Une situation insurrectionnelle
De Durban à Port Elizabeth, de Johannesburg à Le Cap, les affrontements violents entre la police et les étudiants-es ont secoué le pays. Aux balles en caoutchouc et aux grenades aveuglantes de la police les étudiants-tes ont répondu en lançant des tables d’autres objets. Dans certains campus, tels que le KwaZulo –Natal de Durban et le UKZN de Westville, le programme académique a même été arrêté. L’Etat, au lieu d’essayer de calmer les affrontements, a opté pour un déploiement de la police à grande échelle dans les universités. C’est une mobilisation massive des forces de l’ordre qui rappelle celle du temps de l’apartheid.
L’apparition dans les zones plus aisées de violents affrontements entre police et étudiants-tes, alors qu’ils sont très communs dans les townships (les quartiers pauvres et défavorisés à majorité noire), a choqué la classe moyenne habituée à ne les voir qu’à la télévision. Les médias contrôlés par la classe dominante ont contribué fortement à diaboliser la lutte légitime des étudiants-tes les plus défavorisés : leur violence est condamnée, ils parlent d’anarchie, de criminalité et de révolution violente. Mais ce discours est trop simpliste, il ne s’agit pas d’une violence des étudiants-tes contre les agents de police.
Les raisons de la colère
La lutte des étudiants-tes reflète leur déception envers le gouvernement. Au moment de son élection en 1994, l’ANC avait une forte base dans les masses du pays. Son programme promettait l’amélioration du système sanitaire, une réforme agraire, la construction de logements pour tous, un meilleur accès à l’éducation et des conditions de travail décentes. Néanmoins, vingt ans après, ces promesses n’ont pas été tenues et la génération née après le régime d’apartheid doit combattre les mêmes luttes que par le passé.
En effet, depuis 2008 les taxes universitaires ont été augmentées de 80% suite à des coupes dans le financement public de l’éducation. C’était la réponse du gouvernement au déficit public de 4% du PIB. Le taux de croissance économique n’arrive pas à 1%, l’économie du pays est touchée par la crise globale de surproduction et le gouvernement a réagi en attaquant fortement les conditions de vie des masses.
Ainsi, la crise dans l’éducation supérieure est seulement la pointe de l’iceberg, la lutte des jeunes reflète la rage et la frustration envers la classe dominante. Les étudiants-tes savent que pour gagner leur lutte ils ont besoin de s’unir à la classe travailleuse : seule cette alliance permettrait d’organiser une grève qui puisse bloquer l’économie et faire céder le gouvernement. Néanmoins, la direction du COSATU (le syndicat le plus important du pays) n’as pas su proposer un programme d’union des luttes.
Par contre, le NUMSA (le syndicat des travailleurs métallurgiques) s’est fortement solidarisé avec les étudiants-tes, il a demandé l’abolition des taxes universitaires et a condamné la violence envers les étudiants. Ce syndicat a identifié l’ennemi commun : les politiques économiques néolibérales de l’ANC qui profitent au capitalisme monopoliste blanc et qui empirent les taux de chômage, de pauvreté et d’inégalité.
Alors comment financer l’instruction gratuite demandée par les étudiants ? Dans un pays si riche de ressources il n’y a qu’une seule réponse : l’expropriation des monopoles des banques et des mines pour que ces ressources puissent profiter au bien être de la majorité du pays, permettent d’obtenir une éducation gratuite, du travail pour tout le monde et des logements dignes. Ces revendications sont portées par les Economic Freedom Fighters (EFF), un parti qui se déclare socialiste révolutionnaire. Néanmoins, son leader Julius Malema a été accusé d’utiliser le mouvement pour sa carrière politique. Sa brève alliance avec le DA (Democratic Alliance), un parti bourgeois, afin de présenter des listes électorales communes qui puissent faire face au ANC, n’as pas plu aux éléments les plus progressistes de la jeunesse. Depuis, cette alliance a été rompue. Mais, si ce parti veut gagner la faveur des masses, il doit radicaliser son programme et surtout maintenir ses promesses.
Le gouvernement est faible, il affronte les protestations de masse et les immenses scandales de corruption. Il faudra une action prolongée des masses et l’union entre les étudiants-tes et les travailleurs-euses. Pour réaliser celle-ci les étudiants-tes doivent adopter les revendications des travailleurs-euses (telles qu’un salaire digne et la fin des pratiques d’externalisation qui précarisent les conditions de travail) dans leur programme.
Pour affronter les défis actuels et futurs, il est important construire une direction réellement révolutionnaire pour la classe travailleuse. Peut-être l’aile gauche de l’EFF pourrait jouer ce rôle, tout comme un nouveau parti socialiste qui réunirait les éléments les plus progressistes du NUMSA et de la jeunesse radicalisée pendant les mobilisations. Le capitalisme n’as rien à offrir aux masses sud-africaines. La seule solution est le renversement de ce système pourri et la construction d’une nouvelle société socialiste.
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