Samedi 13 juillet, une tentative d’assassinat contre Donald Trump a approfondi encore un peu plus la crise dans laquelle est plongée la démocratie bourgeoise américaine. Durant un meeting électoral, le candidat républicain a été la cible de plusieurs tirs, qui l’ont blessé à l’oreille et ont tué un spectateur. Ce n’est certes pas la première tentative d’assassinat contre un président américain – en l’occurrence contre un ex-président qui semble bien parti pour revenir à la Maison-Blanche – mais c’est par contre la première à être retransmise en direct à la télévision et sur les réseaux sociaux.
Avant même cet événement, la politique américaine était d’ores et déjà « en situation de crise », tout particulièrement depuis le débat entre Trump et Joe Biden le 27 juin. Du point de vue de l’image publique de la démocratie bourgeoise américaine, ce débat marqué par des échanges d’insultes a été particulièrement ridicule. Il s’est même à un moment transformé en une dispute sur les performances de golfeurs des deux candidats !
Mais c’est le comportement de Joe Biden durant le débat qui a le plus retenu l’attention, et a même plongé le parti démocrate dans une profonde panique. Biden s’est montré confus et incohérent. Par moment, il semblait complètement perdu, comme s’il se demandait où il était et pourquoi diable il se trouvait devant un pupitre à côté d’une personne si désagréable. Face à ce spectacle d’un candidat sénile, plusieurs dirigeants et soutiens importants du parti démocrate ont été jusqu’à appeler Biden à retirer sa candidature, pour ne pas risquer d’offrir la victoire à Trump lors des élections de novembre.
C’est dans ce contexte que les images de l’attentat de ce week-end ont inondé Internet. Après que les agents des services de sécurité aient abattu le tireur, ils ont exfiltré Trump de la tribune. Conscient de l’importance de ce moment dans sa campagne, celui-ci a saisi cette occasion d’une séance photo historique : il a levé le poing en signe de défi alors que du sang lui coulait sur le visage.
A l’heure où nous écrivons, peu d’informations sont disponibles sur le tireur ou sur ses motivations. D’après les premières déclarations de la police, il s’appelait Thomas Matthew Crooks, était inscrit comme électeur républicain, travaillait dans la cantine d’une maison de retraite et semble avoir agi seul.
Quelles qu’aient été ses motivations, il est important de rappeler que les communistes s’opposent au terrorisme individuel, non pas pour des raisons morales ou par pacifisme, mais parce que de tels actes jouent un rôle contre-productif du point de vue du développement de la lutte des classes et nuisent au développement de la conscience de classe. Au lieu d’aider à donner aux travailleurs une conscience de leur propre force en tant que classe – comme le font par exemple des grèves ou des manifestations de masse, les attentats individuels relèguent les masses au rang de spectateurs passifs de l’action d’individus isolés ou de petits groupes de militants.
L’appareil trumpiste a accusé la « gauche radicale » d’être responsable de cette attaque. Ces accusations démagogiques sont d’une hypocrisie crasse. Trump a explicitement incité ses partisans à la violence à de nombreuses reprises. Il a même promis de payer les frais judiciaires de ceux qui répondraient à ses appels d’aller « assommer » ses opposants. Lors du mouvement Black Lives Matter en 2020, il a même apporté son soutien aux miliciens de droite qui avaient attaqué des manifestations les armes à la main. Les accusations lancées aujourd’hui par Trump suite à cet attentat ne peuvent d’ailleurs que rendre plus probables de nouvelles attaques violentes de la part des groupes de droite.
Les partisans de Trump étaient déjà convaincus que l’élection présidentielle de 2020 avait été truquée pour que leur candidat perde, et que toutes les institutions – des médias au système judiciaire – conspiraient contre Trump. L’attentat a dramatiquement renforcé cette mentalité d’assiégé et plongé des millions d’électeurs trumpistes dans un mélange de panique et de colère. Au passage, il va aussi renforcer les diverses théories du complot selon lesquelles il s’opposerait à un soi-disant « Etat profond » pour défendre les « américains moyens ».
Il est exact que la majorité de la classe dirigeante est profondément opposée à Trump. Mais c’est parce que celui-ci est un individualiste acharné, qui fait passer son intérêt personnel avant celui du capitalisme dans son ensemble. Les stratèges de la bourgeoisie sont bien conscients que le premier mandat de Trump n’a fait qu’aggraver l’instabilité de leur système agonisant et ils craignent qu’un second ne discrédite encore plus les institutions qui sont si importantes pour le maintien de leur domination de classe.
Enfin, de tels attentats désignent des politiciens isolés comme le problème principal, comme si le fait d’éliminer Trump – ou Biden – pouvait représenter un pas en avant. C’est faux et cela ne fait que détourner l’attention des travailleurs du fait que c’est le système capitaliste tout entier – avec toutes ses institutions et ses partis bourgeois – qui est la cause des souffrances de la classe ouvrière.
Les réformistes partisans de Biden, le « moindre mal », font tout ce qu’ils peuvent pour présenter Trump comme une sorte de personnification de toutes les menaces contre la démocratie. Ils le traitent de « fasciste » et ont été jusqu’à suggérer que sa réélection pourrait marquer l’instauration d’une dictature – comme si un tel développement ne dépendait que du bon vouloir d’un président. Au passage, ils ont dépeint ses partisans comme un bloc réactionnaire et « pathétique », qui ne mériterait que le mépris.
Les communistes s’opposent évidemment à Donald Trump, qui est un réactionnaire patenté et un ennemi des travailleurs. Mais nous avons plusieurs fois expliqué qu’une partie significative des électeurs de Trump se composait de travailleurs dont la colère contre le système capitaliste était détournée et manipulée par la droite, uniquement parce qu’il n’existait pas une véritable alternative de classe sur la gauche.
Au lieu de dénoncer les politiques répressives de Biden contre les syndicats de cheminots ou son soutien à la guerre génocidaire contre Gaza, Alexandria Ocasio-Cortez, Ihlan Omar et leurs homologues du « Squad » soutiennent sa candidature, tandis que Bernie Sanders a affirmé qu’il était le « président le plus efficace de l’histoire moderne ». En se ralliant au réactionnaire Biden contre le réactionnaire Trump, ces soi-disant « socialistes » aident à canaliser vers les démocrates une partie de la colère qui s’exprime parmi les masses, mais repoussent aussi vers Trump une partie conséquente de la classe ouvrière.
La solution pour briser la dynamique du trumpisme ne se trouve ni dans les attentats individuels, ni dans l’alliance avec le politicien bourgeois Biden. Il faut expliquer aux travailleurs abusés par Trump que leurs instincts de classe sont manipulés par un membre égoïste de la classe dirigeante et leur proposer une alternative révolutionnaire.
Durant le mandat de Trump, les 1 % les plus riches s’en sont très bien tirés et le « marais » de l’establishment capitaliste n’a pas été « assaini ». S’il revient dans le bureau ovale, Trump n’apportera aucune amélioration aux millions de travailleurs qui glissent chaque jour un peu plus dans la pauvreté. Les véritables ennemis des travailleurs ne sont pas les travailleurs d’autres pays ou les immigrants, mais la classe dirigeante américaine, dont Trump fait partie au même titre que Biden.
En novembre prochain, les travailleurs vont être appelés à choisir, encore une fois, entre un démocrate et un républicain. Mais des millions d’entre eux sont dégoûtés – à juste titre – par Biden et par Trump, en fait par tous les politiciens et toutes les institutions de la classe dirigeante.
Des sondages ont montré que 63 % des Américains étaient en faveur de la création d’un nouveau parti de masse. 55 % des électeurs pensent que le système politique et économique des Etats-Unis doit être profondément transformé et 14 % pensent qu’il doit être purement et simplement renversé. Ces chiffres reflètent une profonde colère de classe. Des millions de travailleurs sentent instinctivement que le système tout entier est entre les mains d’une autre classe sociale dont les intérêts sont opposés aux nôtres.
Alors que nous approchons de ce qui pourrait être l’élection la plus agitée depuis des générations, nous avons besoin de défendre avec audace et clarté une perspective de classe. Aujourd’hui plus que jamais, un parti communiste de masse est nécessaire pour regrouper les forces qui peuvent expliquer comment lutter contre Biden et Trump, pour unir la classe ouvrière sur la base d’un programme révolutionnaire, et pour diriger l’immense colère qui existe dans la société contre sa véritable cause, le système capitaliste lui-même.
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