Cette année marque le centième anniversaire de la Révolution russe. Les défenseurs du capitalisme se consolent avec le souvenir de l’implosion de l’Union soviétique, qu’ils interprètent comme la fin du socialisme. Mais ce n’est pas le socialisme qui s’est écroulé. Bien au contraire : le régime stalinien représente l’antithèse complète du projet démocratique amorcé par les bolchéviques dès 1917.
« Quoi que l’on pense du bolchevisme, il est indéniable que la révolution russe est l’un des plus grands faits de l’histoire de l’humanité et que le l’accession des bolcheviks au pouvoir est un phénomène de portée universelle. » John Reed, 1er janvier 1919. (J. Reed, Dix jours qui ébranlèrent le monde, Ed. Seuil, p. 36.)
L’effondrement de l’URSS a été, de son temps, présenté par les tenants du capitalisme comme la victoire définitive de la « libre économie de marché » sur le « Communisme ». Une vague d’euphorie traversa ainsi, il y a 25 ans, la classe dominante et ses apologistes. Ils parlaient de la fin du socialisme, de la fin du communisme, voire de la fin de l’histoire. Depuis lors, nous assistons à l’échelle planétaire à une campagne sans précédent de diffamation des idées marxistes. Cette exubérance irrationnelle ne connut aucune limite.
Le président américain de l’époque, George Bush, annonça triomphalement la création d’un « nouvel ordre mondial » sous la domination de l’impérialisme américain. « L’Union soviétique n’est plus », écrivait Martin McCauley. « La grande expérience a échoué… Le marxisme en pratique a échoué partout. Il n’existe pas de modèle économique marxiste capable de concurrencer le capitalisme ». (M. McCauley, The Soviet Union 1917-1991, pp. XV et 378, notre traduction) « Nous avons gagné ! » s’exclamait l’éditorial du Wall Street Journal (24/5/89). C’est à ce moment-là que Francis Fukuyama fit sa fameuse prédiction : « La période de la post-histoire est arrivée… La démocratie libérale a triomphé et l’humanité a atteint sa plus haute sagesse. L’histoire a pris fin ».
25 ans plus tard, rien n’est resté de ces stupides illusions. Le capitalisme se trouve dans la crise la plus profonde depuis la Grande Dépression. Des millions de personnes se voient menacées par les politiques d’austérité, le chômage et la pauvreté. Conflits et guerres dévastent la planète entière, dont l’existence même sous une forme vivable pour l’homme est mise en danger par la force destructrice d’une économie de marché hors de tout contrôle. À la lumière crue de ces faits, les annonces triomphantes mentionnées plus haut prêtent aujourd’hui à sourire. La crise du capitalisme et ses répercussions ont totalement réfuté ces prévisions fallacieuses. Toutes les somptueuses promesses des dirigeants occidentaux qui ont suivi l’effondrement de l’Union soviétique se sont évaporées comme une goutte d’eau sur un poêle brûlant.
Le rêve américain de domination mondiale est enterré sous les ruines fumantes d’Alep. Toutes les déclarations triomphalistes des stratèges bourgeois ont été falsifiées. L’histoire est revenue en force. Les mêmes observateurs occidentaux qui ont exagéré tous les défauts de l’économie soviétique luttent aujourd’hui désespérément pour expliquer l’échec manifeste de l’économie de marché. Aujourd’hui, il n’y a plus que l’effondrement économique, l’instabilité politique, l’incertitude, les guerres et les conflits. L’euphorie d’antan a fait place au pessimisme le plus noir.
C’est précisément pour cette raison que le centenaire de la révolution russe sera inévitablement l’occasion d’une intensification de la vicieuse campagne anticommuniste. La raison n’en est pas difficile à comprendre. La crise mondiale du capitalisme donne lieu à une remise en question générale de l’« économie de marché ». On assiste à un regain d’intérêt pour les idées marxistes, ce qui inquiète la bourgeoisie. La nouvelle campagne de calomnies n’est pas le reflet d’une confiance mais d’une peur.
L’histoire montre que la classe dominante ne peut se contenter de vaincre une révolution. Elle doit en plus la couvrir de mensonges et noircir le nom de ses dirigeants. Afin que les générations suivantes ne puissent être inspirées par son souvenir, elle doit être étouffée dans un nuage d’hostilité et de méfiance et les noms de ses meneurs traînés dans la boue. Il n’y a là rien de nouveau. Au XIXe siècle, l’historien Thomas Carlyle, lors de la rédaction d’un livre sur Oliver Cromwell, avait déclaré qu’avant de commencer, il avait dû sauver le corps de Cromwell de tous les mensonges sous lesquels il avait été enterré.
Après la restauration de la monarchie en 1660, tous les souvenirs de Cromwell et de la révolution bourgeoise anglaise ont dû être effacés de la mémoire collective. La monarchie restaurée de Charles II datait officiellement son règne du 30 janvier 1649, date de l’exécution de Charles Ier, et toute référence à la république et à ses actes révolutionnaires a été effacée. L’esprit de rancune, de haine et de vengeance emporta le jeune Charles II jusqu’à déterrer le cadavre d’Oliver Cromwell, qui fut ensuite pendu en public à Tyburn.
C’est la même malice et la même méchanceté, nées de la peur, qui motivent les efforts actuels pour nier les acquis et la signification révolutionnaire de la révolution russe et pour noircir la mémoire de ses dirigeants. La falsification systématique de l’histoire entreprise actuellement par la bourgeoisie, bien qu’un peu plus subtile que les lynchages posthumes des monarchistes anglais, ne leur est en rien supérieure sur le plan moral. En fin de compte, elle ne sera pas plus efficace. La locomotive du progrès humain est la vérité et non pas le mensonge. Et la vérité ne restera pas éternellement enfouie.
Pendant presque trois générations, les défenseurs du capitalisme ont répandu leur bile sur l’URSS. Ils n’ont alors pas lésiné sur les moyens pour salir l’image de la Révolution d’octobre et la planification étatique de l’économie qui en fut issue. Les crimes du stalinisme se révélaient extraordinairement utiles pour cette campagne. La méthode choisie consistait à identifier le socialisme et le communisme à l’appareil totalitaire et bureaucratique qui naquit de l’isolement de cette révolution dans un pays arriéré.
La haine envers l’URSS de la part de tous ceux dont la carrière, le salaire et les profits sont nourris par loyers, intérêts et plus-value – et donc par l’ordre social existant – n’est pas compliquée à expliquer. Il ne s’agit pas pour eux de rejeter le régime totalitaire institué par Staline. Les mêmes « amis de la démocratie » n’avaient et n’ont encore aucun scrupule à louer des régimes dictatoriaux, pour autant que ceux-ci correspondent à leurs intérêts. La classe « démocratique » dominante de Grande-Bretagne était par exemple très contente de la montée au pouvoir d’Hitler, aussi longtemps que ce dernier opprimait la classe ouvrière allemande et se concentrait sur l’Europe de l’Est.
Winston Churchill et d’autres représentants de la classe dominante britannique exprimaient jusqu’en 1939 leur brûlante admiration pour Mussolini et Franco. À partir de 1945, les « démocraties » occidentales, notamment les USA, le firent pour toutes les dictatures les plus monstrueuses, de Somoza à Pinochet, de la junte argentine jusqu’au boucher indonésien Suharto, qui se hissèrent au pouvoir en assassinant un million de personnes avec le soutien actif de la CIA. Les dirigeants des démocraties occidentales se prosternent devant le sanglant régime saoudien, qui torture, assassine, bat voire crucifie sa propre population. La liste de ces barbaries est sans fin.
D’un point de vue impérialiste, de tels régimes sont parfaitement acceptables, tant qu’ils se fondent sur la propriété privée de la terre, les banques et les grands monopoles. L’indépassable hostilité nourrie à l’encontre de l’URSS ne découlait pas d’un quelconque amour pour la liberté mais d’un pur intérêt de classe. Les puissances impérialistes ne haïssaient pas l’URSS pour ce que celle-ci avait de mauvais, mais justement pour ce qu’elle avait de bon et de progressiste. Ils n’avaient aucune objection à faire contre le fait que Staline fût un dictateur (au contraire, ils étaient très contents que les crimes du stalinisme leur donnassent l’occasion de dénigrer le socialisme), mais seulement contre le fait que cette dictature reposât encore et toujours sur des formes étatiques de propriété – à savoir les seuls acquis restants de la Révolution d’octobre.
Le révisionnisme historique rappelle immanquablement les bonnes vieilles méthodes de la bureaucratie staliniste. Celle-ci mettait l’histoire à l’envers en faisant de figures marquantes des non-personnes, ou en les diabolisant, comme dans le cas de Léon Trotski, et affirmait en général que le noir était blanc. Les écrits actuels des ennemis du socialisme ne s’en distinguent que dans la mesure où c’est Lénine qu’ils traitent avec la même haine aveugle et le même mépris que les stalinistes avaient pour Trotski.
C’est en Russie que l’on trouve les cas les plus graves de ce phénomène. Cela n’est pas surprenant, pour deux raisons : premièrement, ces personnes ont été élevées dans l’école stalinienne de falsification, qui partait du principe que la vérité n’est qu’un instrument au service de l’élite dirigeante. Les professeurs, économistes et historiens étaient, à quelques honorables exceptions près, habitués à adapter leurs écrits à la »ligne » du moment. Les mêmes intellectuels qui chantaient les louanges de Trotski, fondateur de l’Armée rouge et leader de la révolution d’octobre, n’hésitaient pas, quelques années plus tard, à le dénoncer comme un agent d’Hitler. Les mêmes écrivains qui s’extasiaient devant Joseph Staline, le grand chef et le grand maître, ont vite fait de changer d’avis lorsque Nikita Khrouchtchev a découvert son « culte de la personnalité ». Les habitudes ont la vie dure. Les méthodes de prostitution intellectuelle sont les mêmes. Seul le maître a changé.
Il y a aussi une autre raison tout à fait distincte. Il n’y a pas si longtemps, de nombreux capitalistes russes portaient une carte du parti communiste dans leur poche et parlaient au nom du « socialisme ». En réalité, ils n’avaient rien à voir avec le socialisme, le communisme ou la classe ouvrière. Ils faisaient partie d’une caste dirigeante parasitaire qui vivait une vie de luxe sur le dos des travailleurs soviétiques. Aujourd’hui, avec le même cynisme qui les a toujours caractérisés, ils sont passés ouvertement au capitalisme. Mais cette transformation miraculeuse ne se fait pas si facilement. Ces gens ressentent le besoin impérieux de justifier leur apostasie en jetant des malédictions sur ce en quoi ils disaient croire hier encore. Ils tentent ainsi de jeter de la poussière dans les yeux des masses, tout en soulageant leur propre conscience – toujours en supposant qu’ils possèdent une telle chose. Même la pire des crapules aime à trouver une justification à ses actes
La bourgeoisie et ses idéologues (dont font partie les sociaux-démocrates de droite et certains socialistes dits de gauche) ne sont pas les seuls à avoir un intérêt fondamental à assimiler le bolchevisme au stalinisme. Les staliniens eux-mêmes ont maintenu cette déformation grotesque pendant des décennies et ont été les premiers à raconter le mensonge selon lequel le « Trotskisme » était un courant politique distinct du léninisme, et qui lui était hostile. L’objectif de Monty Johnstone était d’affirmer ce mensonge, même si c’était d’une manière plus élaborée qu’auparavant.
Dans ce livre, Ted Grant et moi-même montrons comment les staliniens ont artificiellement gonflé les différences entre Lénine et Trotski avant 1917. Nous expliquons comment Lénine et Trotski, par des voies différentes, sont finalement parvenus aux mêmes conclusions. Déjà avant la Première Guerre mondiale, la position de Lénine sur la nature de la Révolution russe ne différait guère de celle de Trotski.
Nous avons permis à Lénine et Trotski de parler pour eux-mêmes en citant longuement leurs œuvres. Cela ne facilite pas forcément la lecture, mais présente l’avantage indéniable de permettre à un public de lecteurs impartiaux de juger par eux-mêmes de leurs idées et de la relation entre elles. Le test décisif de toute théorie est la pratique. C’est un fait qu’en 1917, Lénine a pris une position pratiquement identique à la théorie de la révolution permanente de Trotski. Ce n’est pas non plus un hasard si les critiques de Lénine l’ont accusé de « trotskisme » en 1917.
Il est conforme à la méthode du matérialisme historique de chercher derrière les individus agissant sur la scène de l’histoire les causes profondes des grands événements historiques. Mais cela ne nie pas ou ne diminue pas le rôle de l’individu dans l’histoire. Dans certaines circonstances, un seul homme ou une seule femme peut jouer un rôle important. La classe ouvrière a besoin d’un parti pour changer la société. S’il n’y a pas de parti révolutionnaire capable de donner une direction consciente à l’énergie révolutionnaire de la classe, celle-ci s’évaporera comme la vapeur dont l’énergie n’est canalisée dans aucun piston.
Le rôle de Trotski pendant et après la révolution d’Octobre a été immense. Nous pouvons dire avec certitude que sans Lénine et Trotski, il n’y aurait pas eu de révolution d’Octobre en 1917. Léon Trotski était généralement reconnu comme le second homme dans la direction du parti. En fait, les masses, tout comme les ennemis de la révolution, désignaient habituellement les bolcheviks comme le « parti de Lénine et Trotski ».
Mais des personnalités individuelles ne peuvent jouer un tel rôle que si toutes les autres conditions sont réunies. L’enchaînement des événements a permis à Lénine et Trotski de jouer un rôle décisif en 1917, mais les deux mêmes personnes n’avaient pas pu jouer le même rôle au cours des vingt années précédentes. De même, Lénine et Trotski, malgré leurs capacités personnelles colossales, étaient impuissants face à la dégénérescence bureaucratique de la révolution dans son reflux. Même les dirigeants les plus éminents étaient impuissants face aux forces matérielles qui conditionnaient la dégénérescence.
La véritable raison de la dégénérescence bureaucratique de la révolution russe n’était pas un quelconque « péché originel » du bolchevisme, mais l’isolement de la révolution dans des conditions d’arriération matérielle et culturelle. C’était à son tour le résultat de la trahison des dirigeants de la social-démocratie européenne.
Pour Lénine et Trotski, la révolution russe n’a jamais été un processus fermé en soi, mais le point de départ de la révolution européenne et mondiale. Elle a eu un impact énorme sur la classe ouvrière européenne et a directement conduit à la révolution de novembre 1918 en Allemagne. Elle a été suivie d’une série de soulèvements révolutionnaires dans ce pays, qui n’ont cessé qu’en 1923. En 1919, une révolution avait lieu en Hongrie et, la même année, une éphémère république des conseils a été proclamée en Bavière. Des soulèvements révolutionnaires ont également eu lieu en Autriche, en Grande-Bretagne, en France, en Italie, en Bulgarie, en Estonie et dans d’autres pays.
Le mouvement révolutionnaire de la classe ouvrière européenne était suffisamment fort pour s’opposer à l’intervention militaire contre la Russie soviétique, mais il a été paralysé par sa direction réformiste. L’échec de la révolution européenne signifiait que la révolution russe était isolée dans les conditions de l’arriération la plus cruelle. 21 armées d’intervention étrangères ont détruit l’industrie et l’agriculture russe. En une seule année, en 1920, plus de six millions de personnes sont mortes de faim en Russie soviétique.
Marx a expliqué il y a longtemps que dans une société où la misère se généralise, « toute la vieille merde » renaît. Ces conditions ont conduit à la montée de la bureaucratie – une couche de fonctionnaires et de carriéristes qui a mis de côté la classe ouvrière et s’est emparée de postes privilégiés dans l’État et l’industrie. Lénine avait mis en garde à plusieurs reprises contre les dangers de la bureaucratie, non seulement dans l’Etat, mais aussi dans le parti.
La révolution a certes survécu, mais elle a subi une cruelle déformation bureaucratique. L’économie planifiée par l’Etat a permis à l’URSS de réaliser des progrès gigantesques et a transformé un pays autrefois arriéré en un Etat industriel avancé avec une population cultivée. C’est ainsi que l’URSS a réussi à vaincre les armées hitlériennes pendant la Seconde Guerre mondiale, en se débrouillant pratiquement toute seule.
Non seulement Lénine et Trotski n’étaient pas responsables de la déformation bureaucratique, mais ils ont collaboré étroitement dans la lutte contre Staline, qui s’était placé à la tête des bureaucrates privilégiés. Depuis son lit de mort, Lénine insistait dans ses lettres et son testament pour que Staline soit écarté de son poste de secrétaire général parce qu’il avait « concentré entre ses mains un pouvoir incommensurable ». Lénine n’était « pas convaincu qu’il saurait toujours faire un usage suffisamment prudent de ce pouvoir ».
Dans sa dernière lutte désespérée contre Staline et la bureaucratie, Lénine ne pouvait s’appuyer que sur un seul compagnon d’armes : Trotski. Mais il est mort avant d’avoir pu atteindre son objectif. Lors d’une réunion de l’Opposition unie en 1926, la veuve de Lénine, Kroupskaïa, a déclaré : « Si Vladimir Ilitch [Lénine] était en vie aujourd’hui, il serait déjà en prison ».
Après la mort de Lénine en 1924, Trotski a tenté de poursuivre son combat contre Staline et la bureaucratie. Mais la lutte était vouée à l’échec. Après des années de guerre, de révolution et de guerre civile, les travailleurs russes étaient épuisés. D’un autre côté, des millions de bureaucrates étaient plus sûrs d’eux que jamais. Ils sentaient qu’ils tenaient fermement le pouvoir entre leurs mains. Seule la victoire de la révolution en Allemagne ou en Chine aurait pu changer la donne. Mais la politique erronée de Staline et de ses soutiens a conduit à une défaite après l’autre.
Malgré tout, l’URSS a pu faire d’énormes progrès grâce à son économie planifiée par l’État. Mais cela ne signifiait pas que le « socialisme avait été établi », comme les staliniens le proclamaient de manière ostentatoire. Au contraire, sous la domination d’une classe bureaucratique privilégiée, l’Union soviétique s’est éloignée du socialisme. La bureaucratie a fini par saper l’économie planifiée et a ouvert la voie à la restauration du capitalisme.
Trotski avait déjà prévenu en 1936, dans La révolution trahie, que la bureaucratie ne se contenterait pas de ses privilèges légaux et illégaux, mais qu’elle s’efforcerait de devenir propriétaire des moyens de production par une contre-révolution capitaliste. Cela devait certes prendre quelques décennies, mais c’est exactement ce qui s’est produit. Avant la Seconde Guerre mondiale, Trotski avait mis en garde :
« Que la socialisation des moyens de production créés par le capitalisme offre un avantage économique énorme, c’est ce que l’on peut démontrer aujourd’hui, non seulement en théorie, mais aussi par l’expérience de l’U.R.S.S., en dépit des limites de cette expérience. Il est vrai que les réactionnaires capitalistes, non sans artifice, se servent du régime de Staline comme d’un épouvantail contre les idées de socialisme. En fait, Marx n’a jamais dit que le socialisme pouvait se réaliser dans un seul pays, et, de plus, dans un pays arriéré. Les privations que les masses subissent toujours en U.R.S.S., l’omnipotence de la caste privilégiée qui s’est élevée au-dessus de la nation et de sa misère, l’arbitraire insolent des bureaucrates, ce ne sont pas là des conséquences des méthodes économiques du socialisme, mais de l’isolement et du retard historique de l’U.R.S.S., prise dans l’étau de l’encerclement capitaliste. L’étonnant, c’est que, dans des conditions aussi exceptionnellement défavorables, l’économie planifiée ait réussi à démontrer ses avantages indiscutables. » (Trotski, Le Marxisme et notre époque, dans Œuvres, avril 1939, marxists.org).
Au lieu de répondre politiquement aux arguments de Trotski, la bureaucratie stalinienne y a répondu par le poing de fer de la répression. L’Opposition de gauche en Russie a été violemment réprimée et ses membres mis au chômage, harcelés, puis plus tard arrêtés et emprisonnés.
Après avoir été exclu du Parti communiste de l’Union soviétique (PCUS) par Staline et son appareil bureaucratique en 1927, Trotski a été envoyé en exil en Turquie en 1929. Ces méthodes bureaucratiques avaient pour but de réduire au silence le leader des bolcheviks-léninistes, de l’Opposition de gauche.
Mais Trotski ne se laissa pas décourager. Depuis l’île de Prinkipo, proche d’Istanbul, il organisa la contre-attaque des forces du bolchevisme-léninisme. Il fonda l’Opposition internationale de gauche, qui rassembla autour d’elle tous ceux qui étaient restés fidèles aux idées de Lénine, du parti bolchevique et d’Octobre. Bien qu’ils aient été exclus des rangs des partis communistes et de l’Internationale communiste, Trotski et ses partisans continuaient à se considérer comme faisant partie du mouvement communiste, luttant pour une réforme des partis communistes, de l’Internationale communiste et de l’URSS.
Depuis son exil, Trotski a dû regarder tous ses amis, ses camarades et ses collaborateurs être systématiquement assassinés. Lors de ses procès-spectacles barbares, les dirigeants du parti de Lénine ont été torturés et exécutés par Staline sous de fausses accusations. Trotski a qualifié les purges de guerre civile unilatérale de Staline et de la bureaucratie contre le parti bolchevique.
Trotski a lutté pour préserver les idées, le programme et les traditions pour les générations futures de communistes en URSS et au niveau international. Dans les conditions de la persécution la plus dure, il a été le seul à le faire. Dans l’histoire, nous trouverons difficilement un autre exemple de la manière dont toutes les ressources d’un immense appareil d’État ont été orientées vers la destruction d’un seul homme. Il n’a pas été facile pour Trotski de trouver un pays qui veuille bien l’accueillir. Les portes de toutes les soi-disant démocraties occidentales lui sont restées fermement fermées. Il a été contraint de quitter la Turquie pour la France, puis la Norvège, avant de pouvoir finalement s’installer au Mexique.
Comme il ne pouvait pas arrêter Trotski à l’étranger, Staline s’est vengé sur sa famille. Dans un acte de vengeance personnelle, il a retiré la nationalité soviétique à Trotski et à tous les membres de sa famille en 1932. La fille de Trotski, Zinaïda, qui était venue à Prinkipo avec son jeune fils Sjewa, ne pouvait plus retourner en Union soviétique et était donc séparée de son mari et de sa fille. L’année suivante, elle se suicida à Berlin.
Ce n’était que le début d’une campagne systématique au cours de laquelle les enfants et la famille de Trotski, ainsi que ses compagnons de route, furent tous assassinés. Le tyran du Kremlin a ordonné l’assassinat du fils de Trotski, Léon Sedov, à Paris. Il fit également arrêter le deuxième fils de Trotski, Sergueï, qui n’avait pas d’activité politique et se trouvait encore en Union soviétique. Il fut fusillé. Enfin, le vœu le plus cher de Staline a été exaucé lorsque Trotski fut assassiné au Mexique en août 1940.
Ceux qui affirment que le bolchevisme et le stalinisme ne sont pas « des antipodes mais des jumeaux » doivent expliquer comment Staline a dû éliminer le parti de Lénine et liquider complètement son ancienne direction pour asseoir son pouvoir. Au milieu des trahisons, des défaites et des déceptions, Trotski a défendu les véritables traditions du léninisme, d’Octobre et du parti bolchevique. Il a ainsi atteint son objectif le plus important.
Ce n’était pas un mince exploit. Qui se souvient aujourd’hui des écrits de Zinoviev et de Kamenev ? Dans les écrits de Léon Trotski, nous avons en revanche un héritage inestimable qui reste significatif et vivant, surtout après l’effondrement de l’URSS, conséquence inévitable des crimes du stalinisme. Ces écrits contiennent le bolchevisme authentique et les véritables enseignements de la Révolution d’Octobre – le seul espoir pour l’avenir de l’humanité.
Le système instauré par la Révolution d’octobre n’était ni totalitaire ni bureaucratique, mais le plus démocratique que le monde ait jamais vu. La Révolution d’octobre mit fin à la propriété privée des moyens de production. Pour la première fois de l’histoire, la vitalité de l’économie planifiée était démontrée, non pas en théorie, mais en pratique. Sur un sixième de la surface terrestre, une expérience aux dimensions sans précédent prouvait qu’une société sans capitalistes, propriétaires fonciers et créanciers était possible.
Aujourd’hui, minimiser voire contester ces succès est un exercice en vogue. Mais si l’on jette un regard, si rapide soit-il, sur les faits, la conclusion est toute autre. Malgré bien des problèmes, défauts et crimes – dont l’histoire du capitalisme regorge en bien plus grand nombre – l’économie soviétique planifiée donna lieu en un temps remarquablement court, du point de vue historique, à des avancées incroyables. D’où la peur et la haine nourries à son encontre et les éternels mensonges avancés à son sujet – évidemment sous couvert « d’objectivité académique » – par les classes dominantes occidentales.
Les bourgeois se voient contraints de mettre les idéaux de la Révolution d’octobre au ban une fois pour toutes. L’effondrement de l’URSS précipita ainsi une avalanche de propagande contre les acquis de l’économie planifiée en Russie et en Europe de l’Est. Ces attaques idéologiques des stratèges du capital contre le « communisme » constituaient des efforts minutieusement calculés pour nier les acquis historiques de la Révolution. Ces gens considéraient la Révolution russe depuis toujours comme une errance de l’histoire. De leur point de vue, le capitalisme a toujours existé et existera toujours, raison pour laquelle une économie planifiée ne peut réussir. Les statistiques soviétiques sont traitées dans ces conditions comme de gros mensonges.
« Les chiffres ne peuvent pas mentir, mais les menteurs peuvent en inventer. Toutes les avancées colossales en matière d’alphabétisation, de santé, d’aide sociale, ont été dissimulées par un Niagara de mensonges et de déformations visant à effacer les véritables réalisations du passé. Tous les défauts de la vie soviétique – et il y en a eu beaucoup – ont été systématiquement gonflés hors de toute proportion et utilisés pour « prouver » qu’il n’y a pas d’alternative au capitalisme. Au lieu du progrès, il y a eu le déclin, disent-ils maintenant. Plutôt que le progrès, il y a eu une régression. « On a prétendu que l’URSS des années 80 était aussi loin derrière les États-Unis que l’Empire russe en 1913 », écrit l’historien de l’économie Alec Nove, qui conclut que « les révisions statistiques ont joué un rôle politique dans la délégitimation du régime soviétique… ». (Alec Nove, An Economic History of the USSR, p. 438, notre traduction)
Face à cette campagne de mensonges et de calomnies sans précédent, il est essentiel de faire la part des choses. Nous ne souhaitons pas accabler le lecteur de statistiques. Cependant, il est nécessaire de démontrer hors de tout doute les formidables succès de l’économie planifiée. Malgré les crimes monstrueux de la bureaucratie, les progrès sans précédent de l’Union soviétique représentent non seulement un accomplissement historique, mais surtout un aperçu des énormes possibilités inhérentes à une économie planifiée nationalisée, surtout si elle est gérée selon des principes démocratiques. Elles contrastent totalement avec la crise des forces productives du capitalisme à l’échelle mondiale aujourd’hui.
La Révolution d’octobre de 1917 donna lieu à la plus grande croissance des forces de production qui eût lieu dans un pays au cours de l’histoire. La Russie tsariste disposait avant la Révolution d’une économie extrêmement arriérée et semi-féodale ; la majeure partie de la population ne pouvait pas lire ou écrire. Sur 150 millions d’habitants, seuls quatre millions étaient des travailleurs industriels, ce qui rendait, par exemple, la Russie bien plus arriérée que le Pakistan d’aujourd’hui.
Dans les conditions d’une épouvantable faiblesse économique, sociale et culturelle, le régime de démocratie ouvrière que Lénine et Trotski avaient mis en place commença à tirer la Russie hors de son arriération, sur la base d’une économie planifiée et nationalisée. Les résultats n’ont aucun précédent dans l’histoire économique : la Russie se créa, en deux décennies, une puissante base industrielle, développa l’industrie, la science et les technologies et fit disparaître l’analphabétisme. Elle fit également des progrès remarquables dans les domaines de la santé, de la culture et de l’éducation. À la même époque, le monde occidental, pris dans le Grande Dépression, se voyait étranglé par le chômage de masse et l’effondrement économique.
La viabilité de ce nouveau mode de production se trouva durement éprouvée pendant les années 1941-1945 : l’URSS était alors attaquée par l’Allemagne nazie, qui disposait de toutes les ressources de l’Europe. Malgré 27 millions de pertes humaines, l’URSS parvint à vaincre Hitler, se mit dès 1945 à reconstruire en un temps remarquablement court une économie détruite et devint ainsi la deuxième superpuissance mondiale.
Le fait qu’un pays fasse des progrès si incroyables doit nous inspirer à réfléchir. On peut penser ce que l’on veut des idéaux de la révolution bolchevique, mais une telle transformation en si peu de temps nécessite l’attention de toutes les personnes pensantes partout dans le monde.
En 50 ans, l’Union soviétique a multiplié son produit intérieur brut par neuf. Malgré la terrible destruction de la Seconde Guerre mondiale, elle a multiplié son PIB entre 1945 et 1979 par cinq. En 1950, son PIB correspondait à 33% de celui des États-Unis. En 1979, elle avait déjà atteint 58% du PIB des États-Unis. À la fin des années 1970, l’URSS était une puissance industrielle qui avait déjà dépassé le reste du monde dans certaines industries clés en chiffres absolus. L’Union soviétique n’était non seulement le deuxième producteur mondial de produits industriels après les États-Unis, mais le premier producteur mondial de pétrole, d’acier, de ciment, d’amiante, de tracteurs et de toute une gamme de machines.
Ces chiffres, cependant, ne montrent pas l’étendue complète des acquis. Tout cela a quasiment été atteint sans chômage ni inflation. Le chômage, tel qu’il existe en Occident, était inconnu en Union soviétique. En fait, être au chômage était un crime au sens légal. (Cette loi n’a ironiquement pas été abolie jusqu’à aujourd’hui, même si elle ne veut plus rien dire). Il y avait, bien sûr, des cas où des individus se voyaient retirer leur emploi parce qu’ils étaient entrés en conflit avec la bureaucratie. Cependant, de tels phénomènes ne résultaient pas de la nature de l’économie planifiée et n’auraient pas dû exister. Ils n’ont rien à voir avec le chômage cyclique du capitalisme, ni avec le chômage massif organique qui condamne actuellement 35 millions de personnes dans les pays de l’OCDE à une vie d’inactivité.
En outre, pendant la majeure partie de la période d’après-guerre, il n’y a eu que peu ou pas d’inflation. La bureaucratie a compris la vérité de l’avertissement de Trotski selon lequel « l’inflation est la syphilis d’une économie planifiée ». Après la Seconde Guerre mondiale, elle a veillé la plupart du temps à ce que l’inflation soit maîtrisée. C’était particulièrement le cas pour les prix des biens de consommation de base. Avant la perestroïka (reconstruction), la dernière augmentation des prix de la viande et des produits laitiers remonte à 1962. Les prix du pain, du sucre et de la plupart des denrées alimentaires avaient été augmentés pour la dernière fois en 1955. Les loyers étaient extrêmement bas, en particulier par rapport à l’Occident, où la plupart des travailleurs doivent consacrer un tiers ou plus de leur salaire aux frais de logement. Ce n’est qu’au cours de la dernière période, avec le chaos de la perestroïka, que cette situation a commencé à s’effondrer. Avec la ruée vers l’économie de marché, le chômage et l’inflation ont atteint des niveaux sans précédent.
L’URSS avait un budget équilibré et même un léger excédent chaque année. Il est intéressant de noter qu’aucun gouvernement occidental n’a réussi à atteindre ce résultat (comme le prouvent les conditions de Maastricht), tout comme ils n’ont pas réussi à atteindre le plein emploi et l’inflation zéro, qui existaient également en Union soviétique. Les critiques occidentaux de l’Union soviétique sont restés très silencieux à ce sujet, parce qu’elle a démontré les possibilités d’une économie de transition, sans parler du socialisme.
D’un pays arriéré et semi-féodal, principalement constitué d’analphabètes en 1917, l’URSS s’est développée en une économie moderne. L’Union soviétique abritait un quart de tous les scientifiques du monde, disposait d’un système de santé et d’éducation équivalent ou même meilleur à ceux de l’Ouest, a été le premier pays à lancer un satellite sur l’orbite terrestre et à amener le premier être humain dans l’espace. Dans les années 1980, l’URSS avait plus de scientifiques que les États-Unis, le Japon, la Grande-Bretagne et l’Allemagne réunis. Ce n’est que récemment que l’Occident a été contraint d’admettre à contrecœur que le programme spatial soviétique était bien plus avancé que celui de l’Amérique. Le fait que l’Occident doive encore utiliser des fusées russes pour envoyer des hommes et des femmes dans l’espace en est une preuve suffisante.
Le grand socialiste utopique français Fourier considérait la situation des femmes comme l’indicateur le plus clair du progrès ou de l’échec d’un régime social. La tentative d’introduction du capitalisme en Russie a eu les conséquences les plus désastreuses à cet égard. Tous les acquis pour les femmes de la Révolution russe, initiée d’ailleurs par les ouvrières du textile en grève le jour de la journée internationale de la femme, ont été systématiquement éliminés. Le visage réactionnaire du capitalisme se révèle de manière flagrante dans la situation des femmes en Russie.
La révolution bolchevique a jeté les bases de l’émancipation sociale des femmes et, bien que la contre-révolution politique stalinienne ait représenté un recul partiel, il est indéniable que les femmes de l’Union soviétique ont fait des progrès colossaux dans la lutte pour l’égalité. « La Révolution d’octobre a honnêtement rempli ses obligations à l’égard des femmes », écrit Trotski. « Le jeune gouvernement lui a non seulement accordé tous les droits politiques et juridiques à égalité avec l’homme, mais, ce qui est plus important, il a fait tout ce qu’il pouvait, et en tout cas incomparablement plus que n’importe quel autre gouvernement, pour lui garantir l’accès à toutes les formes de travail économique et culturel. »
La Révolution d’octobre a marqué un tournant dans la lutte pour l’émancipation des femmes. Avant cela, sous le tsarisme, les femmes étaient considérées comme de simples appendices du ménage. Les lois tsaristes autorisaient explicitement un homme à user de violence à l’encontre de sa femme. Dans certaines régions rurales, les femmes étaient contraintes de porter le voile et n’avaient pas le droit d’apprendre à lire et à écrire. Entre 1917 et 1927, toute une série de lois ont été adoptées pour donner aux femmes une égalité formelle avec les hommes. Le programme de 1919 du Parti communiste proclame hardiment : « Ne se limitant pas à l’égalité formelle des femmes, le parti s’efforce de les libérer des charges matérielles des travaux ménagers obsolètes en les remplaçant par des maisons communes, des lieux de restauration publics, des blanchisseries centrales, des crèches, etc. »
Les femmes n’étaient plus obligées de vivre avec leur mari ou de l’accompagner si un changement de travail impliquait un changement de domicile. Le droit égal d’être cheffe du ménage et de recevoir un salaire égal leur fut aussi donné. Une attention particulière était accordée au rôle des femmes dans la procréation et des lois spéciales sur la maternité ont été introduites, interdisant les longues heures de travail et le travail de nuit et instaurant des congés payés à la naissance, des allocations familiales et des jardins d’enfants. L’avortement fut légalisé en 1920, le divorce simplifié et l’enregistrement civil du mariage fut introduit. Le concept d’enfant illégitime fut également aboli. Selon les mots de Lénine : « Au sens propre, nous n’avons pas laissé subsister une seule brique des lois ignobles qui plaçaient les femmes dans un état d’infériorité par rapport aux hommes… »
Des progrès matériels furent réalisés pour faciliter la pleine participation des femmes à toutes les sphères de la vie sociale, économique et politique : repas scolaires gratuits, lait pour les enfants, allocations spéciales de nourriture et de vêtements pour les enfants dans le besoin, centres de consultation pour les femmes enceintes, maternités, crèches et autres facilités. Il est vrai que l’émergence du stalinisme a entraîné une série de contre-réformes dans la sphère sociale, qui ont eu un impact considérable sur la situation des femmes. Mais avec la mort de Staline, la croissance économique de l’après-guerre permis une amélioration générale constante : retraite à 55 ans, pas de discrimination en matière de salaire et de conditions d’emploi, droit pour les femmes enceintes de passer à un travail plus léger avec un congé de maternité entièrement rémunéré de 56 jours avant et 56 jours après la naissance de l’enfant. La nouvelle législation de 1970 abolit le travail de nuit et le travail clandestin pour les femmes. Le pourcentage de femmes dans l’enseignement supérieur est passé de 28 % en 1927 à 43 % en 1960 et à 49 % en 1970. Les seuls autres pays au monde où les femmes représentaient plus de 40 % du total dans l’enseignement supérieur étaient la Finlande, la France et les États-Unis.
Les soins préscolaires pour les enfants furent aussi améliorés : en 1960, il y avait 500 000 places de crèche, mais en 1971, ce chiffre était passé à plus de cinq millions. Les progrès considérables de l’économie planifiée et les améliorations des soins de santé qui en découlent se traduisent par le doublement de l’espérance de vie des femmes, qui passe de 30 à 74 ans, et par la réduction de 90 % de la mortalité infantile. En 1975, 73 % des femmes travaillaient dans le secteur de l’éducation. En 1959, un tiers des femmes occupaient des emplois où 70 % de la main-d’œuvre était féminine, mais en 1970, ce chiffre était monté à 55 %. À cette époque, 98 % des infirmières étaient des femmes, de même que 75 % des enseignants, 95 % des bibliothécaires et 75 % des médecins. En 1950, 600 femmes étaient docteures en sciences, en 1984, ce chiffre était passé à 5 600.
La restauration capitaliste a rapidement inversé les gains du passé, ramenant les femmes à une position d’esclavage abjecte au nom hypocrite de la « famille ». La plus grande partie du fardeau de la crise repose sur les épaules des femmes.
Malgré ses succès sans précédent, l’Union soviétique s’est effondrée. Il faut se demander pourquoi cela s’est produit. Les explications des « experts » bourgeois sont prévisibles et sans aucun contenu : le socialisme (ou le communisme) a échoué – fin de l’histoire. Les directions du mouvement ouvrier, de droite ou de gauche, ne connaissent rien de plus à ce sujet. Les réformistes de droite, comme toujours, se font l’écho des opinions de la classe dirigeante, et chez les réformistes de gauche, on ne retrouve rien d’autre qu’un silence gêné. Les dirigeants des Partis communistes en Occident, qui hier soutenaient encore tous les crimes du stalinisme sans aucune critique, tentent maintenant de se dissocier d’un régime discrédité, mais n’ont pas de réponses aux questions des travailleurs et des jeunes qui exigent des explications sérieuses.
Les acquis de l’industrie, de la science et de la technologie soviétiques ont déjà été mentionnés. Mais l’Union soviétique avait aussi une autre face. L’Etat ouvrier démocratique établi par Lénine et Trotski fut remplacé par l’Etat bureaucratique monstrueux de Staline. Pour la classe ouvrière, ce terrible pas en arrière signifiait la liquidation de son pouvoir politique. Cependant les acquis socio-économiques fondamentaux d’Octobre sont restés, à savoir les nouvelles relations de propriété, dont l’expression la plus claire était l’économie planifiée.
Dans les années 1920, Trotski écrivait une brochure intitulée Vers le capitalisme ou vers le socialisme ? Cette question avait toujours été décisive pour l’Union soviétique. La propagande officielle affirmait que l’Union soviétique évoluait inexorablement vers l’établissement du socialisme. Dans les années 1960, Khrouchtchev se vantait du fait que le socialisme avait déjà été réalisé et que l’URSS établirait une société complètement communiste en vingt ans. La vérité, cependant, est que l’Union soviétique s’est dirigée dans une direction complètement différente.
Un développement vers le socialisme signifierait une réduction progressive de l’inégalité. En Union Soviétique, l’inégalité a pourtant progressivement augmenté. Un fossé de plus en plus large s’est creusé entre les masses et les millions de fonctionnaires privilégiés avec leurs familles, leurs beaux vêtements, leurs grandes voitures, leurs habitations confortables et leurs maisons de campagne. Le contraste était d’autant plus significatif qu’il était en contradiction criante avec la propagande officielle sur le socialisme et le communisme.
Du point de vue des masses, le succès économique ne se réduit pas à la quantité d’acier, de ciment ou d’électricité produite. Le niveau de vie dépend principalement de la production de produits, répondant aux besoins de base, de haute qualité, bon marché et facilement disponibles : vêtements, chaussures, aliments, machines à laver, téléviseurs, etc. Dans ce domaine, l’Union soviétique était loin derrière l’Ouest. Ce retard aurait pu être tolérable, mais devint insupportable du fait que seules certaines personnes pouvaient profiter de ces biens alors que la grande majorité en était privée.
La raison pour laquelle le stalinisme, malgré ses contradictions criantes, a duré aussi longtemps réside précisément dans le fait que l’économie planifiée a connu des décennies de succès. Toutefois, le règne suffocant de la bureaucratie a conduit à la corruption, à la mauvaise gestion et au gaspillage, jusqu’à ce qu’elle commence finalement à saper les acquis de l’économie planifiée elle-même. Plus l’URSS se développait, plus les effets du règne bureaucratique devenaient néfastes.
La bureaucratie avait depuis toujours constitué un énorme frein au développement des forces productives. Cependant, si la construction d’une industrie lourde était encore relativement facile à réaliser, une économie moderne avec ses interdépendances complexes entre l’industrie lourde et légère, la science et la technologie ne peut pas simplement être mise en place par des ordres bureaucratiques sans que cela cause de graves perturbations. L’économie soviétique était également écrasée par les dépenses élevées pour son armement et pour maintenir son emprise sur l’Europe de l’Est.
Malgré les ressources immenses à sa disposition, une puissante base industrielle et une armée d’ingénieurs bien formés, la bureaucratie était incapable d’obtenir les mêmes résultats que l’Occident. En ce qui concerne les indicateurs centraux de la productivité du travail et du niveau de vie, l’Union soviétique était en retard par rapport à l’Ouest. La principale raison pour cela était l’immense fardeau imposé sur l’économie soviétique par la bureaucratie – ces millions de fonctionnaires corrompus et avides qui dirigeaient l’Union soviétique sans le moindre contrôle de la classe ouvrière.
En conséquence, l’Union soviétique est à la traîne par rapport à l’Occident. Tant que les forces productives de l’URSS continuaient à se développer, la tendance pro-capitaliste était insignifiante. Mais l’impasse du stalinisme a complètement transformé la situation. Au milieu des années 1960, le contrôle bureaucratique sur l’économie planifiée a atteint ses limites. Cela s’est traduit par une chute brutale du taux de croissance en URSS, qui n’a cessé de diminuer tout au long des années 1970, pour s’approcher de zéro sous Brejnev. Une fois que l’Union soviétique n’était plus en mesure d’obtenir de meilleurs résultats que le capitalisme, son destin était scellé.
C’est à ce moment-là que Ted Grant a conclu que la chute du stalinisme était inévitable – une brillante prédiction faite dès 1972. D’un point de vue marxiste, une telle perspective était inéluctable. Le marxisme explique qu’en dernière analyse, la viabilité d’un système socio-économique donné dépend de sa capacité à développer les forces productives. Ce livre explique l’ensemble du processus en détail et montre comment, après 1965, le taux de croissance de l’économie soviétique a commencé à ralentir. Entre 1965 et 1970, le taux de croissance était de 5,4 %. Au cours des sept années suivantes, entre 1971 et 1978, le taux de croissance moyen n’a été que de 3,7 %.
En comparaison, la moyenne des économies capitalistes avancées de l’OCDE était de 3,5 %. En d’autres termes, le taux de croissance de l’Union soviétique n’était plus beaucoup plus élevé que celui du capitalisme, ce qui était désastreux. En conséquence, la part de l’URSS dans la production mondiale totale a légèrement diminué, passant de 12,5 % en 1960 à 12,3 % en 1979. Au cours de la même période, la part du Japon est passée de 4,7 % à 9,2 %. Tous les discours de Khrouchtchev sur le rattrapage et le dépassement de l’Amérique s’évaporèrent. Par la suite, le taux de croissance de l’Union soviétique a continué à baisser jusqu’à ce qu’à la fin de la période Brejnev (la « période de stagnation », comme l’a baptisée Gorbatchev), il soit réduit à zéro.
Une fois ce stade atteint, la bureaucratie cessa de jouer même le rôle relativement progressiste qu’elle avait joué dans le passé. C’est la raison pour laquelle le régime soviétique est entré en crise. Ted Grant a été le seul marxiste à tirer la conclusion qui s’imposait. Il a expliqué qu’à partir du moment où l’Union soviétique était incapable d’obtenir de meilleurs résultats que le capitalisme, le régime était condamné. En revanche, toutes les autres tendances, des bourgeois aux staliniens, ont tenu pour acquis que les régimes apparemment monolithiques de Russie, de Chine et d’Europe de l’Est dureraient presque indéfiniment.
La contre-révolution politique de la bureaucratie stalinienne a complètement détruit le régime de la démocratie soviétique en Russie, mais a laissé inchangées les nouvelles relations de propriété créées par la Révolution d’Octobre. La bureaucratie dirigeante s’est basée sur l’économie planifiée et a joué un rôle relativement progressif en développant les forces productives, quoique à un prix trois fois plus élevé que dans le capitalisme en raison de l’énorme gaspillage, de la corruption et de la mauvaise gestion, comme le remarquait Trotski lui-même avant la guerre, alors que l’économie progressait encore de 20% par an.
Malgré ses succès, le stalinisme ne pouvait pas résoudre les problèmes de la société. En réalité, il représentait une monstrueuse anomalie historique, le produit particulier d’un enchaînement historique d’événements. Sous Staline, l’Union soviétique était fondée sur une contradiction fondamentale : l’économie planifiée était en contradiction avec l’État bureaucratique. Déjà dans la première période de plan quinquennal, la bureaucratie était coupable d’énormes gaspillages. Cette contradiction n’a pas disparu avec le développement de l’économie, mais a joué un rôle de plus en plus dangereux jusqu’à ce qu’elle mène le système à l’effondrement
Tout le monde le sait aujourd’hui, mais il est relativement facile d’être sage après coup. Il n’est pas aussi facile de prédire les processus historiques à l’avance, mais ce fut certainement le cas des remarquables écrits de Ted Grant sur la Russie, qui ont tracé avec précision le graphique du déclin du stalinisme et en ont prédit l’issue. C’est là seulement que nous trouvons une analyse complète des raisons de la crise du régime bureaucratique, qui reste encore aujourd’hui un livre scellé de sept sceaux pour tous les autres commentateurs des événements de l’ex-URSS.
Le point de départ du présent ouvrage est la brillante analyse faite par Léon Trotski dans son chef-d’œuvre La révolution trahie, écrit en 1936, qui conserve aujourd’hui encore toute sa vigueur et sa pertinence. Quiconque veut sérieusement comprendre ce qui s’est passé en Russie ne peut ignorer ce grand ouvrage d’analyse marxiste. Cependant, pour des raisons compréhensibles, Trotski n’a pas fourni une analyse achevée, une fois pour toutes, de la nature de classe de l’État soviétique, mais a laissé la question ouverte quant à la direction qu’il prendrait finalement.
Le grand marxiste russe a compris que le destin de l’Union soviétique serait déterminé par la lutte des forces vives, qui était à son tour inséparablement liée aux développements à l’échelle mondiale : ces développements ne pouvaient pas être prédits avec précision à l’avance. En fait, la manière particulière dont la Seconde Guerre mondiale s’est déroulée a eu un effet décisif sur le destin de l’Union soviétique, que personne n’avait anticipé. Trotski a écrit :
« Dans quel sens évoluera, au cours des trois, cinq, dix années à venir le dynamisme des contradictions économiques et des antagonismes sociaux de la société soviétique ? Il n’y a pas encore de réponse définitive et incontestable à cette question. L’issue dépend de la lutte des forces vives de la société et pas seulement à l’échelle nationale, mais aussi à l’échelle internationale. Chaque nouvelle étape nous impose dès lors l’analyse concrète des tendances et des rapports réels, dans leur connexion et leur constante interdépendance. » (Trotski, La révolution trahie, p. 40)
Trotski a pris soin de mettre un point d’interrogation sur l’avenir de l’État soviétique. Sa prédiction selon laquelle la bureaucratie stalinienne, afin de préserver ses privilèges, »devra inévitablement, à l’avenir, chercher à s’appuyer sur les relations de propriété [capitaliste] », s’est révélée tout à fait exacte. Le spectacle répugnant de dirigeants, cadres et fonctionnaires de longue date du Parti Communiste déchirant leur carte du parti et se transformant ouvertement en « entrepreneurs », avec la même facilité qu’un homme passant d’un compartiment à l’autre dans un train, montre à quel point le régime stalinien était éloigné du véritable socialisme.
Trotski ne s’attendait pas à ce que le régime stalinien dure aussi longtemps qu’il l’a fait. Certes, dans son dernier ouvrage, Staline, il laisse entendre que le régime pourrait durer des décennies sous sa forme actuelle, mais le livre était inachevé au moment de son assassinat et il n’a pas pu développer cette idée plus avant. L’Union soviétique sortit de la Seconde Guerre mondiale considérablement renforcée. Le régime stalinien, que Trotski considérait comme une aberration historique temporaire, a survécu pendant des décennies. Cela a eu un effet profond sur tout, en particulier sur la conscience des masses et sur la bureaucratie elle-même.
Trotski avait espéré que le régime stalinien serait renversé par une révolution politique de la classe ouvrière. Mais si cela ne se produisait pas, il évoquait la possibilité qu’à un certain stade, le processus de contre-révolution bureaucratique conduise au renversement des relations de propriété établies par la révolution d’octobre :
« La contre-révolution s’installe lorsque la bobine des conquêtes sociales progressistes commence à se dérouler. Ce déroulement ne semble pas avoir de fin. Pourtant, une partie des conquêtes de la révolution est toujours préservée. Ainsi, en dépit de monstrueuses distorsions bureaucratiques, la base de classe de l’URSS reste prolétarienne. Mais n’oublions pas que le processus de dénouement n’est pas encore achevé et que l’avenir de l’Europe et du monde au cours des prochaines décennies n’est pas encore décidé. Le thermidor russe aurait sans doute ouvert une nouvelle ère de domination bourgeoise, si cette domination ne s’était pas avérée obsolète dans le monde entier. En tout cas, la lutte contre l’égalité et l’instauration de différenciations sociales très profondes n’a pas pu jusqu’à présent éliminer la conscience socialiste des masses ni la nationalisation des moyens de production et de la terre qui ont été les conquêtes socialistes fondamentales de la révolution. Bien qu’elle dénigre ces acquis, la bureaucratie ne s’est pas encore risquée à recourir à la restauration de la propriété privée des moyens de production ». (Trotsky, Stalin, Wellred Books 2016, pp. 405-6, notre traduction)
La perspective de la restauration capitaliste en Russie et ses répercussions ont été expliquées avec une remarquable clairvoyance par Trotski en 1936 :
« La chute du régime soviétique amènerait infailliblement celle de l’économie planifiée et, dès lors, la liquidation de la propriété étatisée. Le lien obligé entre les trusts et entre les usines au sein des trusts se romprait. Les entreprises les plus favorisées seraient livrées à elles-mêmes. Elles pourraient devenir des sociétés par actions ou adopter toute autre forme transitoire de propriété telle que la participation des ouvriers aux bénéfices. Les kolkhozes se désagrègeraient également, plus facilement encore. La chute de la dictature bureaucratique actuelle sans son remplacement par un nouveau pouvoir socialiste annoncerait ainsi le retour au système capitaliste avec une baisse catastrophique de l’économie et de la culture. ». (Trotski, La révolution trahie, pp. 167).
Ce qui frappe, c’est la manière brillante dont Trotski a anticipé les grandes lignes de ce qui s’est réellement passé en Russie. En contraste total avec la clarté de l’approche de Trotski, nous voyons la faillite théorique et pratique de la théorie du « capitalisme d’Etat », qui, sous différentes formes, a occupé l’esprit des différentes sectes de l’ultra-gauche pendant des décennies. Après la Seconde Guerre mondiale, Ted Grant a développé et étendu l’analyse de Trotski sur le bonapartisme prolétarien, en particulier dans La théorie marxiste de l’État, qui a complètement démoli l’idée du capitalisme d’État en Russie.
Selon cette « théorie », le régime de l’URSS était déjà capitaliste depuis longtemps. Pourquoi, alors, les travailleurs devraient-ils se donner la peine de défendre les anciennes formes de propriété de l’État (capitalisme d’État) contre la bourgeoisie naissante, puisqu’il n’y a pas de différence entre elles ? Cette argumentation, qui désarmerait complètement la classe ouvrière face à la contre-révolution capitaliste, est un exemple flagrant de la façon dont une fausse théorie conduit inévitablement à un désastre dans la pratique.
La crise du stalinisme n’a rien de commun avec la crise du capitalisme (ou « capitalisme d’Etat »). Ce dernier est le résultat de l’anarchie du marché et de la propriété privée. Mais il n’était pas question de crise de surproduction dans le cas de l’URSS, qui reposait sur une économie planifiée nationalisée, bien qu’affligée de tous les maux de la bureaucratie, de la corruption et de la mauvaise gestion.
À cela s’ajoute le caractère limitatif de l’État-nation, qui a fait son temps et est devenu un gigantesque frein aux forces productives. Cela explique pourquoi chaque pays, même la plus grande superpuissance, est contraint de participer au marché mondial. Marx l’avait prédit à l’avance. C’est aussi la raison pour laquelle l’idée du socialisme dans un seul pays est une utopie réactionnaire.
Ce n’était pas le communisme ou le socialisme, tel que le comprenaient Marx ou Lénine, qui a échoué en Russie et en Europe de l’Est, mais une caricature bureaucratique et totalitaire du socialisme. Lénine a souligné que le contrôle démocratique de l’industrie, de la société et de l’État par le prolétariat était une condition préalable au développement du socialisme. Le règne d’une élite bureaucratique privilégiée est incompatible avec une société véritablement socialiste. Cela conduit impérativement à la corruption, au népotisme, à la mauvaise gestion et au chaos.
La planification étatique en URSS et en Europe de l’Est a produit des résultats incroyables dans tous les domaines. Mais, comme l’a prédit Trotski en 1936, le régime bureaucratique a finalement compromis la planification de l’économie et a préparé sa chute et la restauration du capitalisme.
Quel bilan devons-nous alors tirer de la Révolution d’octobre et de la grande expérience de l’économie planifié ? Quelles en sont les conséquences pour l’avenir de l’humanité ? Et quelles conclusions devons-nous en tirer ? Il ne devrait pas y avoir de doute sur le fait que la Révolution d’octobre a façonné le cours de l’histoire mondiale comme aucun autre événement. Tout le 20ème siècle a été marqué par ses conséquences. Ce fait est reconnu même par les critiques les plus conservatrices de la Révolution d’Octobre.
Il va sans dire que l’auteur de ces lignes est un fervent défenseur de la révolution d’octobre. Je la considère comme le plus grand événement de l’histoire de l’humanité. Pourquoi cela ? Parce que pour la première fois, si l’on exclut l’événement glorieux mais éphémère qu’a été la Commune de Paris, des millions d’hommes et de femmes ordinaires ont renversé leurs exploiteurs, ont pris leur destin en main et ont au moins commencé à transformer la société.
Que cette tâche, dans des conditions spécifiques, ait été détournée sur des voies imprévues par les dirigeants de la révolution n’invalide pas les idées de la Révolution d’octobre, ni ne diminue l’importance des gains colossaux réalisés par l’URSS au cours des 70 années qui ont suivi.
Les ennemis du socialisme ajouteront volontiers que l’expérience a échoué. Nous répondons avec les mots du grand philosophe Spinoza : notre tâche n’est pas de rire ou de pleurer, mais de comprendre. Dans les écrits des commentateurs bourgeois, on rechercherait en vain une explication sérieuse de ce qui s’est réellement passé en Union soviétique. Leurs analyses n’ont aucune base scientifique car leur seule motivation est la haine de la Révolution russe, qui ne reflète rien de plus que leurs intérêts de classe.
Ce n’était pas la bourgeoisie russe, qui avait été jetée dans les poubelles de l’histoires en Octobre 1917, mais l’économie planifiée étatique qui a catapulté la Russie dans l’ère moderne, a construit des usines, des écoles, des rues et des hôpitaux, a produit des scientifiques brillants, a construit l’armée qui a battu Hitler et a envoyé le premier homme dans l’espace.
L’Union soviétique s’est développée très rapidement d’une économie arriérée et semi-féodale en une nation industrielle moderne et avancée malgré les crimes de la bureaucratie. À la fin, cependant, la clique dominante n’était pas satisfaite de la richesse et des privilèges dont elle s’était emparée en pillant l’Etat soviétique. Comme Trotski l’avait prévu, elle a rejoint le camp de la restauration capitaliste, passant de caste parasitaire à classe dirigeante.
Pour la population de l’URSS, le retour au capitalisme a été un grand pas en arrière. La société a été renvoyée en arrière et a pu découvrir toutes les « bénédictions » du système capitaliste : la religion, la prostitution, la drogue, le chômage, etc. Pour l’instant, le régime de Poutine a réussi se consolider. Mais son apparente force est une illusion. Le capitalisme russe, comme la cabane du conte de fées russe, est construit sur des pattes de poulet.
Le capitalisme russe est maintenant directement lié au destin du capitalisme mondial et il s’agit là de sa principale faiblesse. Il est exposé à toutes les pressions d’un système en crise profonde. Cela aura d’importantes implications économiques et politiques pour la Russie. Tôt ou tard, les travailleuses et travailleurs de Russie se remettront de la défaite et passeront à l’action. Lorsque cela se produira, ils redécouvriront rapidement les traditions de la Révolution d’Octobre et du Bolchevisme. C’est la seule voie à suivre pour les ouvriers de Russie et du monde entier.
Europe — de Emanuel Tomaselli, ICR Autriche — 16. 11. 2024
Amérique du nord — de la rédaction — 13. 11. 2024
Europe — de Jack Halinski-Fitzpatrick, marxist.com — 11. 11. 2024