Lundi 8 octobre, le Conseil national a siégé pour décider de l’octroi d’un maigre million de francs supplémentaire à la protection des femmes. Les élus bourgeois ont jugé cette somme superflue pour les femmes victimes de violences, mais ont simultanément débloqué 3,6 millions pour la protection des troupeaux de moutons.

« On a moins de valeur que les animaux », a déclaré la conseillère nationale socialiste Tamara Funiciello (PS) dans une vidéo, tournée au Parlement, qui a suscité un écho immédiat et massif : devenue virale, elle a conduit des centaines de personnes à manifester spontanément devant le Palais fédéral le lendemain soir, tandis qu’une pétition contestant la décision récoltait des centaines de milliers de signatures.

Sous la pression, le Conseil des États a finalement accordé ce million. Nous revenons sur les deux leçons importantes pour la période à venir, que la gauche doit tirer de cette victoire partielle. 

C’est eux contre nous

Premièrement, ce tollé a dépassé la simple question du million. La vidéo de Funiciello a rencontré un tel écho car ses propos résonnent avec un sentiment largement répandu : pour ces gens dans leur tour d’ivoire nous ne valons pas mieux que du bétail. 

L’inhumanité de ces politiciens est flagrante; dans l’un des pays les plus riches du monde, après 27 féminicides cette année, ils refusent de débloquer un million de francs pour protéger les victimes. Leur mépris envers les personnes subissant des violences sexistes et sexuelles (VSS) révèle avec une cruelle clarté une vérité plus large : nous sommes gouvernés par des personnes qui méprisent l’humanité.

Ce sentiment gagne du terrain parce qu’il reflète l’expérience vécue ces dernières années. La politique dans son ensemble ne sert pas nos intérêts, mais ceux des puissants. Leurs grandes entreprises bénéficient d’allégements fiscaux, leurs grandes banques de plans de sauvetage et leur armée de milliards supplémentaires, tandis que notre santé, notre éducation et nos retraites sont sacrifiées au nom du budget.

Il devient de plus en plus évident qui gouverne la Suisse, et au profit de qui : les milliardaires de la pharma et de la finance, rendent visite à Trump avec des lingots d’or dans leur valises pour s’acheter de meilleures relations commerciales. L’État est à leur service. Ils dictent la politique. Ils défendent leurs intérêts de classe contre les nôtres, et ce de manière toujours plus brutale, année après année.

Cela génère une colère profonde au sein de la classe ouvrière. Le million refusé pour la protection des femmes a été la brèche par laquelle ce sentiment, mijotant sous la surface, a fait irruption. La gauche doit s’en saisir pleinement. C’est là que réside le potentiel de lutte.

Des centaines de manifestantes, des centaines de milliers de signatures.

Mardi soir, c’était palpable. Sur la Place fédérale, l’ambiance était chargée d’une colère profonde contre le parlement des riches et des puissants. « Nous sommes là, nous sommes bruyantes, parce que vous nous volez notre vie », scandait l’un des slogans.

Dans le même temps, la pétition du PS va bientôt franchir le demi-million de signatures. Il est faux de prétendre que la classe ouvrière suisse serait « trop privilégiée » ou « trop sexiste » pour se mobiliser collectivement. Des centaines de milliers de personnes ont fait preuve d’une réelle solidarité de classe.

À l’inverse des parlementaires bourgeois, qui s’offusquent des milliers de mails reçus. Le libéral-radical Caroni (PLR) y voit une « atteinte au fonctionnement du Parlement » et une « manœuvre » du PS. Ces professionnels de la politique ne font ainsi que prouver leur déconnexion totale de la réalité et de l’état d’esprit de la population.

En continuant d’exposer notre belle démocratie comme la farce qu’elle est, ils ne font qu’ajouter de l’huile sur le feu : on a le droit de l’ouvrir, mais seulement si cela ne contredit pas leurs intérêts. L’État bourgeois est l’État de la classe capitaliste. Le Parlement est son terrain de jeu, pas le nôtre. La victoire partielle de mardi, la classe ouvrière ne l’a pas remportée au Parlement, mais en se dressant contre lui, par une mobilisation de masse.

La lutte de masse paye, mais ce n’est qu’un début !

En découle une deuxième leçon pour la gauche : nous pouvons remporter des victoires par la mobilisation de masse. Une mobilisation de seulement vingt-quatre heures a suffi à faire transpirer nos bourgeois.

Mais cette lutte de masse doit aller bien plus loin. Pour protéger réellement les femmes victimes de VSS et garantir une vie digne à toutes et tous, il en faut davantage : plus de refuges pour femmes battues, bien sûr, mais surtout améliorer les conditions de vie. Concrètement, plus de crèches, de cantines et d’hôpitaux, l’égalité salariale, etc. Cela ne coûte pas des millions, mais des milliards. Une mobilisation de vingt-quatre heures avec manifestation et pétition peut suffire pour un million, mais pour les milliards dont nous avons urgemment besoin, il faudra bien plus.

Les employés cantonaux vaudois montrent l’exemple : leur mouvement de grève exige le retrait de toutes les mesures d’austérité. Certains secteurs prévoient de poursuivre la grève jusqu’à satisfaction complète de leurs revendications. Voilà ce qu’il faut, et ce vers quoi il faut tendre partout. Le pouvoir des travailleuses et travailleurs réside sur leurs lieux de travail. Ce sont elles et eux qui créent toute la richesse, qui font tourner la société. C’est précisément ce pouvoir, né de notre travail et de notre capacité à le bloquer, qui est notre levier pour forcer enfin la main des puissants et leur imposer les mesures indispensables pour nous.

Le potentiel est là. Il est possible d’obtenir bien plus qu’une maigre victoire partielle. Le PS dispose désormais des coordonnées de centaines de milliers de jeunes et de travailleurs prêts à agir concrètement contre les féminicides et pour une vie digne. En lançant un appel à manifester « Pour une mobilisation massive contre l’austérité », il pourrait rassembler des dizaines de milliers de personnes dans une démonstration nationale de force. Ce serait le coup d’envoi d’une lutte à l’échelle du pays, avec un plan visant à fédérer les différentes luttes – contre l’ensemble de la bourgeoisie.

Mais ce n’est pas la voie choisie par le PS. Plutôt que de s’appuyer sur la mobilisation, Funiciello et ses acolytes ont remercié la foule sur la Place fédérale et ont détourné leur attention de la rue pour se reconcentrer sur le Parlement. Pour eux, la classe ouvrière n’est qu’une masse passive à instrumentaliser, et le parlementarisme, le seul vrai levier du changement.

Pour une vie meilleure – pour l’expropriation des capitalistes

Nous, communistes, considérons la classe ouvrière comme une force révolutionnaire, qui doit rompre avec les capitalistes et leur État pour conquérir des améliorations réelles et durables. Le Parlement peut être, comme on l’a vu mardi, un outil ponctuel dans cette lutte, mais rien de plus.  

La haine profonde envers la classe capitaliste doit être canalisée pour préparer la  lutte contre leur système. Pour cela, il faut un programme défendant inconditionnellement les intérêts de la classe ouvrière : pour une vie digne, contre la pauvreté, l’exploitation, la violence et toutes les oppressions ! Pour cela, nous devons reprendre les richesses, que nos mains ont créées et que les griffes des banquiers et des milliardaires se sont accaparées. Exproprions-les !