Beaucoup de personnes de gauche nous accusent de ne pas utiliser le langage inclusif. Qu’avons-nous à répondre à ça ?
Le langage inclusif exprime le plus souvent l’envie de lutter contre l’oppression des femmes et des personnes non binaires.
Nous, communistes, partageons entièrement cette volonté. Mais est-ce qu’une langue neutre aide dans la lutte contre l’oppression ? Non. Changer notre façon de parler ne change pas la réalité de la condition des femmes et des minorités dans le capitalisme.
Prétendre autrement est une gifle au visage de toutes les mères seules, toutes les femmes dans la pauvreté, en dépendance financière et toutes les victimes de féminicide ou de violences transphobes.
Oui, la langue française actuelle met l’homme en avant. Mais ce fait n’est pas la source des inégalités. Cette oppression de genre prends racine dans tout un système qui est basé sur la propriété privée, la dépendance économique, la surexploitation, le modèle de famille « traditionnelle » et les rôles associés à celle-ci – duquel seule une infime élite déjà richissime profite.
Le langage reflète ces inégalités. Mais elle ne les crée pas et c’est faux de prétendre que c’est par la langue que les humains sont opprimés.
Si nous voulons lutter sérieusement contre l’oppression, nous devons nous attaquer en premier lieu à ses véritables bases matérielles. Nous ne devons pas modifier le langage mais changer réellement nos conditions de vie. Ce ne sera possible que dans la lutte unie de la classe ouvrière contre les capitalistes. La classe ouvrière a le pouvoir de bouleverser le monde entier lorsqu’elle est unie au-delà de ses différences !
La langue est très importante ! C’est une forme de notre conscience collective, un moyen de partager nos pensées avec d’autres personnes. Mais quelle est l’utilité du langage et de la pensée ? Ils doivent nous aider à comprendre la réalité, pour que nous puissions la changer ! Pour cela nous avons besoin d’idées justes, qui puissent être communiquées clairement et précisément. Dire une phrase différemment ne nous aide pas plus à trouver d’où viennent les inégalités de genre, comment elles fonctionnent et comment lutter contre!
Si, le langage inclusif n’est pas seulement inutile, il nuit activement à la lutte contre l’oppression.
Premièrement, parce qu’il dévie la lutte de ce qui est essentiel à sa libération : loin de la lutte des classes, loin des changements réels dans la société. Au lieu de quoi on alimente l’illusion de faire quelque chose contre l’oppression alors qu’on ne fait qu’utiliser un langage neutre. Ça rassure peut-être notre conscience individuelle, mais ça ne prend pas du tout les oppressions au sérieux !
Deuxièmement, parce que ça divise la classe ouvrière dans la lutte : ceux qui n’utilisent pas le langage inclusif sont perçus comme réactionnaires et faits fautifs de perpétuer les inégalités. Cela signifie que les conflits dans la société sont mal définis.
Au lieu de révéler le contraste entre la grande majorité des exploités et des opprimés et la petite élite des exploiteurs, les « gauchistes » accusent la majorité de la classe ouvrière.
C’est une grande opportunité pour les Trump et les UDC de ce monde : ils peuvent facilement s’appuyer sur les couches conservatrices de la classe ouvrière et poursuivre leurs attaques contre les femmes, les personnes transgenres et tous les opprimés.
Les puissants de ce monde se frottent les mains. La colère et le mécontentement, provoqués par les souffrances dans ce système brisé, sont détournés de la lutte des classes et dirigés vers les canaux sûrs d’une « guerre culturelle » qui leur est inoffensive.
Nous ne pouvons vaincre ces réactionnaires que si nous ramenons le combat dans la lutte des classes. Nous devons unir la classe ouvrière – dans toute sa diversité – sur la base de son intérêt commun contre les riches et les puissants !
Nous avons besoin d’une perspective historique plus large qui comprenne les cycles de la lutte des classes. Les idées sont l’expression de leur époque : le langage inclusif est apparu à la fin du XXe siècle. C’était après les défaites des grandes luttes révolutionnaires des années 1960 et 1970. Une couche d’intellectuels petits-bourgeois, déçue, s’est détournée de la lutte des classes et de la révolution pour se tourner vers le langage et de petits changements de comportement. Ce n’est pas un progrès. Ce n’est pas un pas en avant par rapport aux méthodes véritablement capables de libérer l’humanité. L’accent postmoderne mis sur le langage reflète le fait que cette couche a perdu la foi dans la possibilité d’un changement révolutionnaire réel et profond : le renversement de tout ce système.
Ce pessimisme ne sert que la classe dirigeante. Ils nous disent tous : une vraie révolution est impossible, la classe ouvrière est réactionnaire de toute façon, etc. C’est complètement faux ! Nous sommes au début d’une nouvelle phase de luttes révolutionnaires de masse de la classe ouvrière. Nous devons éliminer ces vestiges pessimistes de l’ancienne période. Nous devons nous appuyer sur les idées qui peuvent réellement apporter des réponses sur la façon de gagner notre combat !
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