Nous avons besoin d’un programme révolutionnaire pour que les effets de la crise ne retombent sur la classe ouvrière ! Et pour montrer la voie à suivre, nous avons besoin d’une analyse et d’une compréhension communes de nos tâches, afin de pouvoir réussir dans la lutte.
Le Coronavirus a provoqué la crise la plus profonde de l’histoire du capitalisme. Derrière la crise sanitaire, une catastrophe économique et donc sociale a déjà commencé. De larges couches de la population seront, en Suisse et partout dans le monde, menacées dans leur existence. Selon la classe dirigeante, c’est nous, la grande majorité de la population, qui devons payer l’échec de son système capitaliste avec toute la misère et l’insécurité qui en découlent : à travers des licenciements massifs, du chômage et des mesures d’austérité, les puissants et les riches tenteront de faire payer la classe ouvrière pour la crise. Comme toujours, les couches les plus opprimées et les plus exploitées de la société seront particulièrement touchées : les femmes, les migrants, etc. Comme si les conséquences sociales des crises capitalistes ne suffisaient pas, ce système détruit également l’environnement et donc notre base d’existence. Nous ne sommes pas prêts à accepter de nouvelles détériorations juste pour sauver les profits des capitalistes. Nous ne sommes pas prêts à payer pour leur crise.
Pour défendre nos conditions de vie contre les attaques des capitalistes dans cette situation tendue, nous avons besoin d’un programme. Celui-ci devrait fournir aux salariés des objectifs et des revendications autour desquels nous pouvons construire et unir les luttes. Ce n’est que lorsque les mouvements actuels et futurs s’uniront sur la base d’un programme combatif que nous disposerons d’une force de frappe.
Le courant marxiste l’étincelle propose avec ce document un programme de transition. Cela signifie trois choses. Premièrement, dans cette situation, seules des méthodes combatives permettront d’imposer des revendications défensives pour le maintien du niveau de vie. Deuxièmement, la classe ouvrière ne peut compter que sur elle-même et sur ses propres forces pour défendre son propre niveau de vie. Troisièmement, nous devons mener notre lutte de manière conséquente jusqu’à la fin afin d’atteindre nos revendications. Il n’y a pas de chemin intermédiaire : il faut briser le cadre du système capitaliste. Si le capitalisme ne peut pas permettre de bien vivre à la grande majorité de la population, alors nous ne pouvons plus nous permettre de laisser le capitalisme exister .
En aucun cas, on ne peut faire confiance aux patrons et aux actionnaires. Pendant la pandémie, ils ont clairement démontré à plusieurs reprises que leurs profits sont plus importants pour eux que notre santé. L’«économie du libre-marché» capitaliste a complètement échoué : comme partout ailleurs dans le monde, les capitalistes suisses ont dû être sauvés à travers des aides étatiques s’élevant à 100 milliards francs (14% du PIB). Or, cela fait gonfler la dette. La question de savoir qui devra payer est donc simplement reportée à demain. Le chômage partiel n’est pas non plus une solution à long terme pour lutter contre le chômage. Toute une série d’entreprises feront faillite pendant la crise, une autre série essayera de garder la tête hors de l’eau en procédant à des licenciements de masse.
Nous ne pouvons pas non plus compter sur le Conseil fédéral avec son appareil étatique et son parlement. Tout d’abord, il a décrété des mesures de confinement totalement contradictoires et mortelles. Se réunir en privé : non, mais aller au travail : oui ! Par la suite, des dizaines de milliards ont été versés aux entreprises et aux banques, tandis que les salariés se sont retrouvé-e-s avec quelques miettes tout au plus. L’État bourgeois aura également pour tâche, dans les prochaines années, de transformer les milliards de dettes en mesures d’austérité et de les faire ainsi peser sur les épaules des salariés et des jeunes. Le Conseil fédéral et l’État sont du côté des profits car ils ont pour tâche de défendre le système actuel et donc la classe dirigeante actuelle.
La classe ouvrière ne peut avoir confiance qu’en elle-même. Ses intérêts sont des conditions de vie sûres et saines. Ni les patrons, ni l’État. Seule la classe ouvrière fait passer la santé et les bons salaires avant les profits ! La « crise du Corona » a également démontré de manière très claire qui fait fonctionner la société et qui est réellement utile pour la production de toutes les choses essentielles pour nous : non pas les actionnaires, mais les salariés « essentiels » dans le secteur de la santé, dans l’industrie alimentaire, dans les transports, etc. La classe ouvrière veille au bon fonctionnement de la société, elle doit donc pouvoir décider de la manière dont la société doit fonctionner ! Quand la classe ouvrière s’engagera dans la lutte active, nous serons capables de sortir de la crise sans chômage de masse et sans détérioration du niveau de vie ainsi que de construire une société qui libère les gens de toute forme d’oppression et d’organiser l’économie en fonction des besoins des gens et de l’environnement.
Quel programme pour les masses en lutte ?
La classe ouvrière a récemment montré partout dans le monde qu’elle veut se battre. Rien qu’en 2019, nous avons assisté à des mouvements révolutionnaires et insurrectionnels en France, au Chili, en Algérie, au Liban, en Équateur, au Soudan, à Hong Kong et dans bien d’autres pays. À l’heure actuelle, les masses aux États-Unis montrent de façon
impressionnante à quel point l’image d’une classe ouvrière «passive» ou «apolitique» est superficielle. En Suisse aussi, nous constatons une véritable vague de mouvements, surtout chez les jeunes, avec la grève de femmes, la grève du climat et Black Lives Matter. La crise brutale qui se profile actuellement prépare le terrain pour des mouvements de plus en plus puissants dans la période à venir.
Ces grands mouvements mettent en évidence un autre point décisif en plus de la grande volonté de lutter : sans une compréhension de la manière dont leurs revendications peuvent être mises en œuvre, les mouvements sont condamnés à se tarir à terme. Les masses ne peuvent pas se battre éternellement. Les mouvements actuels ne demandent rien de moins que de sauver l’environnement, de mettre fin à l’oppression et d’abolir la police. La mise en œuvre de ces revendications nécessite une rupture avec le système actuel. Les mouvements contre le racisme, le sexisme et la catastrophe climatique ont besoin d’un programme révolutionnaire qui rompt avec le système d’exploitation capitaliste et montre ainsi la voie à suivre. Dotée d’un programme correct, la classe ouvrière peut résoudre la crise !
Mais les directions des organes de lutte des salariés – les directions du Parti socialiste (PS) et des syndicats – soutiennent largement la politique de crise du Conseil fédéral, y compris le paquet de milliards de francs pour les banques. Avec cela, elles essaient de sauver le capitalisme vacillant, au lieu de le renverser. Elles recherchent un chemin intermédiaire miraculeux par lequel les capitalistes et les salariés peuvent trouver ensemble une issue heureuse à la crise. Peu de choses sont plus illusoires que cela : il n’y a pas d’autre moyen au sein du capitalisme que de faire payer durement la classe ouvrière pour la crise. Au lieu de dire cette vérité et de mobiliser les salariés contre les capitalistes, les directions des plus grandes organisations ouvrières en Suisse concluent des compromis infects avec la bourgeoisie et ne montrent ainsi à la classe ouvrière aucune sortie de la crise.
Nous devons rompre avec cette politique réformiste maintenant! Nous devons maintenant construire une alternative révolutionnaire ! Cela n’a jamais été aussi possible qu’aujourd’hui, car la classe ouvrière et surtout les jeunes ont montré qu’ils veulent se battre. Et le programme révolutionnaire n’a jamais été aussi nécessaire qu’aujourd’hui, car dans la plus grande crise du capitalisme, il n’y a tout simplement pas d’autre chemin vers l’avant.
Dans ce programme, nous expliquons quelles mesures sont nécessaires pour améliorer les conditions de vie des salariés et de leurs familles. Nous expliquons d’où devrait provenir l’argent pour ces mesures vitales. Et surtout, nous montrons une manière grâce à laquelle la classe ouvrière et les jeunes peuvent eux-mêmes se battre pour leurs intérêts.
1) Nous ne payerons pas pour votre crise ! Du bon travail et de la sécurité sociale pour tous et toutes !
La crise économique déclenchée par la pandémie de Coronavirus a entraîné une situation dans laquelle une grande partie de la population salariée en Suisse ne dispose pas de réserves. Pendant des décennies, la crise organique du capitalisme s’est traduite par une stagnation du niveau de vie et une pression sur les conditions de vie. Avant le Coronavirus, 18,6 % de la
population ne pouvait pas faire face à une dépense imprévue de 2’500 francs. Un parent célibataire sur six était déjà touché par la pauvreté (dont les trois quarts sont des femmes).
1,9 million d’employés ont dû passer au chômage partiel. Toutefois, cela n’a permis d’amortir le marasme que temporairement. Les paquets de sauvetage du Conseil fédéral ne peuvent pas empêcher des faillites d’entreprises et des licenciements de masse. Selon des estimations, un total de 900’ 000 personnes en Suisse seront touchées par une pénurie d’emplois d’ici la fin de cette année. Cela signifie que 17 à 18 % de la population active sera soit au chômage soit sous-employée (SSP, 16.05.20). La crise du capitalisme s’attaque directement à des couches de plus en plus larges de la classe ouvrière.
Vu que pour beaucoup la situation était déjà tendue avant la crise, les attaques à venir conduiront à des situations intolérables. Des centaines de milliers de personnes verront leur existence menacée. La crise poussera de nouvelles couches de la classe ouvrière dans la lutte. La lutte pour la défense d’un niveau de vie minimal doit être menée maintenant. Pour réussir, les différentes luttes doivent être unies. Pour cela, nous avons besoin du programme de défense commun suivant :
Travail :
Logement :
Sécurité sociale et égalité des droits :
2) Contrôle démocratique des salariés
Dans un contexte où la situation sociale des personnes en Suisse est attaquée de front, un tel programme défensif est nécessaire de toute urgence pour défendre nos conditions de vie. On peut à juste titre se demander : «qui va payer pour cela ?» Les capitalistes et leurs politicien-ne-s bourgeois-es diront que tout cela est «utopique» et bien trop cher.
Mais notre société possède une incroyable richesse. Les 300 personnes les plus riches de Suisse avaient un patrimoine de 702 milliards de francs en 2019. Ils n’ont pas gagné cette richesse en travaillant. Les capitalistes ont amassé des milliards en exploitant le travail salarié de la classe ouvrière mondiale. Aujourd’hui, nous disposons des forces productives, de la technologie et du savoir nécessaires pour permettre à tout le monde une bonne vie – quels que soient son origine, son sexe, son genre, sa sexualité, sa formation, etc.
Cette richesse créée par la classe ouvrière afflue actuellement dans les poches des capitalistes. Au lieu de servir les besoins de la société, elle ne fait qu’accumuler davantage la richesse grotesque d’une infime minorité de parasites qui échappent à tout contrôle social. Nous devons placer cette richesse et sa production sous contrôle démocratique. Ce n’est qu’ainsi que nous pourrons offrir une bonne vie à tout le monde.
Mais même les simples revendications vitales pour de bons salaires et des conditions de vie sûres se heurtent à la résistance acharnée des capitalistes et de leurs médias. De telles dépenses font pression sur les profits des capitalistes et réduisent ainsi la compétitivité des entreprises suisses dans le capitalisme mondial. Elles ne peuvent être mises en œuvre que contre la volonté des capitalistes. Dans la crise, les intérêts de la majorité de la société, les salariés, entrent en collision frontale avec les intérêts de la classe capitaliste.
Il y a exactement deux alternatives pour les salariés : soit nous acceptons le retrait de tous les acquis sociaux des 70 dernières années, nous supportons les coûts de la crise des capitalistes et nous sacrifions ainsi notre niveau de vie et notre avenir – soit nous défendons de manière conséquente notre niveau de vie et devons donc sacrifier les profits des capitalistes. Il n’y a pas de solution intermédiaire. La deuxième option nécessite que la classe ouvrière s’organise et lutte pour arracher l’organisation de la vie sociale à la logique du profit et la faire passer sous son propre contrôle. Cela signifie que nous, les salariés, devons prendre le contrôle : à l’usine, dans les quartiers et, en fin de compte, prendre le contrôle de l’État et de la société dans son ensemble.
3) L’ouverture des livres de comptes et les syndicats
Alors que le chômage partiel augmente et que la crise se développe à l’étranger, une vague de faillites, de licenciements et de délocalisations va déferler sur la Suisse. Les coûts salariaux y sont élevés, et les emplois seront donc rationalisés. La question de savoir ce qui profite à la société dans son ensemble ou la question de l’utilité sociale des produits ou des services sera sacrifiée au profit. Tous les coûts seront mis sur le dos des salariés.
La classe ouvrière dans son ensemble est confrontée au choix de laisser le chômage exploser ou de se battre pour défendre les emplois. Dans tout licenciement massif, le personnel doit trouver une réponse. Dans les luttes contre l’arbitraire des patrons, contre le fait que des milliers de pères et de mères de famille sont jetés à la rue, certaines revendications devront prendre une position centrale : l’ouverture complète des livres de compte, la poursuite des activités sous le contrôle des salariés et l’expropriation de l’entreprise.
Les patrons répondront à la demande de poursuite des activités d’une entreprise en disant qu’il n’y a pas d’argent pour celle-ci. Contre cela, les employés doivent se battre pour avoir accès aux livres de comptes. Cela leur permet de révéler la véritable nature des décisions de gestion : les décisions visant à maximiser ou à maintenir le profit. L’examen de tous les comptes permet aux salariés de voir d’où viennent les profits (de leur travail) et où ils vont (dans les poches des capitalistes). Cela montrera non seulement à quel point le capitalisme gaspille notre travail et nos ressources, mais aussi comment l’économie peut être organisée plus efficacement en la planifiant consciemment et en l’orientant vers les besoins de la population.
Si les patrons s’en tiennent aux licenciements ou aux fermetures, il faut y répondre en poursuivant les activités sous le contrôle des employés. Pourquoi des centaines de salariés devraient-ils perdre leur emploi alors qu’ils peuvent fabriquer un produit nécessaire (dans le cas de la fermeture d’ABB Sécheron en 2017, il s’agissait de transformateurs de locomotives) ou passer à la fabrication de biens utiles avec peu d’efforts ? Cela montre que ce sont les salariés qui fabriquent les produits et donc toute la valeur sociale ! Ils peuvent aussi le faire sans les patrons.
Toute tentative militante des salariés de prendre leur destin en main se heurtera immédiatement aux limites étroites du capitalisme. Les capitalistes tentent d’empêcher l’ouverture des livres de compte par tous les moyens car cela révèle leur impitoyable escroquerie devant tout le monde. Si le personnel se bat pour la continuation du fonctionnement de l’entreprise, il apprend la loi d’airain de la propriété privée des moyens de production (de l’entreprise). Leur seul moyen d’avancer est de lutter pour l’expropriation et la nationalisation de l’entreprise afin de pouvoir continuer à produire – sous leur propre contrôle.
Dans ces luttes, la conscience de classe des salariés se développera à pas de géant. Les travailleurs et travailleuses reconnaissent la nécessité d’une organisation conjointe : dans les réunions d’entreprise, mais aussi dans les syndicats existants. Les syndicats et leurs stratégies seront testés. Le partenariat social prédominant conduira à de nombreuses trahisons des luttes. Mais sur la base de ces nouvelles expériences, les salariés mettront la pression sur l’appareil syndical, qui sera ébranlé. La question de la démocratie dans les syndicats et celle de la rupture avec le partenariat social seront mises à l’ordre du jour.
Dans les luttes à venir, les salariés reconnaîtront comment la production dans l’économie capitaliste est déjà «socialisée» : les différentes entreprises, fournisseurs et industries sont étroitement imbriqués – mais sous la forme d’une concurrence destructrice entre eux : chaque entreprise fait des affaires pour elle-même et contre les autres. Les entreprises individuelles ne peuvent pas simplement être soustraites à la logique du profit. Les luttes doivent nécessairement s’étendre, et le contrôle des salariés doit être étendu à différentes branches, à des secteurs entiers et, en fin de compte, à l’ensemble de l’économie. Les luttes pour le contrôle ouvrier sont une école d’économie planifiée.
Toute lutte sera rapidement confrontée au pouvoir des banques. Elles sont les centres nerveux de l’économie capitaliste. Le contrôle sur l’ensemble de l’économie doit être transféré aux salariés. Cela ne sera possible qu’avec la nationalisation des banques sous le contrôle et la gestion de la classe ouvrière.
4) Nationaliser les banques
En accordant des crédits, les banques décident où va l’argent. Il va là où il est profitable. Elles connaissent ainsi la rentabilité et l’état des différents secteurs et entreprises : tous les éléments de l’économie capitaliste moderne convergent chez les grandes banques. La «coopération» entre le Conseil fédéral et les banques dans le cadre du paquet de sauvetage Corona en est la preuve : le Conseil fédéral a confié aux banques la tâche de faire parvenir rapidement les crédits d’aide là où ils sont nécessaires (du point de vue capitaliste) ; les banques le sauront mieux que quiconque.
Ce programme de crédits Covid-19 pesant des milliards de francs a principalement permis aux banques de se prémunir elles-mêmes contre les défauts de crédits : le Conseil fédéral intervient si les débiteurs ne peuvent pas rembourser les crédits aux banques. Cela permet aux entreprises privées et aux banques de transférer leur «risque entrepreneurial» à la «société». En d’autres termes cela signifie de l’austérité pour la classe ouvrière. Nous devons payer pour la crise de l’économie de profit. Mais en même temps, nous ne pouvons pas décider où va l’argent.
Notre niveau de vie ne peut être défendu que si nous mettons en œuvre le programme de défense ci-dessus. Mais cela présuppose que la classe ouvrière décide de l’utilisation des richesses de la société. Cela vaut également pour la restructuration écologique de l’économie : il ne suffit pas, comme le demandent par exemple certaines parties du mouvement pour le climat, de «réguler» les banques via l’État et d’exiger qu’elles cessent d’investir dans les énergies fossiles : tant que la logique du profit prévaudra, le capital ira là où c’est le plus profitable. Les banques doivent être retirées de la logique du profit. Cela ne peut se faire que si elles sont retirées des mains avides des capitalistes.
5) Nationalisation et économie planifiée démocratique
L’ouverture des livres de compte, le contrôle ouvrier et la nationalisation des banques sont des premiers pas décisifs vers le dépassement de l’économie de profit et la construction d’une économie planifiée en fonction des besoins. Mais le contrôle au sein de l’entreprise et sur les flux de capitaux ne suffira pas à lui seul : les rapports de propriété de l’économie n’ont pas encore changé. Le véritable pouvoir social reste entre les mains des capitalistes, qui, par leur propriété privée des entreprises, continuent à détenir le pouvoir économique.
L’orientation de la production et de la distribution en fonction des besoins plutôt que du profit suppose que les entreprises les plus importantes deviennent la propriété collective de l’ensemble de la société. Ce n’est que de cette manière que l’on peut éliminer la contrainte apparemment irréductible d’être compétitif, à laquelle tout et tous doivent être subordonnés dans la concurrence capitaliste.
Afin de briser le pouvoir des capitalistes sur nos vies, la propriété privée des moyens de production doit être abolie. Les principales entreprises doivent être nationalisées. Elles doivent être planifiées et gérées démocratiquement par l’ensemble de la société, en fonction des intérêts de celle-ci.
Nous n’achèterons pas les entreprises des capitalistes. Par «nationalisation», nous entendons l’expropriation des capitalistes. Ils ne reçoivent aucune compensation pour le fait qu’ils se sont enrichis pendant des décennies sur le dos de la population travailleuse. La gestion des entreprises nationalisées n’est pas simplement reprise par une direction ou la bureaucratie de l’État existant, comme le suggèrent les revendications sociales-démocrates pour une expansion du «service public». Une économie démocratiquement planifiée présuppose une démocratie ouvrière, dans laquelle les salariés administrent les entreprises et participent eux-mêmes à la planification.
6) Besoins au lieu de profits : santé et climat
La nécessité d’une économie démocratiquement planifiée au service de la population est évidente dans tous les domaines les plus importants de notre vie sociale. Nous nous limiterons ici à deux exemples particulièrement frappants : notre santé et la lutte contre le changement climatique.
Nous ne pouvons pas faire dépendre notre santé de la logique de profit et de l’épaisseur de notre portefeuille. Depuis des années, la pression de l’austérité s’accroît, tandis que les établissements de soins et de santé sont de plus en plus privatisés ou gérés selon des principes capitalistes. Tant le personnel de santé que les patients en souffrent. Selon un sondage de Unia, 86 % du personnel infirmier déclare se sentir souvent fatigué et épuisé. 87% se plaignent de ne pas avoir assez de temps pour leurs patients. Le capitalisme est malade, et il rend les gens malades ! Il est urgent de placer le système de santé sous le contrôle démocratique des salariés.
La crise climatique devient le plus grand défi de l’humanité. Le capitalisme détruit la planète et avec lui notre base d’existence. Pour éviter la catastrophe environnementale, pour limiter le réchauffement climatique à 1.5°C, des investissements globaux supplémentaires de plus de deux milliards de dollars sont nécessaires. Cet argent est disponible. Mais les capitalistes ne le paieront jamais volontairement, surtout pas dans la crise actuelle. Le capitalisme n’est pas seulement responsable de la crise climatique, il est aussi totalement incapable de la résoudre !
La science, les technologies et l’argent pour le changement écologique existent. Afin d’empêcher la destruction de la nature, base de la vie humaine, il est impératif que nous arrachions les installations de production et les investissements aux mains polluantes des capitalistes. La seule force capable de provoquer ce changement est la classe ouvrière. Elle est capable de placer les banques, les multinationales, voire toute la production et la science, sous contrôle et planification démocratiques.
Si le mouvement de la grève du climat veut atteindre ses objectifs, il doit montrer aux salariés qu’ils partagent des intérêts communs et les impliquer ainsi dans la lutte pour le climat. Cela est plus possible aujourd’hui que jamais : les revendications sociales des salariés, telles que des salaires plus élevés et une pension décente, se heurtent aux mêmes limites que le mouvement pour le climat : les limites du capitalisme. La politique bourgeoise en matière de crise climatique et économique suit la même logique (soutenue par les directions réformistes) : les salariés et les jeunes doivent payer. C’est pourquoi le mouvement pour le climat doit s’opposer résolument à toute taxe à la consommation qui fait peser une charge supplémentaire sur les salariés et leurs familles. Seule la classe ouvrière peut éviter la catastrophe environnementale ! Seule une classe ouvrière en lutte, mobilisée et organisée autour d’un programme révolutionnaire peut assurer une production et des investissements durables ! Nous devons exiger :
Cependant, une telle économie démocratiquement planifiée, basée sur la propriété commune des moyens de production, présuppose que le pouvoir de l’État passe entre les mains de la classe ouvrière.
7) Prenons le pouvoir politique !
Le programme de défense est destiné à donner une base commune à la lutte contre les attaques à venir. L’ouverture des livres de compte et le contrôle des salariés : ce sont des outils de lutte nécessaires qui nous donnent le pouvoir de mettre en œuvre le programme de défense contre la volonté des capitalistes. Cette lutte équivaut nécessairement à une rupture avec le système capitaliste. Si nous voulons réorganiser la société dans l’intérêt de l’écrasante majorité, nous nous heurterons à la résistance organisée de cette classe dominante derrière l’institution qui la représente : l’État.
L’État actuel est un État bourgeois, un État de la classe dirigeante, qui représente les intérêts des banques et des entreprises. C’est un organe de maintien de l’ordre existant et non une institution neutre qui incarne le bien commun. Ses tâches principales sont la protection de la propriété privée et la garantie des meilleures conditions possibles pour la réalisation de profits. Cet État ne peut être réformé et transformé en un outil progressiste de transformation de la société.
Dans des conditions extrêmement rares, il sera prêt à exproprier des capitalistes individuels. Mais il ne sera jamais prêt à remettre le contrôle et la gestion de l’économie entre les mains de la classe ouvrière. Il n’est pas une aide sur cette voie, au contraire : il est le dernier obstacle sur celle-ci. Les mesures nécessaires aujourd’hui ne seront jamais mises en œuvre par un gouvernement bourgeois.
La forme de gouvernement bourgeois-démocratique en Suisse ne change pas la nature oppressive de l’État. La démocratie bourgeoise n’a rien à voir avec la démocratie ouvrière, qui repose sur le façonnement actif et véritable de l’économie et de la société par la population travailleuse. Derrière la façade de la démocratie bourgeoise se cache le règne des banques et des entreprises.
Nous ne pouvons briser le pouvoir politique de la classe capitaliste qu’avec celui de notre propre classe ; la classe ouvrière doit prendre le pouvoir. Notre lutte défensive doit être ancrée dans de larges couches de la classe ouvrière. Pour cela, nous devons former nos propres organes démocratiques (assemblées, comités, etc.) dans les luttes, les mouvements de masse et les grèves d’aujourd’hui. Ces organes de lutte sont les germes d’une véritable démocratie ouvrière. C’est ainsi que certaines parties de la classe, par exemple des salariés en lutte ou un quartier, commencent à faire valoir leurs propres intérêts. Si c’est le cas, la grande majorité de la populaation cesse d’être gouvernée et opprimée par une classe étrangère. Les gens commencent à contrôler, réguler et gérer leur propre vie sociale de manière démocratique et par eux-mêmes. Pour cela, nous avons besoin d’une classe ouvrière unie.
8) Comment lutter contre le racisme et l’oppression des femmes ?
La classe dirigeante ne compte pas seulement sur la répression de l’État. Pour maintenir l’ordre, qui ne sert qu’une petite élite puissante, elle utilise divers moyens. «Diviser pour mieux régner» a toujours été une technique de domination. Afin de dissimuler l’antagonisme de classe fondamental entre la classe ouvrière et les capitalistes, les capitalistes et leurs idéologues divisent la classe ouvrière selon différentes lignes : selon la couleur de la peau, le sexe, l’orientation sexuelle, le niveau d’éducation et le type de notre travail, la nationalité et l’origine, etc. Tout cela pour nous mettre les uns contre les autres.
Ces dernières années, nous avons assisté à des mouvements de masse contre diverses formes d’oppression dans le monde entier – y compris en Suisse avec la grève des femmes du 14 juin 2019 et les manifestations Black Lives Matter de l’été 2020. Le racisme et l’oppression des femmes sont une composante fondamentale du capitalisme. Un nombre croissant de personnes, en particulier les jeunes de la classe ouvrière, en sont conscientes. Leur colère est dirigée non seulement contre des aspects individuels, mais de plus en plus contre l’ensemble du système oppressif. Dans ce système, les oppressions ne peuvent être complètement surmontées.
En tant que marxistes, nous sommes des internationalistes, parce que la classe ouvrière de tous les pays a le même intérêt. Ce qui est vrai au-delà des frontières nationales l’est également au sein de la classe ouvrière : nous luttons contre toute forme d’oppression. Les différentes luttes contre chaque forme d’oppression – contre le racisme, le sexisme, l’homophobie, la transphobie, etc. La question est de savoir comment.
Le seul moyen qui puisse produire une unité puissante est de se mettre d’accord sur la voie commune à suivre pour lutter contre l’oppression. La grande majorité de celles et ceux qui sont discriminés appartiennent à la classe ouvrière. La lutte antiraciste au sein de la classe ouvrière, par exemple, est une lutte nécessaire pour l’unité de classe. Menée avec les méthodes de la lutte des classes – l’internationalisme prolétarien comme idéologie et les grèves et les luttes comme méthode – elle devient une lutte politique contre la classe dominante. Celle-ci est l’adversaire commun et la première responsable du maintien de toute idéologie discriminatoire. Aux États-Unis, par exemple, les dockers ont cessé de travailler dans la lutte contre le racisme et la violence policière, ce qui nuit précisément à celles et ceux qui ont intérêt à maintenir ce système raciste : les capitalistes.
Unir les luttes, c’est les souder sur le terrain commun d’un programme politique. C’est à cela que ce programme devrait servir ! Toute discrimination des personnes par des personnes peut être surmontée. Mais elle ne deviendra réaliste que si la lutte est simultanément et consciemment une lutte générale pour transformer l’ensemble de l’ordre social. Le terrain fertile de ces idées discriminatoires – le capitalisme, la concurrence et l’exploitation des personnes – doit être supprimé.
9) Pour le socialisme ! Tout le pouvoir aux salariés unis du monde entier !
L’écrasante majorité de l’humanité n’a aucune perspective d’avenir sous le capitalisme dans sa crise la plus profonde de l’histoire. Pour une grande partie de la population mondiale, «continuer comme jusqu’à présent» n’est tout simplement pas une option. À l’automne 2019, une énorme vague de mouvements de masse s’est abattue sur le globe. Elle a révélé que la situation dans de nombreux pays avait déjà atteint la limite du supportable.
Dans de nombreux pays, tels que le Chili, l’Équateur, Haïti, le Liban, etc., ces mouvements se sont transformés en soulèvements de masse. Les masses dans les rues ont été au pouvoir pendant un moment ; les dirigeants ont alors été incapables de gouverner. Déjà en 2019, de nombreux gouvernements ne tenaient plus qu’à un fil. Mais ils sont restés au pouvoir, tout comme le gouvernement autour de Trump. Cette incapacité à arracher le pouvoir aux dirigeants et à le prendre en main a directement coûté des vies : tous ces gouvernements ont causé un énorme nombre de morts par leur politique de crise du Coronavirus, qui était motivée par le profit. Il n’y a pas de voie médiane : soit les salariés prennent le pouvoir, soit les attaques contre les conditions de vie et de travail, la faim, la guerre, les maladies, le chômage de masse, la destruction de la base naturelle de la vie (en bref : la barbarie) progressent.
Les expériences de lutte mentionnées montrent de façon impressionnante que même les mouvements de masse insurrectionnels de centaines de milliers de personnes ne suffisent pas. Ces gouvernements doivent être renversés et ils doivent être remplacés par une nouvelle force. Mais les expériences de lutte montrent aussi que la classe ouvrière en lutte a le potentiel pour renverser ce système barbare. Si la classe ouvrière se met en grève, il ne reste plus rien dans la société. Le soulèvement de Black Lives Matter a forcé le président des États-Unis à fuir vers son bunker. C’est la preuve que la classe ouvrière, lorsqu’elle se bat, peut mettre à genoux les capitalistes et leur État.
En pourrissant, le capitalisme force les salariés à se battre. Les manifestations de masse, les grèves et les émeutes aux États-Unis – le mouvement Black Lives Matter – n’ont été «que» le point culminant pour l’instant. Ce dont nous avons besoin, c’est de ce programme, qui montre la seule issue. Un programme qui montre aux salariés leurs intérêts communs et leur pouvoir en tant que classe, en organisant et en unifiant la classe. Un programme qui montre aux salariés que leur propre lutte contre les capitalistes et leur État est la seule clé pour aller de l’avant. Un programme révolutionnaire qui montre que les salariés doivent aller jusqu’au bout de leur lutte pour mettre fin à la barbarie : que les travailleurs, travailleuses et jeunes doivent prendre le pouvoir politique et économique en main, renverser le capitalisme et construire une société socialiste en fonction de leurs besoins.
«La théorie devient une force matérielle, dès qu’elle pénètre les masses.» (Marx). Mais la théorie et le programme ne vivent pas dans le vide et ne tombent pas du ciel. Il y a besoin d’une organisation qui incarne ce programme. L’organisation révolutionnaire réunit des révolutionnaires qui, ensemble, coordonnent et défendent de manière concertée ce programme et l’ancrent dans les masses – afin qu’il atteigne les personnes qui en ont besoin et qui peuvent le mettre en œuvre.
La classe ouvrière et la jeunesse ont un besoin urgent d’une direction révolutionnaire qui soit prête à surmonter le capitalisme. C’est la tâche des marxistes de défendre et de diffuser ce programme dans tous les mouvements de la classe ouvrière et de la jeunesse. Quiconque est d’accord avec ce programme a le devoir d’aider à construire un courant marxiste fort.
Europe — de Emanuel Tomaselli, ICR Autriche — 16. 11. 2024
Amérique du nord — de la rédaction — 13. 11. 2024
Europe — de Jack Halinski-Fitzpatrick, marxist.com — 11. 11. 2024