries clés étaient sous contrôle des travailleurs. À côté de cela, il existait toujours un État et un gouvernement de la classe dirigeante – mais la bourgeoisie ne possédait plus de réel pouvoir. Une lettre d’un dirigeant de la CNT, Companys, le prouve : « Aujourd’hui, vous êtes les maîtres de la ville et de la Catalogne… Vous avez gagné et tout est en votre pouvoir. Si vous n’avez pas besoin ou ne voulez pas de moi comme président, dites-le-moi maintenant. » La CNT aurait pu facilement prendre le pouvoir. Il lui aurait suffi de consolider les formes embryonnaires existantes d’un État ouvrier, de déclarer le pouvoir et de l’étendre à l’ensemble de l’Espagne, où des processus similaires se déroulaient. Cependant, la direction de la CNT a refusé de prendre le pouvoir. Elle commandait à sa base – littéralement! – de « poser ses armes ». Ceci revient à trahir une révolution. Cette trahison a coûté cher. La contre-révolution fasciste, menée par Franco, a abattu la révolution. Cela a résulté en une dictature ayant duré des décennies. 

Nous partageons les réclamations révolutionnaires de la plupart des anarchistes. Malgré cela, la méthode anarchiste est fausse et n’est pas révolutionnaire. Celle-ci fera des ravages au plus tard lorsque l’anarchisme sera confronté à la réalité objective. Trotsky a dit un jour que l’anarchisme est comme un parapluie troué. C’est toujours lorsque l’on a réellement besoin de lui qu’il se trouve au mieux inutile. L’épisode espagnol ne déforme pas l’anarchisme, mais, bien au contraire, le révèle.

On a besoin du marxisme pour agir de manière réellement révolutionnaire. Les conditions pour des explosions révolutionnaires sont présentes partout dans le monde. Le devoir aujourd’hui le plus important est le travail préparatoire. Les révolutionnaires conscients doivent être formés et organisés dans la théorie marxiste. C’est ce travail que fait notre tendance, la Tendance Marxiste Internationale. Si tu es prêt à tirer les conclusions nécessaires de ta haine sincère du capitalisme, nous avons besoin de toi pour faire ce travail avec nous!